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Accueil > Articles de presse > Archives 1999-2024 > Année 2017 > Juillet 2017 > « Être connecté à Internet peut être une question de vie ou de mort »

« Être connecté à Internet peut être une question de vie ou de mort »

samedi 8 juillet 2017

Genre

Internet n’est pas l’espace démocratique dont ses fondateurs avaient rêvé. Au sein de la Web Foundation, créée en 2009 par le papa du Web Tim Berners-Lee pour établir un Internet ouvert comme un bien public mondial et un droit fondamental, Nanjira Sambuli plaide pour promouvoir l’égalité dans l’accès au Web, et l’égalité dans son utilisation. En 2015, cette chercheuse et analyste kenyane a révélé pour la première fois l’ampleur des inégalités entre hommes et femmes dans l’accès à Internet. Depuis, elle se bat pour qu’Internet inclue et émancipe davantage les femmes, partout dans le monde. Usbek & Rica a profité de sa présence au OuiShare Fest, qui se tenait les 5, 6 et 7 juillet à Pantin, pour la rencontrer. Et évoquer aussi bien les disparités hommes/femmes que la course de Google et Facebook pour déployer une connexion Internet de qualité 3G dans des régions reculées.

Yaoundé, Bogota, New Delhi, Jakarta, Nairobi, Maputo, Lagos, Manille et Kampala. En 2015, Nanjira Sambuli est allée à la rencontre de femmes de ces neuf villes avec une batterie de questions simples. Avez-vous accès à Internet ? Pourquoi l’utilisez-vous ? Pour vous informer sur vos droits, votre santé, chercher un travail ? Êtes-vous sur les réseaux sociaux ? L’interrogation sous-jacente était la suivante : Internet est-il, pour elles, l’outil d’émancipation - économique, politique, social - qu’il devrait être ? De ces entretiens menés auprès de 10 000 femmes, Nanjira Sambuli retient deux chiffres clés : les femmes pauvres des pays du Sud sont 50 % moins susceptibles d’être connectées que les hommes, et de 30 à 50 % moins susceptibles d’utiliser Internet pour leur émancipation personnelle ou pour participer à la vie civique.

Depuis, au sein de la Web Foundation, Nanjira Sambuli s’emploie à faire comprendre aux gouvernements et aux acteurs du secteur que même quand il s’agit d’installer un réseau WiFi à la campagne, l’inégalité hommes/femmes entre en jeu, et doit être prise en compte en amont. Un combat qu’elle mène un peu partout dans le monde. Avec Nairobi, sa ville d’origine, pour point de chute.

Usbek & Rica : Votre recherche a démontré comme Internet tend à laisser de côté les femmes, surtout dans les pays en voie de développement. Quelle est votre démarche, au sein de la Web Foundation, pour combattre ces inégalités ?

Nanjira Sambuli : À la naissance du Web, on croyait qu’en donnant un accès aux gens, tout le monde serait connecté. Or, on se rend compte que les mêmes inégalités qui existent hors ligne se reproduisent en ligne. Même quand les femmes utilisent Internet, elles ne l’utilisent pas pour chercher un travail ou pour s’exprimer sur des sujets politiques. L’étude nous a ouvert les yeux, parce qu’il y a beaucoup d’idées fausses : je suis kenyane, et on entend toujours dire que le Kenya est le pays le plus connecté d’Afrique, qu’il a un très fort taux de pénétration, ce qui est super. Mais quand tu creuses, tu te rends compte que l’on inclut des gens qui se connectent d’une fois par mois (!) à une fois par jour. Et les études ne prennent pas en compte le genre.

« Oh non, voilà les féministes »

La réalité, c’est qu’Internet bénéficie surtout aux hommes, et surtout à ceux qui ont déjà accès à d’autres ressources. Et cela reste très difficile de faire comprendre aux gens qu’il y a une question de genre liée à l’accès et à l’utilisation du Web et de la technologie. Ils disent, « oh non, voilà les féministes », « elles font encore du bruit », « on s’en fout »...

Quels sont les freins qui empêchent les femmes d’avoir accès à Internet, et comment agissez-vous ?

