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Le financement de la transformation numérique en Afrique

mercredi 14 décembre 2022

Au cours de la dernière décennie, le continent africain a réalisé d’importants progrès en termes de transformation numérique comme en témoignent l’adoption massive du mobile et de l’internet mobile, le succès du mobile banking et l’émergence récente d’un écosystème de startups innovantes. Cependant, de nombreux chantiers sont encore en cours et tous les pays n’avancent pas à la même vitesse malgré une ambition commune au niveau continental.

Le financement de la transformation numérique de l’Afrique représente un enjeu majeur pour le continent tant le besoin en capitaux est important pour mener à bien tous les chantiers liés au développement du numérique. La multiplicité des parties prenantes (financeurs privés et publics, nationaux et internationaux), des instruments de financement (prêts, subventions, Partenariats Privé-Public) et des enjeux de souveraineté (hébergement des données, protection des données personnelles) et de relations internationales qui en découlent en font un sujet complexe et peu étudié.

Les promesses de la transformation numérique

La transformation numérique d’un pays (aussi appelée transformation digitale ou digitalisation) désigne le processus d’intégration des technologies numériques dans l’ensemble des activités économiques et sociales. Tous les pays du monde sont concernés par cette évolution qui s’applique aussi bien aux ménages (utilisation d’internet pour communiquer, télétravail, achats en ligne), aux entreprises (e-commerce, solutions informatiques et d’Intelligence Artificielle) et aux administrations publiques (dématérialisation des démarches administratives, identité numérique, open data).

Il faut rappeler que les bénéfices liés à l’adoption des technologies numériques sont la raison principale de l’engouement général pour la transformation numérique de nos sociétés. Une étude publiée par l’Union Internationale des Télécommunications a par exemple démontré qu’une hausse de 10% de la pénétration d’internet haut-débit mobile en Afrique engendrait une hausse moyenne de 2.5% du PIB/habitant. La disponibilité de réseaux mobiles permettrait dans certains cas le développement de nouveaux marchés et services : en Afrique du Sud, une étude a démontré que la couverture d’une région du pays par un réseau mobile a entrainé une augmentation significative du taux d’emploi. Au Kenya et en Tanzanie, le lancement de services financiers et de micro-paiements via mobile a permis la diminution du prix des services bancaires et du nombre de personnes « non bancarisées » dans ces pays. Au Ghana et au Cap Vert, l’introduction d’applications de santé mobiles (m-health) a eu comme conséquence un accès plus facile et abordable à des services de santé de meilleure qualité.

La transformation numérique des pays africains n’est donc pas une fin en soi mais représente un levier important pour leur développement économique qui se traduit par la croissance économique, la création d’emploi, le développement de compétences et le développement de nouvelles opportunités commerciales.

Le modèle africain de transformation numérique

Au niveau continental, la Commission de l’Union Africaine (UA) a introduit en 2020 un cadre stratégique pour la transformation numérique de l’Afrique pour les dix prochaines années. Celui-ci s’appuie sur des cadres existants tels que l’Initiative Politique et Réglementaire pour l’Afrique Numérique (PRIDA).

Spécifiquement conçu pour soutenir le projet de Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf), il fournit une feuille de route vers la construction d’un marché numérique unique en Afrique d’ici 2030.

Cette stratégie repose sur des piliers fondamentaux tels que présentés dans la Figure 1, des secteurs critiques comme l’industrie numérique, et la finance numérique pour conduire la transformation numérique et des thèmes transversaux pour appuyer l’écosystème numérique (contenu numérique et applications, identité numérique, nouvelles technologies, cybersécurité, etc.).

