Afrique de l’Ouest : l’IPAO plaide pour une réforme du droit face aux GAFAM pour sauver les médias
mercredi 9 juillet 2025
L’Institut Panos Afrique de l’Ouest (IPAO) a publié un rapport sur la nécessité de réformer les cadres juridiques nationaux et régionaux visant à renforcer la viabilité économique des médias en Afrique de l’Ouest, face à l’action des grandes plateformes numériques, communément appelées GAFAM.
Dans le rapport rendu public, l’IPAO a insisté sur l’importance pour les pays d’Afrique de l’Ouest, notamment le Sénégal et la Côte d’Ivoire, d’adopter des réglementations « strictes » afin de garantir la viabilité économique des médias.« Face à la croissance rapide des plateformes numériques et à leur impact sur les médias traditionnels des pays ouest africains, l’urgence d’instaurer un mécanisme communautaire pour établir un partenariat économique équitable entre les médias et ces plateformes devient cruciale ».
Ce document souligne également, « la nécessité pour les gouvernements ouest-africains de redéfinir sur le régime économique des médias, afin d’intégrer les nouvelles possibilités de financement générées par l’exploitation numérique de leurs contenus ». L’IPAO appelle aussi à la « protection du marché publicitaire local et à la révision des lois sur le droit d’auteur pour mieux encadrer l’utilisation des contenus médiatiques ».
Selon l’IPAO, il y a d’abord la nécessité pour le Sénégal et la Côte d’Ivoire de revoir les cadres juridiques, qui sont insuffisants et ne peuvent ainsi nullement garantir une juste rémunération des contenus médiatiques et artistiques exploités par les géants du numérique. « Les contenus médiatiques et culturels ne bénéficient pas d’une protection juridique claire, à la hauteur de leur exploitation par les grandes plateformes numériques telles que Google, TikTok et autres distributeurs de nouvelles en ligne.
Ces plateformes reprennent les contenus médiatiques à des fins commerciales, sans autorisation préalable, ni contrepartie financière. Les instruments juridiques en vigueur sont en retard par rapport à l’évolution de la technologie qui engendre une nouvelle forme d’économie des médias.
Les raisons selon l’IPAO, se trouvent dans les faiblesses du cadre juridique national et supranational. La Loi 2008-09 du 25 janvier 2008 portant loi sur le Droit d’auteur et les droits voisins exclut les produits d’information de son champ d’application. L’adoption du texte n° 2008-10 du 25 janvier 2008 portant Loi d’Orientation relative à la Société de l’Information (LOSI), malgré son esprit futuriste, n’a pas amené le législateur sénégalais à anticiper sur les mutations technologiques qui affecteront plus tard le paysage médiatique et artistique.
Pour la Cote d’Ivoire, le cadre juridique relatif au secteur des médias et à la propriété intellectuelle ne garantit pas une protection absolue aux contenus médiatiques et artistiques reprises par les grandes plateformes numériques telles que Google, Facebook, Microsoft ou Opera news. Selon l’étude de l’IPAO, la législation ivoirienne ne prévoit point de dispositions relatives à la rémunération des producteurs de contenus en ligne par les géants du net qui les exploitent à des fins commerciales.
Dans le cas du Sénégal, l’Institut Panos Afrique de l’Ouest assure que « Les contenus médiatiques et culturels au Sénégal ne bénéficient pas d’une protection juridique claire, à la hauteur de leur exploitation par des plateformes comme Google ou TikTok ».
Par ailleurs, l’IPAO estime que les instruments juridiques sénégalais ont beaucoup de retard par rapport à l’évolution technologique. Ainsi, la Loi 2008-09 du 25 janvier 2008 sur le Droit d’auteur et les droits voisins exclut les produits d’information de son champ d’application. De plus, la Loi d’Orientation relative à la Société de l’Information (LOSI) n° 2008-10 du 25 janvier 2008 n’a pas permis au législateur sénégalais d’anticiper les mutations technologiques. Alors que la Loi n° 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la Presse se limite à des sources de revenus traditionnelles pour les médias, ignorant les opportunités numériques et n’exigeant pas explicitement une rémunération par des tiers utilisant les contenus médiatiques, regrette l’institut.
Comme Solutions, l’IPAO estime que les gouvernements et institutions régionales doivent impérativement intégrer de nouvelles sources de financement, protéger le marché publicitaire local et réviser les lois sur le droit d’auteur. Dans cette optique, l’adoption d’un Règlement communautaire immédiat est préconisé dans le but d’harmoniser les relations économiques. Une manière de s’inspirer de ce qui se fait en Europe, en Australie ou au Canada pour assurer une compensation équitable aux créateurs de contenu.
« Les gouvernements ouest-africains doivent redéfinir le régime économique des médias traditionnels prévus par les législations nationales qui régissent ce secteur. Le nouveau régime économique des médias devra prendre en compte les nouvelles opportunités de financement des médias générées par l’exploitation de leurs contenus par les plateformes numériques.
Prendre des dispositions réglementaires pour protéger marché publicitaire local à la hauteur des menaces qu’exercent les plateformes numériques, étant entendu que la publicité est la quasi-seule source de revenus des médias et des industries artistiques. 60 à 65% des annonces de l’offre publicitaire devrait être réservé aux médias. Les gouvernements ouest-africains doivent réviser les lois relatives au Droit d’auteurs pour étendre leurs champs d’application aux informations médiatiques de manière explicite.
Les acteurs des médias, des industries culturelles , la société civile des médias et les d’organisations qui militent pour un développement équitable doivent développer une plateforme pour engager un processus de plaidoyer stratégique à l’endroit des décideurs politiques nationaux et communautaires, afin de contribuer à la mise en place d’ un cadre harmonisé, permettant aux médias, aux journalistes et aux producteurs de contenus africains de conclure des accords commerciaux équitables avec les plateformes numériques.
Cécile Sabina Bassene
(Source : Pressafrik, 9 juillet 2025)