Depuis 2008, le Sénégal s’est engagé résolument sur la voie de la lutte contre la cybercriminalité, c’est-à-dire toutes les infractions commises par l’entremise des outils technologiques. En effet, à cette date, une vaste réforme a permis de doter notre pays d’un ensemble de textes de lois, notamment la loi n° 2008 - 11 du 25 janvier 2008 portant sur la cybercriminalité. Aujourd’hui, l’application de ce texte a été à l’origine de plusieurs décisions prononcées par les juridictions sénégalaises. Voici brièvement commenter les toutes premières décisions inédites.
Ayant pris conscience qu’un nombre grandissant de délinquants utilisent désormais les nouvelles technologies pour commettre leur forfait et n’attendent plus leurs victimes, à l’instar des agresseurs dakarois, au coin des rues, les autorités ont mis à la disposition des enquêteurs et des magistrats des outils et des mécanismes qui règlementent et régulent l’activité cybercriminelle. L’utilisation des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) implique, cela va de soit, des risques. Plus la dépendance aux nouvelles technologies augmente, plus le degré de vulnérabilité des utilisateurs est élevé. Mais, est-ce une raison de renoncer à des droits universellement reconnus. La réponse des magistrats sénégalais, après un travail très professionnel de nos enquêteurs, confirme le contraire.
Dans le jugement n° 3375 du 29 juillet 2009, le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar a statué sur une tentative d’escroquerie par le biais d’un système informatique. En l’espèce, il s’agissait de condamner les agissements d’une personne, qui utilisant les nouvelles technologies (un site web et des SMS), proposait des relations sexuelles en contrepartie d’une offre d’emploi. Ce jugement met en évidence la question de l’escroquerie de service et exclut les « relations sexuelles » du champ d’application des services visés par l’article 379 bis du Code pénal. Cette décision fait partie des toutes premières applications de la loi sur la cybercriminalité.
La question du respect de la confidentialité sur internet étant de plus en plus importante, le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar a prononcé un jugement relatif au secret des affaires. Dans la décision n° 4241/ 09 du 18 septembre 2009, le juge a condamné un prévenu pour avoir accédé frauduleusement à tout ou partie d’un système informatique. En l’espèce, il est reproché au prévenu d’avoir accédé à l’ordinateur d’un collègue et d’envoyer dans sa propre boîte électronique une copie de données de nature commerciale. En application de l’article 431-8 de la loi sur la cybercriminalité, le juge, pour condamner le prévenu à trois mois d’emprisonnement assorti du sursis, soulève l’absence d’une autorisation du propriétaire de l’ordinateur. Ce constat matérialise le caractère frauduleux de tout accès à un système informatique sans autorisation du responsable. Toujours, dans la même affaire, le prévenu, poursuivi également pour entrave au fonctionnement d’un système informatique, a été relaxé au motif que « le simple changement d’un mot de passe sur un ordinateur n’est pas de nature à caractériser le délit d’entrave qui suppose l’accomplissement d’actes tendant à la paralysie effective du système d’information ». Ce qui n’était pas le cas dans cette affaire. Dans ce jugement, le juge assimile d’une part un ordinateur isolé à un système informatique et d’autre part procède à une conceptualisation des notions « d’accès » ou « d’entrave » au fonctionnement du système informatique.
Par ailleurs, l’escroquerie sur Internet étant le sport favori des cybercriminels, ce délit a été jugé dans l’affaire en date du 21 janvier 2010 par les magistrats du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar en application de l’article 431-16 de la loi sur la cybercriminalité. C’est l’affaire du réseau anglophone de cybercriminels démantelé en 2009 par les éléments de la Division des investigations criminelles. Ces cyber bandits émettaient à partir de leurs boîtes électroniques des messages faisant état, entre autres, de transactions financières fictives ou d’appels de détresse provenant de prétendus héritiers voulant sauver leur fortune ». Il s’agit d’un exemple de l’arnaque, communément appelée par les spécialistes, la « fraude 419 » ou le « scam 419 » qui consiste à abuser de la crédulité de certaines personnes, attirées par l’appât d’un gain facile, pour leur soutirer de l’argent. La dénomination 4-1-9 vient du numéro de l’article du code pénal nigérian sanctionnant ce type de fraude. Dans cette affaire, le juge, relaxant les prévenus uniquement sur ce délit, précise que « l’infraction d’escroquerie via internet n’était consommée que si l’auteur avait reçu un avantage ». Ce que l’enquête n’avait pas établi. Aussi, la tentative d’escroquerie sur Internet n’a pas été prévue dans la loi sur la cybercriminalité. Dès lors, ce manquement doit être corrigé lors des prochaines réformes de ce texte. Cependant, l’application de l’article 431-14 de la loi sur la cybercriminalité aux mêmes faits aurait permis, peut être, de condamner les prévenus « pour avoir produit ou fabriqué un ensemble de données numérisées par l’introduction, l’effacement ou la suppression frauduleuse de données informatisées stockées, traitées ou transmises par un système informatique, engendrant des données contrefaites, dans l’intention qu’elles soient prises en compte ou utilisées à des fins légales comme si elles étaient originales ».
Enfin, dans une autre affaire jugée le même jour, à savoir, le 21 janvier 2010, les mêmes juges ont poursuivi un prévenu pour avoir accédé, grâce à des cartes bancaires dupliquées, aux terminaux de paiement électronique d’une grande banque de la place. Cet accès frauduleux à un système informatique, en application de l’article 431-8 de la loi sur la cybercriminalité, sera sanctionné par un emprisonnement de cinq ans ferme et une amende de 500 000 FCFA à l’encontre de l’auteur des faits.
En définitive, la cybercriminalité est désormais une réalité sous nos tropiques et sous de nombreuses facettes. Le travail des magistrats, ainsi que celui des policiers et gendarmes, commence à porter ses fruits. Il est encourageant de voir que le Sénégal est entré de plain pied dans la société de l’information et arrive à répondre aux défis rencontrés. Toutefois, pour être plus efficace contre cette cible mouvante et transfrontalière, il faut, en plus des actions actuelles au niveau national (pourquoi pas la mise en place d’un service spécialisé avec des policiers, gendarmes et magistrats), une réponse internationale à la menace tout aussi internationale. A cet effet, l’adhésion du Sénégal, à la Convention de Budapest de 2001 sur la cybercriminalité, le seul instrument international en la matière, est une piste à explorer par nos autorités afin de bénéficier d’une coopération policière et judiciaire au delà de nos frontières.
Dr Mouhamadou LO
Juriste du droit des TIC
mouhamadou.lo@hotmail.com
(Source : Pressafrik, 11 octobre 2010)
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