Outre l’ambition à l’échelle continentale, une volonté politique à l’échelle nationale est clairement visible et la majorité des dirigeants africains semblent reconnaître le rôle important que jouent la digitalisation et l’utilisation de la technologie dans le développement économique de leur pays. La plupart des pays africains ont d’ailleurs élaboré leur propre plan pour le développement de leur économie numérique nationale. Certains comme le Kenya, le Sénégal, l’Egypte et Maurice ont défini leurs objectifs dans des stratégies ou des politiques nationales tandis que d’autres comme la Gambie et la Namibie ont inclus les technologies du numérique comme pilier de leurs plans de développement nationaux. D’autres pays encore semblent avoir inclus des éléments de stratégie numérique dans diverses politiques nationales, documents d’orientations et autres initiatives nationales (Ghana et Zambie).

L’accès à internet : un pilier de la transformation numérique

Selon les dernières estimations de l’UIT, 360 millions de personnes utilisent Internet en Afrique ce qui représente 32,8% de la population africaine totale. Le continent a le taux d’utilisation le plus bas au monde mais la plus forte croissance en termes de nombre d’utilisateurs. La croissance de la téléphonie mobile et de l’Internet mobile à travers le continent a été un succès notable qui a conduit à des améliorations dans la vie des citoyens. Il constitue par ailleurs le fondement d’une économie numérique : Sans une connectivité fiable et abordable à internet, les avantages promis par la transformation numérique ne peuvent pas être pleinement obtenus.

Selon une estimation de la Banque Mondiale, le continent aurait besoin d’un investissement total de 100 milliards de dollars pour connecter chaque citoyen du continent à Internet d’ici 2030. Cet investissement conséquent ne peut être assuré par une seule partie prenante et nécessite des partenariats avec des acteurs locaux et internationaux pour parvenir à une connectivité universelle en Afrique.

Les parties prenantes dans le financement de la transformation numérique de l’Afrique

Selon une étude de la Société Financière Internationale (IFC, Banque Mondiale) et de Google, l’économie numérique de l’Afrique est l’une des plus grandes opportunités d’investissement négligées, avec un potentiel de 180 milliards de dollars supplémentaires de PIB de l’Afrique d’ici 2025. De nombreux acteurs sont d’ores et déjà présents sur le continent et contribuent au financement de la transformation numérique de l’Afrique à travers divers leviers (prêts, subventions, investissement dans les infrastructures numériques, bourses pour la formation dans les métiers du numérique, capital-risque, etc.). Recenser de façon exhaustive l’ensemble de ces acteurs et l’ampleur des investissements réalisés et programmés, est néanmoins une tâche complexe et un sujet peu étudié qui mériterait de faire l’objet de recherches approfondies.

Pour y voir plus clair, nous avons identifié et catégorisé les principaux organismes financeurs de la transformation numérique et les entités susceptibles de bénéficier de ces financements.

Les organisations internationales ou intergouvernementales

Parmi les organismes financeurs, nous pouvons tout d’abord citer les organisations internationales ou intergouvernementales telles que l’Union Européenne et l’Union Africaine. Celles-ci sont des partenaires clés dans le financement du numérique en Afrique. L’Union Européenne par exemple, est à l’origine du projet « AU-EU Digital for Development (D4D) » qui vise à aider les institutions africaines à poser les bases d’une transformation numérique inclusive. Le projet, financé à hauteur de 8 millions d’euros par l’UE, offre aux institutions africaines un soutien de bout-en-bout à travers une assistance technique, le partage de connaissances et la facilitation des dialogues entre les acteurs de l’écosystème numérique. Ces organisations internationales financent en général d’autres organisations intergouvernementales panafricaines, des états africains et des banques régionales telles que la Banque Africaine de Développement.

Les bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux

La seconde catégorie d’organismes participant au financement de la transformation numérique africaine inclut les bailleurs de fonds multilatéraux comme la Banque Mondiale ou bilatéraux (relevant d’un seul Etat) comme l’AFD en France, ENABEL en Belgique et DBC en Chine.