J’essaie de faire en sorte que les décideurs comprennent que même dans une action comme le déploiement d’un réseau WiFi public, il faut prendre en compte les femmes. Dans des régions rurales, par exemple, ils vont vouloir construire un centre d’accès à Internet [« ICT Center »] dans l’idée que tout le monde puisse venir. Très bien. Mais c’est ouvert de 8h à 17h. Des heures pendant lesquelles les femmes sont chez elles, en train de s’occuper de leurs enfants, dehors dans les champs, au marché, etc… Elles ne sont pas disponibles, et vont rater ce que leur offre ce centre.

L’alternative, c’est se demander où sont les femmes pendant ces heures-là. Si elles sont au marché, pourquoi tu ne t’assures pas que le WiFi public y soit accessible ? Pour qu’entre deux clients, elles puissent l’utiliser ? Pourquoi tu ne fais pas la promotion de cours en ligne - de commerce par exemple - qui leur permettraient d’avoir accès à plus de clients ? Il faut faire en sorte que les infrastructures soient pensées pour les femmes. Le temps est l’une des premières barrières pour celles que nous avons interrogées, devant le coût, qui reste un frein majeur. Les femmes gagnent moins que les hommes et leur priorité ne sera pas d’acheter un téléphone portable ou un ordinateur.

Si la question de l’accès concerne davantage les pays du Sud, celle de l’égalité hommes/femmes dans l’utilisation d’Internet est en revanche un enjeu mondial...

Une femme reste une femme ! C’est un sujet mondial puisque toutes nos sociétés sont patriarcales. À Paris, par exemple, tout le monde est connecté. Mais qui peut parler librement en ligne et utiliser Internet pour faire ce qu’il veut ? Partout dans le monde, ce sont surtout les hommes, car les femmes sont confrontées au sexisme, à la haine… L’enjeu, c’est de se demander quels sont les exemples à suivre, à travers le monde. Quelles sont les bonnes pratiques à répliquer, quels sont les outils anti-harcèlement les plus efficaces. Les femmes politiques que nous avons rencontrées sont victimes d’intimidation ou de harcèlement, certaines peuvent être tuées… Mais qui réglemente, et doit-on le faire ? L’Allemagne a décidé de sévir [en s’attaquant directement, dans une loi du 30 juin 2017, à Facebook ou Twitter s’ils ne retirent pas les contenus haineux sous 24 heures, ndlr]. Mais le gouvernement allemand n’outrepasse-t-il pas ses fonctions ? Dans quelle mesure l’auto-régulation est-elle possible ?

« La question de la neutralité du net est fondamentale pour que l’on n’aboutisse pas à un Internet fragmenté »

Comment en êtes-vous venue à travailler autour du sujet d’Internet -par différents biais - depuis plus de dix ans ?

J’ai découvert, aux débuts de Twitter, vers 2007, la facilité avec laquelle tu pouvais te connecter et te découvrir des points communs avec des personnes à l’autre bout du monde. Au même moment, nous avons connu les violences post-élections au Kenya [la crise de violence née à la suite de l’élection du 27 décembre 2007 a fait plus de 1500 morts, ndlr], et les communications par téléphone et SMS étaient coupées. Les personnes connectées se sont reposées sur le Web pour partager des infos sur ce qui se passait dans le pays. C’est de là qu’est née la plus grande plateforme de crowdmapping, Ushahidi, pour localiser les incidents. La crise m’a fait réaliser la force disruptive d’Internet, j’ai étudié le rôle des réseaux sociaux dans les élections de 2013, et petit à petit, je suis passée de l’échelle locale à l’échelle mondiale.

Que pensez-vous des efforts de Facebook et Google, qui grâce au drone Aquila pour l’un, et aux ballons Loon pour l’autre, se font la course pour toucher les régions les plus isolées et « connecter le monde » ?

