Au Sénégal, Sonatel investit davantage mais réduit la part réinvestie de ses profits
mardi 29 juillet 2025
Le groupe télécoms ouest-africain a investi 152,6 milliards FCFA au premier semestre 2025. Un montant en hausse de 13,4 % sur un an, mais dont le poids relatif dans les résultats continue de baisser. Une évolution qui s’inscrit dans une dynamique où la rentabilité progresse plus vite que les dépenses d’investissement.
Sonatel, filiale du groupe Orange présente dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest, a augmenté ses dépenses d’investissement au premier semestre 2025. Le groupe a engagé 152,6 milliards de francs CFA (254,3 millions $), contre 134,5 milliards un an plus tôt, soit une hausse de 13,4 %. Ces dépenses se concentrent pour l’essentiel sur les infrastructures réseau, notamment la fibre optique, la transmission (backhaul) et la couverture 4G+, dans un contexte d’explosion de la demande en services data, alors même que le groupe indique préparer les fondations de sa transition vers la 5G.
Ainsi, le segment réseau a absorbé à lui seul plus de 133 milliards FCFA, tandis que les investissements IT ont été réduits de près de 33 %, à 8,5 milliards FCFA.
Un effort d’investissement qui pèse moins sur la rentabilité
Malgré cette hausse en valeur absolue, le ratio CAPEX/EBITDA est en baisse tendancielle depuis plusieurs années. Il est passé de 43 % en 2019 à seulement 33 % au premier semestre 2025, après s’être établi à 36 % en 2024 et 34 % en 2023, selon les données du groupe.
« L’entreprise continue d’investir fortement, mais de façon plus ciblée et plus rentable », souligne un analyste basé à Dakar.
Mais cette lecture ne convainc pas tout le monde. Certains observateurs y voient au contraire un risque de sous-investissement structurel, alors même que le secteur télécoms est confronté à plusieurs défis : congestion des réseaux urbains, lenteur du déploiement de la fibre dans certaines zones, attentes croissantes en matière de qualité de service et préparation au saut technologique vers la 5G.
Depuis 2020, le résultat net du groupe a presque doublé, tandis que le dividende, en hausse plus modérée, a progressé de 35 %. Le taux de distribution est passé d’environ 60 % à 42 %, laissant penser que Sonatel conserve une part croissante de ses résultats pour financer sa croissance. Mais paradoxalement, cette rétention ne s’est pas accompagnée d’une intensification proportionnelle des CAPEX.
Malgré un environnement macroéconomique contraint – pressions fiscales renforcées, durcissement réglementaire sur l’identification des abonnés, volatilité dans certaines devises régionales – le groupe affiche des résultats semestriels robustes. Son chiffre d’affaires atteint 960,2 milliards FCFA (+9,4 %), son EBITDAal progresse de 12,3 % à 458 milliards, et son résultat net grimpe de 8 % à 208,1 milliards.
Cette performance est principalement tirée par la montée en puissance des relais de croissance structurants : +10,4 % pour le segment data mobile, +41,7 % d’abonnés fibre, et +4,1 % pour Orange Money, malgré une pression réglementaire et concurrentielle croissante sur les services financiers mobiles. Mais cette dynamique positive soulève une interrogation : les niveaux d’investissement actuels permettront-ils de soutenir durablement cette traction, dans un environnement en mutation rapide ? Et surtout avec les forts investissements des autres acteurs, notamment le groupe Axian ?
Vigilance sur la trésorerie
Le groupe a aussi vu sa trésorerie nette baisser de plus de 92 milliards FCFA, conséquence logique du niveau d’investissements et d’une politique de rémunération des actionnaires inchangée, mais aussi des charges fiscales.
Dans ses perspectives, Sonatel annonce vouloir finaliser les chantiers structurants dans la fibre et la 4G+, tout en préparant l’essor des services digitaux à haute valeur : cybersécurité, cloud, IA.
Fiacre E. Kakpo
(Source : Agence Ecofin, 29 juillet 2025)