Ces organismes, traditionnellement actifs dans l’aide au développement économique, ont au cours des dernières années intégré le numérique dans leurs stratégies de financement, reconnaissant ainsi son rôle dans le développement économique des pays. Au sein de l’Agence Française de Développement par exemple, l’activité numérique a pris une importance stratégique dans les opérations comme en témoigne sa Stratégie Transition Numérique publiée en mai 2021. L’AFD a notamment prêté 100 millions de dollars à l’Etat Nigérian pour doter 80% de sa population, en particulier les femmes et les enfants d’un identifiant numérique individuel afin de faciliter l’accès aux services publics.

Parmi les bailleurs de fonds, la Banque Mondiale occupe une place importante en tant que partenaire stratégique de l’Union Africaine puisqu’elle contribue activement à sa stratégie de transformation numérique, notamment à travers l’initiative nommée « The WBG Digital Economy for Africa (DE4A) ». Par ailleurs, l’institution semble être le plus important organisme financeur de la transformation numérique en Afrique. Elle est en en effet actuellement engagée sur 118 projets relatifs au numérique ou ayant une co

mposante numérique à hauteur de 14.1 milliards de dollars. Une partie de ce montant (16%) sert à financer des projets régionaux comme le projet WARCIP en Afrique de l’Ouest tandis que le reste des engagements est dédié à des projets d’envergure nationale. 40 pays africains sont concernés mais cinq d’entre eux seulement bénéficient de 54% des financements : le Maroc, le Nigéria, l’Angola, le Kenya et le Ghana.

Les multinationales

Les entreprises privées multinationales et notamment les grandes entreprises technologiques comme Huawei, Google, Meta ou en encore Microsoft, contribuent également au financement de la transformation numérique de l’Afrique à travers des investissements dans les infrastructures numériques (data centers, câbles sous-marins, etc.) et la formation aux métiers du numérique. Google a par exemple annoncé un investissement d’un milliard de dollars sur la période 2021-2026 visant à soutenir la transformation numérique de l’Afrique. en géant du Web compte notamment assister les entreprises privées dans leur transformation numérique, investir dans des start-ups innovantes, développer des produits destinés aux africains et soutenir des ONG locales.

L’équipementier chinois Huawei reconnait, quant à lui, que l’Afrique est au cœur de sa stratégie d’entreprise et affiche une volonté de renforcer son accompagnement en matière de connectivité et de formation. Huawei a d’ailleurs déployé plusieurs programmes en Afrique comme la solution « RuralStar » (qui a permis de relier plus de 2000 villages dans une dizaine de pays connectant ainsi plus de 10 millions d’habitants.), « Huawei ICT Academy »(un des projets phares de Huawei en termes de formation aux métiers du numérique développée dans plus que 600 universités dans 28 pays en Afrique du nord) ou encore « Huawei Seed’s Academy » (programme de formation des talents introduit en Afrique en 2014, et renouvelé pour cinq ans en 2021 avec un investissement de 150 millions de dollars).

Fonds d’investissements et fonds de capital-risque

Les fonds d’investissement et les fonds de capital-risque sont les principaux financeurs de startups en Afrique. Ils investissent à plusieurs niveaux de développement de l’entreprise en y apportant des capitaux propres, ainsi qu’une expertise sectorielle et technique.

L’écosystème des startups africaines fait certes face à de nombreux défis comme le manque de talents dans certains métiers de pointe, l’absence de cadre réglementaire propre aux startups, le manque de structures d’accompagnement (incubateurs/accélérateurs) mais les investisseurs internationaux semblent être de plus en plus séduits par les jeunes pousses africaines. D’ailleurs, une tendance positive se dessine comme en témoignent les données relatives aux levées de fonds en Afrique : Selon la base de données africaine "the Big Deal", le total des fonds levés par les start-ups en 2021 dans des transactions de 100,000 dollars ou plus représenterait 4.3 milliards de dollars, en hausse de plus de 300% comparé à 2019.

