Afrique de l’Ouest et du Centre : 40% des données critiques seront hébergées localement d’ici 2028
lundi 24 novembre 2025
Cotonou, les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont acté leur volonté de reprendre la main sur leurs données sensibles : d’ici 2028, 40 % devront être hébergées dans des centres régionaux, un jalon présenté comme essentiel pour asseoir une véritable souveraineté numérique face aux géants étrangers.
Les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont adopté la semaine dernière une déclaration commune, la Déclaration de Cotonou, dont un des points phares vise à rapatrier 40% des données gouvernementales critiques dans les data centers locaux, alors que la majorité est encore stockée en Europe ou aux États-Unis. Selon la Banque mondiale, l’Afrique ne représente aujourd’hui moins de 1 % de la capacité mondiale de stockage et de calcul, un niveau jugé insuffisant au regard de l’essor des identités numériques, des registres sociaux et des services publics en ligne.
La Déclaration prévoit également le déploiement de points d’échange Internet régionaux pour sécuriser le trafic africain, ainsi que l’adoption de cadres harmonisés de cybersécurité, de protection des données et de gouvernance de l’IA, conditions nécessaires pour un hébergement transfrontalier des données publiques. Trois centres régionaux d’excellence en IA devront par ailleurs être opérationnels d’ici 2028.
Selon Sangbu Kim, vice-président de la Banque mondiale chargé du digital, 85 % de la capacité mondiale de calcul est concentrée dans les pays à revenu élevé.
Si plusieurs pays disposent déjà de leurs propres data centers, publics comme privés, leur taux d’utilisation reste cependant faible. Une large part des données publiques – fiscalité, santé, identité, marchés – continue d’être hébergée dans des clouds étrangers, tandis que les entreprises, y compris les banques et fintechs, privilégient encore leurs propres serveurs ou des datacenters hors du continent.
La demande locale demeure limitée : les usages gourmands en calcul (IA, analytique, e-gouvernement, EdTech, HealthTech) peinent à émerger, et beaucoup d’acteurs ne perçoivent pas encore l’intérêt du cloud local. À cela s’ajoutent l’absence d’harmonisation régionale, des coûts élevés de l’énergie, ainsi que des data centers parfois non certifiés ou peu connus. Résultat : des infrastructures existantes mais souvent sous-exploitées, faute d’un marché intégré capable d’en mobiliser pleinement le potentiel.
La Déclaration propose aussi la création d’un mécanisme régional de financement pour soutenir les infrastructures de données et une feuille de route technique attendue dans les prochains mois. L’augmentation rapide du volume de données publiques — identité numérique, e-gouvernement, santé, paiements — renforce l’urgence d’infrastructures locales fiables et sécurisées. La Déclaration fixe également l’objectif de doter au moins 50 % des citoyens d’une identité numérique sécurisée d’ici 2028, une évolution qui renforcera encore la quantité de données sensibles à héberger localement.
Fiacre E. Kakpo
(Source : Agence Ecofin, 24 novembre 2025)
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