L’accès aux réseaux sociaux a permis de rendre plus visible et plus audible une société civile en Afrique subsaharienne. Dans les sept pays de cette étude (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Madagascar, République démocratique du Congo, Sénégal), la prise de parole de citoyens sans mandat dans les débats politiques se libère, des initiatives citoyennes se multiplient dans des domaines où l’action publique fait défaut et on assiste à l’émergence de figures de référence (les influenceurs) capables de peser sur les débats publics, notamment en raison de leur audience sur les réseaux sociaux.
Dans ce nouveau contexte, les périodes électorales constituent des moments de tension, d’autant que l’exemple sénégalais de 2012 a montré que des citoyens réunis autour d’une poignée d’activistes pouvaient organiser une comptabilité alternative des résultats d’un scrutin en étant présents dans un grand nombre de bureaux de vote et en communiquant les résultats via SMS ou via les réseaux sociaux.
Le nombre de coupures de l’accès à Facebook, voire à l’internet, au cours des derniers mois en Afrique subsaharienne, est aussi la preuve de l’importance prise par les réseaux sociaux dans la circulation de l’information. La tentation se fait jour du côté des gouvernements d’en criminaliser l’usage. Le Zimbabwe a déjà initié la préparation d’une loi destinée à lutter contre le cybercrime qui menace la liberté d’expression. Il est à craindre que d’autres pays soient tentés de suivre la même voie dans les prochains mois.
Dans le même temps, on constate qu’un nombre croissant d’institutions et de services publics s’installent sur Facebook et tentent l’exercice difficile du dialogue direct en ligne avec les citoyens.
Les conversations initiées sur les réseaux sociaux (Facebook et WhatsApp essentiellement) ont de plus en plus d’impact.
En Côte d’Ivoire, elles ont conduit le chef de l’État à annoncer l’annulation d’une mesure de hausse des prix de l’électricité.
Au Sénégal, c’est la construction de l’ambassade de Turquie sur le domaine public maritime qui a dû être annulée.
Cette étude de terrain, réalisée en mai et juin 2016, a mobilisé des correspondants locaux dans sept pays. Un premier aperçu de l’environnement et des acteurs du web citoyen a été complété par une série d’interviews et une mission sur le terrain. Des activistes et des observateurs privilégiés d’autres pays, comme le Cameroun ou le Mali, ont également été interviewés.
Au total, 41 personnes ont participé à l’étude.
Dans leur grande majorité, il s’agit d’activistes et d’acteurs du web citoyen en Afrique subsaharienne. Quelques experts sectoriels ont également été sollicités. Tout en étant impliqués dans les débats de leur pays, ces internautes engagés sont très fortement connectés entre eux par-delà les frontières et partagent leurs expériences en temps réel, créant de facto une sorte de club panafricain des cyberactivistes. Le réseau des Africtivistes est l’une des concrétisations de ces échanges transnationaux.
(Source : CFI, 22 novembre 2016)