Selon une autre étude qui prend en compte les financements en capitaux propres et en dette de 200,000 dollars ou plus, 640 start-ups africaines auraient bénéficié de 5.2 milliards de dollars en 2021 soit 2.5 fois plus qu’en 2019.

Il faut tout de même noter que ces financements ne bénéficient pas à tous les pays de façon homogène, car quatre pays seulement attireraient 71% des financements. Les startups basées au Nigéria, en Afrique du Sud, en Egypte, et au Kenya auraient respectivement bénéficié de 35%, 22%, 14% et 10% des financements recensés par « the Big Deal ». Souvent qualifiés de « Big Four », ces pays sont non seulement ceux qui attirent le plus de financements pour leurs startups, mais sont également ceux qui disposent du plus grand nombre de développeurs.

Les organismes nationaux

Outre les organismes cités plus haut, pour la plupart d’envergure internationale, il existe au sein de chaque pays des structures nationales qui apportent leur soutien financier aux différents chantiers liés à la transformation digitale.

Les banques commerciales nationales en sont un exemple, elles apportent leur soutien aux entreprises nationales et dans une moindre mesure aux startups. Dans les pays les plus avancés, il existe également des fonds d’investissements nationaux qui contribuent au financement des entreprises et startups locales.

Conclusion

L’Afrique a de grandes ambitions en termes de transformation numérique et dispose d’atouts indéniables : une population jeune importante, une volonté politique à l’échelle nationale, des initiatives de coopération à l’échelle continentale et régionale et une forte appétence pour le numérique. Néanmoins les défis auxquels les pays africains doivent faire face sont de taille et cela se traduit par un besoin en capitaux considérable. Les sources de financements sont certes nombreuses, mais les différents organismes financeurs semblent se focaliser sur une poignée de pays seulement et cela soulève des questions d’inclusivité dans le développement du numérique sur le continent.

Plum Consulting

(Source : Agence Ecofin, 14 décembre 2022)

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INTERNET EN CHIFFRES

- Bande passante internationale : 172 Gbps
- 4 FAI (Orange, Arc Télécom, Waw Télécom et Africa Access)
- 19 266 179 abonnés Internet

  • 18 595 500 abonnés 2G+3G+4G (96,58%)
    • 2G : 12,95%
    • 3G : 24,60%
    • 4G : 62,45%
  • 334 642 abonnés ADSL/Fibre (1,71%)
  • 334 875 clés et box Internet (1,71%)
  • 1162 abonnés aux 4 FAI
  • Internet fixe : 1,74%
  • Internet mobile : 98,26%

- Liaisons louées : 3971

- Taux de pénétration des services Internet : 106,84%

(ARTP, 30 septembre 2023)

- Débit moyen de connexion mobile : 23, 10 Mbps
- Débit moyen de connexion fixe : 21, 77 Mbps

(Ookla, 31 janvier 2023)


- 9 749 527 utilisateurs
- Taux de pénétration : 56,70%
(Internet World Stats 31 décembre 2021)


- + de 10 000 noms de domaine actifs en .sn
(NIC Sénégal, décembre 2023)

TÉLÉPHONIE EN CHIFFRES


Téléphonie fixe

- 3 opérateurs : Sonatel, Expresso et Saga Africa Holdings Limited
- 382 721 abonnés
- 336 817 résidentiels (88,01%)
- 45 904 professionnels (11,99%)
- Taux de pénétration : 1,67%

(ARTP, 30 septembre 2023)

Téléphonie mobile

- 3 opérateurs (Orange, Free et Expresso)
- 21 889 688 abonnés
- Taux de pénétration : 123,34%

(ARTP, 30 septembre 2023)

FACEBOOK

3 050 000 utilisateurs

Taux de pénétration : 17,4%

- Facebook : 2 600 000

- Facebook Messenger : 675 200

- Instagram : 931 500

- LinkedIn : 930 000

- Twitter : 300 000

(Datareportal, Janvier 2023)

PRÉSENTATION D’OSIRIS

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