Eve-lise Blanc-Deleuze, specialiste des telecommunications : « Le Sénégal peut être un leader dans la transition vers le numérique »
mercredi 4 décembre 2013
Eve-lise Blanc-Deleuze, spécialiste de la transition numérique et de la convergence media-télécom aborde les enjeux de la transition numérique en Afrique. Selon elle, l’ensemble des pays doivent faire le nécessaire pour arrêter leur diffusion analogique avant le 15 ou le 17 Juin 2015. L’objectif est de récupérer la dividende numérique et de la réattribuer soit à de nouvelles chaînes soit à des télécoms pour créer de nouveaux services.
Que peut-on retenir du processus de transition numérique en Afrique ?
« La transition numérique n’est pas un phénomène national, mais plutôt international. L’Union internationale des télécommunications (Uit) qui a instauré un timing pour l’arrêt de la diffusion analogique en bande Uhf avant le 15 ou le 17 Juin 2015 et l’arrêt de la diffusion analogique en bade Vhf avant le 15 ou le 17 juin 2020. Pendant ce temps-là, il faut impérativement que l’ensemble des pays fassent le nécessaire pour arrêter leur diffusion analogique télé pour pouvoir récupérer ce qu’on appelle une dividende numérique et la réattribuer soit à de nouvelles chaînes soit à des télécoms afin de créer de nouveaux services. C’est un enjeu technologique important. Le choix qui a été fait en Afrique francophone est en Afrique tout court est un choix technique, un choix culturel. Un enjeu culturel extrêmement fort parce que qui dit passage au numérique, dit multiplication de l’offre de programmes. L’Afrique est au tournant de son histoire. Le développement de la technologie numérique, au-delà de l’apport et du développement économique que cela signifie, c’est aussi une formidable opportunité pour réaliser en Afrique ce que les Européens n’ont pas été capables de faire qu’est la vraie convergence média télécom. Aujourd’hui, avec le passage au numérique, il faut oublier les distinctions traditionnelles entre internet, téléphone, audiovisuel. Il faut considérer des tuyaux dans lesquels on va mettre du continu numérique et la création d’un contenu numérique, c’est un véritable enjeu culturel avec des programmes linéaires, interactifs, géo-localisés qui puissent tenir compte des différentes dialectes, des différentes cultures ou des différentes ethnies, entre autres. Et le faire en coordination avec les pays de la sous-région dans la création de continus (africains ou sénégalais) qui puissent être accessibles aux pays limitrophes ou ailleurs ».
Le Sénégal est-il prêt à aller vers cette transition numérique ?
« Je suis convaincu que le Sénégal peut être un des pays leaders dans la sous-région dans la transition vers le numérique. Le Sénégal est déjà très en avance sur ce sujet-là. C’est une obligation et de toute façon ; il n’y a pas le choix. Le numérique permet l’émergence de programmes interactifs. La convergence numérique se fera en Afrique beaucoup plus qu’en Europe. L’Afrique souffre d’un retard d’infrastructures qui, quelque part, est une chance pour lui de sauter des étapes. Il n’y a pas de téléphones en fil ou très peu en Afrique. Par contre, le téléphone portable, tout le monde presque en dispose. Il y a un taux de pénétration des portables important et un développement des services en Afrique ; ce qui est extraordinaire. Il y a un gap numérique mais je suis intimement convaincue que cette vraie fracture numérique qui existe ne pourra être largement comblée que grâce à cette transition, à cette obligation de la faire. Le gap sera comblé à travers la transition numérique qui va accélérer ce processus, comme cela s’est passé avec le téléphone portable ».
Quel rapport peut-on faire entre la transition numérique et l’aménagement numérique du territoire ?
« L’aménagement numérique du territoire est une des conséquences de la transition numérique. La transition numérique est un phénomène mondial qui est obligatoire dans lequel il y a un impératif de temps et de délai. Il faut alors penser à réfléchir sur la stratégie de numérisation du territoire. C’est une vraie décision stratégique et politique des Etats de se dire, dans le cadre de cette transition numérique, qu’est ce que je choisis de faire entre installer le numérique essentiellement dans les grandes villes ou aller aux fins fond des territoires, de la brousse. C’est une pensée globale qui, dans le cadre du timing, va impacter sur l’infrastructure qui sera mise en place pour les prochaines années ».
Diam Sy et Amadou Diop
(Source : Le Soleil, 4 décembre 2013)