La Sonatel a coupé volontairement le Sénégal du reste du monde. Pendant 24 heures, le réseau des téléphones fixe et mobile ainsi que l’Internet a été perturbé. Un mouvement d’humeur des travailleurs de la Sonatel qui contestent l’arrivée de Global Voice... dans le réseau. Global Voice, une société haïtienne avec laquelle l’Etat du Sénégal a signé un contrat pour la gestion des appels extérieurs.
La réaction des « Sonataliens » a créé une levée de boucliers de la part d’organisations consuméristes devenues subitement bavardes, elles si silencieuses quand la Senelec plonge le pays dans le noir depuis près d’un mois maintenant. Qu’à cela ne tienne, elles ont décidé de porter plainte samedi 7 août (12h 30) auprès de l’Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP).
Elles reprochent à la Sonatel d’avoir causé un énorme préjudice aux consommateurs. Certes ! Mais, que représente ce préjudice évalué à près de 50 milliards de F Cfa,- on se demande sur la base de quel instrument de mesure ? Et si le Sénégal est capable de produire 50 milliards de Fcfa par jour, pourquoi est-il encore logé dans la catégorie des pays pauvres très endettés (ppte) ?,- par rapport à la nébuleuse qui entoure cette affaire Global Voice.
Comment cette société a-t-elle été choisie ? Pour quelle raison ? Par quel procédé ? L’opinion nationale n’a pas souvenance d’un appel d’offres conformément aux dispositions pertinentes du Code des marchés publics dont on se vante tant dans notre pays qui aurait présidé à son choix par l’Artp ? Et pourquoi c’est l’Artp au lieu des fameux conseillers comme pour la licence Sudatel qui s’en occupe ?
Voilà autant d’interrogations qui méritent d’être posées sur l’arrivée de Global Voice qui toucherait 49 % des dividendes des appels entrants. Curieux Sénégal où « un préposé aux tickets d’entrées perçoit autant que l’organisateur de la manifestation payante » ! Moitié-moitié ! Du jamais vu ! Mais il y a pire : Pourquoi voudrait-on en effet, tuer ce fleuron de l’économie nationale qu’est la Sonatel qui fait vivre plusieurs entreprises ? En dépit des impressionnants dividendes qui sont partagées annuellement entre les actionnaires et dont les montants choquent parfois une opinion paupérisée, la société des télécommunications reste une de nos rares fiertés nationales ? Mieux, si le Sénégal possédait simplement dix autres entreprises de sa taille, il n’aurait plus besoin de lever l’impôt de ses pauvres citoyens, car la Sonatel, c’est 12% des recettes budgétaires du Sénégal. Pour qui roulent ces organisations consuméristes ?
Qu’attendent-elles pour demander des comptes à une « ministre » de la République qui a osé acheter avec l’argent du contribuable des cuillères à 12.000 F Cfa l’unité et des nattes de prière à plus de 35.000 F Cfa la pièce. Qu’attendent-elles pour demander au ministre d’Etat, Karim Wade de s’expliquer sur les révélations contenues dans le livre d’Abdou Latif Coulibaly “Contes et Mécomptes de l’ANOCI“ ? Pourquoi ne pas attraire l’Etat et son chef qui ont abandonné le peuple dans les eaux puantes et dans les ténèbres pendant plusieurs mois ? L’affaire Ségura n’est-elle pas grave ? Quid de l’affaire Sudatel ? Que penser du train de vie de l’Etat et de ses inutiles institutions qui ne sont de simples caisses de résonance ?
Tous ces problèmes semblent le cadet de leur souci, à ces consuméristes à la colère et à la revendication si sélectives. Ce qui paraît plutôt les faire courir : les gros sous, comme ceux qui sont attendus de Global Voice. Mais le peuple sénégalais ne se laisse pas divertir par des pseudos défenseurs qui ne s’activent qu’en ses moments-là et pour ces causes d’argent. Les Imams de Guédiawaye eux portent courageusement, le drapeau de la revendication citoyenne. .
Par ailleurs, est-ce qu’on peut interdire aux travailleurs de la Sonatel de se faire entendre quand la situation l’exige. Nous autres : Hommes de médias, n’avions nous pas, pour protester contre l’agression barbare à l’encontre de nos confrères Kambel Dieng et Karamokho Thioune, privé le peuple d’un droit fondamental : celui du droit à l’information ? Les étudiants de l’Université font pire en kidnappant ou en saccageant des bus de Dakar Dem Dikk. Qui a entendu ou vu un seul « consumériste » protester ?
Les travailleurs de la Sonatel ont certes été accusés, mais ils sont loin d’être les seuls coupables dans cette affaire. Cet État qui depuis 2000 semble marcher sur la tête est en vérité le responsable premier de ce dérèglement du système. On se demande d’ailleurs s’il ne faut pas voir dans l’affaire Global Voice, un moyen de renflouer les caisses du parti en perspective de la présidentielle 2012 ?
Abdoulaye Thiam
(Source : Sud Quotidien, 9 août 2010)