La question, c’est : est-ce qu’apporter Internet à la population est une responsabilité qui devrait revenir à des entreprises privées ? Pour eux, l’intérêt est économique. C’est aux gouvernements de fixer un certain nombre de règles, pour s’assurer que le Web sera ouvert. Il ne faudrait pas que Facebook installe un Internet qui ne donne accès qu’à Facebook, par exemple. La question de la neutralité du net est fondamentale pour que l’on n’aboutisse pas à un Internet fragmenté dans lequel aller sur tel ou tel site coûterait plus cher, et où l’on vivrait dans nos bulles, avec l’Internet des pauvres, l’Internet des riches, l’Internet des femmes…

« Il est devenu de plus en plus risqué de ne pas être connecté »

Par ailleurs, quand une entreprise fait seule ce type d’investissement, que se passe-t-il si elle coupe les fonds ? Les gouvernements ont normalement des fonds pour assurer un service universel. Il faut être sûr qu’il y ait une continuité. Ceci étant dit, les gouvernements ont tendance à être plus lents, l’utilisation de ces fonds peut être peu transparente, donc je peux comprendre que Google et Facebook prennent les devants. C’est une tension privé/public classique. Mais il faut bien comprendre que c’est la vie des gens qui est en jeu : il est devenu de plus en plus risqué de ne pas être connecté. Être connecté ou pas, ça peut être une question de vie ou de mort. S’il y a une explosion ici et qu’on n’est pas connectées, on ne le saura pas.

A l’occasion du 28e anniversaire du World Wide Web en mars, Tim Berners-Lee a renouvelé ses craintes sur l’avenir du Web. Comment envisagez-vous le Web de 2040 ?

Il y a plusieurs scénarios. Il y a la dystopie dans laquelle dans 20 ans, en fonction de qui a gagné la bataille pour vous connecter, vous êtes enfermés dans une bulle, les GAFA dirigent le monde, vous avez l’impression qu’il n’y a pas d’échappatoire et il est devenu plus risqué d’être déconnecté que connecté. Si vous êtes déconnecté, vous êtes suspects, presque que comme dans 1984. Il y a aussi une autre dystopie où il existe une version française d’Internet, une version russe, etc…

« L’UE résiste sur la bataille des données, les Etats-Unis se battent pour la neutralité du Net, l’Inde a bloqué Free Basics... Il va falloir voir ce qui émerge de l’Afrique »

Mais je veux être optimiste et me dire qu’on aura une sorte d’accès universel à Internet. Il y a des signes encourageants. L’UE résiste sur la bataille des données, les Etats-Unis se battent pour la neutralité du Net, l’Inde a bloqué Free Basics (le service Internet gratuit de Facebook, vivement dénoncé en Inde car accusé de ne pas respecter la neutralité du net, ndlr)... Il va falloir voir ce qui émerge de l’Afrique. En Afrique, l’un des plus grands problèmes, ce sont les coupures Internet (utilisées par les autorités pour garder le contrôle de l’information en période de crise, ndlr). Au Kenya, les gens se battent sur ce sujet et l’ont bien fait comprendre au gouvernement : si vous refaites ça, on ne revote pas pour vous. Les gens voient bien combien leur vie repose sur Internet. Ce n’est pas le combat de quelques personnes. C’est une armée de gens connectés, qui en voient les bénéfices et ne veulent pas y renoncer.

Alors que 50 % de la planète n’est pas encore connectée, la déconnexion fait de plus en plus d’adeptes en Occident. En France, nous avons instauré « le droit à la déconnexion ». Qu’en pensez- vous ?

La question, c’est : pourquoi les gens déconnectent ? A cause de la surcharge d’informations ? Parce qu’ils ont finalement juste besoin d’admirer ce putain de lac sans en prendre une photo pour les réseaux sociaux ? Ou parce qu’ils ne se sentent pas libres et en sécurité sur les réseaux ? Si cela reste un choix : très bien. Mais si c’est contraint, c’est autre chose. Maintenant que j’y pense, je me dis que dans quelques années, on conduira peut-être une recherche sur les raisons pour lesquelles les gens se déconnectent. Ça ne m’étonnerait pas !

Annabelle Laurent

(Source : Usbek & Rica, 8 juillet 2017)

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