Afrique de l’Ouest et du Centre : trois centres régionaux d’excellence en IA d’ici 2028
mercredi 19 novembre 2025
Les ministres du numérique des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre s’engagent à combler leur retard numérique : trois centres régionaux d’excellence en IA d’ici 2028 sont annoncés et un pari massif sur la formation de millions de jeunes aux métiers du futur.
Les États d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont annoncé, lors du Sommet régional sur la transformation numérique tenu les lundi 17 et mardi 18 novembre 2025, à Cotonou, un plan d’envergure pour développer l’intelligence artificielle (IA) et créer des emplois dans l’économie numérique.
La Déclaration de Cotonou, adoptée lors du Sommet régional sur la transformation numérique, co-organisé par la Banque mondiale, prévoit la création de trois centres régionaux d’excellence en IA, ainsi que la formation de 20 millions de personnes aux compétences numériques d’ici 2030 et 200 000 professionnels en cybersécurité et technologies numériques avancées. Un domaine jugé critique alors que les pays multiplient les services publics en ligne.
L’ambition affichée est celle d’un rattrapage rapide. La région reste aujourd’hui faiblement positionnée dans la course mondiale à l’IA : l’Afrique de l’Ouest ne représente que 0,2 % de la capacité mondiale de calcul, un frein majeur à la recherche, aux services publics numériques et à l’innovation locale. « Sans investissement massif dans la capacité de calcul et les compétences, l’Afrique restera spectatrice de la révolution numérique », a prévenu Sangbu Kim, vice-président de la Banque mondiale chargé du numérique.
Une dynamique que les dirigeants veulent transformer en opportunité. Outre les formations de masse, la Déclaration prévoit que deux millions de jeunes, de femmes et de personnes vivant avec un handicap profitent d’opportunités professionnelles ou entrepreneuriales dans les métiers du numérique. Alors que selon la Banque mondiale, Seulement 7 % des micro-entreprises utilisent un smartphone sur le continent et selon le genre ils ne sont que 2 à 8 % à utiliser un ordinateur.
Cette orientation devient donc « indispensable », selon Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre : « nous devons créer des emplois de qualité pour éviter une fracture sociale numérique profonde ».
Les centres d’excellence doivent servir de plateforme de recherche appliquée, de formation avancée et d’incubation d’innovations. Ils devraient également soutenir les administrations dans le développement de services publics numériques fondés sur l’IA, notamment dans l’éducation, la santé, la protection sociale et l’agriculture. Aucun calendrier n’a été encore donné pour leur implantation.
Pour Aurélie Adam Soulé Zoumarou, ministre du Numérique du Bénin, l’enjeu est collectif : « le temps des initiatives isolées est terminé. Si nous voulons que l’Afrique devienne productrice d’intelligence artificielle et non simple consommatrice, nous devons mutualiser nos ressources et nos talents ».
Mais le chantier est immense. Selon les données de la Banque mondiale, l’Afrique subsaharienne cumule plusieurs handicaps structurels dans sa transition numérique. Si 84 % de la population vit dans une zone couverte par la 3G ou la 4G, seuls 22 % (38-40% en Afrique de l’Ouest et du Centre) utilisent effectivement l’internet mobile, un écart d’adoption de 62 % — le plus élevé au monde. Pour les ménages les plus pauvres, un forfait de données représente jusqu’à un tiers du revenu mensuel, ce qui limite mécaniquement la diffusion des compétences numériques et la montée en puissance de l’IA. À cela s’ajoute un déficit massif en compétences intermédiaires — data engineering, gestion des centres de données, préparation des données — indispensables pour déployer l’IA dans les administrations comme dans les entreprises.
Le texte appelle donc à renforcer l’accès au haut débit, à développer des infrastructures de données régionales et à mobiliser un financement régional dédié à la transformation numérique, afin de soutenir ces ambitions. « Il faut désormais agir vite pour que cette déclaration ne reste pas une promesse de plus », a résumé l’ingénieur et chercheur Moustapha Cissé, pionnier de l’IA en Afrique.
Fiacre E. Kakpo
(Source : Agence Ecofin, 19 novembre 2025)
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