Algérie/Numérisation : urgence politique et retards structurels
vendredi 19 décembre 2025
À l’approche de l’échéance fixée par le président Abdelmadjid Tebboune, le gouvernement algérien accuse du retard,mais affiche une mobilisation de dernière minute sur le dossier de la transformation numérique.
En Algérie, le développement numérique est un chantier présenté comme stratégique mais toujours marqué par des retards, des effets d’annonce et des zones d’ombre sur sa mise en œuvre réelle.
À moins de deux semaines de la fin de l’année, l’Exécutif algérien semble vouloir accélérer brusquement sur le dossier de la numérisation, sommé par le président de la République de livrer des résultats concrets avant l’expiration d’un ultimatum formulé dès septembre. Lors d’une réunion hebdomadaire largement consacrée à ce sujet, le gouvernement a multiplié les communications sur l’état d’avancement des projets numériques, selon un communiqué officiel de la Primature.
Cette mobilisation tardive intervient dans un contexte de pression politique explicite. Le chef de l’État avait averti que le processus devait être finalisé avant la fin de l’année, allant jusqu’à évoquer des « mesures radicales » en cas de non-respect des délais. Une menace qui, plus qu’un levier de gouvernance, traduit surtout l’incapacité chronique de l’administration à respecter ses propres calendriers sur un chantier lancé depuis plusieurs années.
Le Premier ministre, Nadir Larbaoui, a ouvert la réunion par une évaluation sectorielle du niveau de numérisation des ministères, reconnaissant implicitement l’existence de retards à « combler ». Toutefois, aucun calendrier détaillé, indicateur de performance ou mécanisme de reddition des comptes n’a été rendu public, laissant planer le doute sur la capacité réelle de l’administration à transformer cette injonction politique en résultats opérationnels.
L’accent a été mis sur le deuxième data center national, situé à Blida, présenté comme opérationnel depuis le 26 septembre. Déjà, cette chronologie interroge : si l’infrastructure est en service depuis plusieurs mois, pourquoi la numérisation globale de l’administration reste-t-elle aussi limitée dans les usages quotidiens des citoyens et des entreprises ? Le premier data center d’El Mohammadia, lui aussi présenté comme socle de la souveraineté numérique, n’a pas encore permis l’émergence d’un écosystème numérique public pleinement fonctionnel.
Le projet de cloud national, qualifié de « première génération », illustre également le décalage entre le discours et la réalité. Présenté comme un outil de modernisation des services publics et de sécurisation des données souveraines, il reste à ce stade un concept institutionnel, sans visibilité sur son modèle économique, sa gouvernance technique ou son articulation avec les besoins réels des administrations et du secteur privé.
Même constat pour le portail « Dzair Digital Services », érigé en symbole d’une administration moderne et accessible. Malgré les promesses d’un accès unifié et continu aux services publics, les Algériens continuent de faire face à des procédures largement papier, fragmentées et peu interopérables. Là encore, l’insistance présidentielle contraste avec la lenteur de la traduction concrète sur le terrain.
(Source : APAnews, 19 décembre 2025)
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