En une poignée d’années, la physionomie des villes africaines a changé. Sur les boulevards des grandes villes comme dans de nombreux bourgs ruraux, des kiosques et comptoirs individuels ont fait leur apparition : ceux des vendeurs de communications téléphoniques. Ces « télécabines » proposent aux consommateurs possédant un portable d’en recharger les unités et à ceux qui en sont dépourvus de pouvoir téléphoner.
En Afrique, où le téléphone fixe est resté sous-développé, la croissance du mobile a été spectaculaire au cours des cinq dernières années. Selon l’Union internationale des télécommunications (UTI), on y compte désormais 260 millions de possesseurs de téléphone portable, qui contrastent avec les 20 millions d’abonnés au réseau filaire. Cet essor est en train de faire de l’Afrique un eldorado pour les opérateurs qui commercialisent avec des marges à deux chiffres un produit coûteux en regard du niveau de vie local.
Moins gourmande en investissements que les réseaux filaires, la téléphonie mobile est profitable et sûre, notamment parce que les clients acquièrent pour la plupart des cartes prépayées. Toutefois, le montant des licences commence à augmenter : l’opérateur soudanais Sudatel a récemment déboursé 150 millions d’euros pour la troisième licence GSM au Sénégal. L’enjeu concerne aussi les industriels, qui visent les marchés émergents avec des combinés dont les moins chers valent 35 € hors taxes. Les appels d’une compagnie à une autre étant généralement surfacturés, il n’est pas rare de rencontrer en Afrique des détenteurs de deux, voire trois téléphones mobiles raccordés aux différents réseaux !
Quatre grands groupes dominent désormais le continent Fait révélateur, quatre des six milliardaires (en dollars) africains appartiennent à la famille égyptienne Sawiri, qui détient le groupe de télécommunications Orascom, un groupe présent en Égypte, en Algérie, en Tunisie et au Pakistan. Un autre des hommes les plus riches du continent, le Britannique d’origine soudanaise Mo Ibrahim, a fait fortune grâce à la téléphonie cellulaire en fondant Celtel, un pionnier sur le continent, revendu en 2005.
Quatre grands groupes dominent désormais le continent : le sud-africain MTN, le français Orange (France Télécom), le britannique Vodafone et le koweïtien Zain (Celtel). « L’Afrique représente pour Orange 33 millions de clients, explique Marc Rennard, directeur exécutif pour la zone Afrique, Moyen-Orient et Asie d’Orange. C’est un marché qui croît en termes de nombre d’abonnés depuis plusieurs années au rythme de plus de 40 % par an et qui garde une marge importante de progression. »
Certains grands pays restent sous-équipés, à l’image de la République démocratique du Congo. Le marché reste peu équilibré géographiquement : le cinquième de tous les abonnés africains au mobile cellulaire se trouve en Afrique du Sud, et les trois pays du Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) plus l’Égypte représentent le tiers de ces abonnés africains au mobile.
L’enjeu pour demain consistera à diffuser Internet
« La croissance du mobile accompagne la croissance économique des pays », constate Marc Rennard, qui revendique par exemple le raccordement au réseau mobile de 14 000 villages sénégalais. Les opérateurs ont adapté leur offre, par exemple en instaurant le transfert de solde entre abonnés, qui peut faire office de transferts de fonds en cas d’urgence. Certaines marques permettent aussi l’interopérabilité entre leurs réseaux dans plusieurs pays, sans surcoût pour l’abonné.
Plusieurs systèmes permettant aux agriculteurs de connaître les cours de leurs produits sont en vigueur ou à l’essai en Afrique de l’Ouest. Autre usage du mobile apprécié en Afrique : il a permis dans certains pays une transmission des résultats, bureau par bureau, dans le cadre d’observations électorales, désamorçant la fraude.
L’enjeu pour demain consistera à diffuser Internet, qui reste sous-utilisé sur le continent. Outre la 3G (téléphonie de troisième génération) permettant l’accès au réseau grâce à un téléphone mobile, le WiMax, une technologie sans fil à haut débit utilisant les micro-ondes, est déjà disponible dans plusieurs pays d’Afrique, avec d’excellents résultats techniques.
Laurent d’ERSU
(Source : La Croix, 23 avril 2008)