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Accueil > Ressources > Points de vue > 1999 > Faire bouger les mandarins entretien avec Alex Corenthin Chef de département (…)

Faire bouger les mandarins entretien avec Alex Corenthin Chef de département à l’Ecole Supérieure Polytechnique Université Cheikh Anta Diop de Dakar Sénégal

vendredi 31 décembre 1999

L’introduction d’Internet à l’université bouleverse les rapports étudiants-enseignants mais ne les éliminent pas. L’exemple sénégalais et ses perspectives.

Comment vous en êtes venu à vous intéresser à Internet ?

Dans les années 90, j’ai pris la charge du département informatique de l’université. J’ai travaillé avec l’Orstom sur le projet du réseau RIO (Réseau Intertropical d’Ordinateurs). Il s’agissait de trouver un système de messagerie entre les différents centres de recherche de l’Orstom en Afrique et même en dehors. En 90, nous avions déjà effectué un travail de connections, un transfert des technologies vers les partenaires de l’Orstom. Le premier relié à été l’université de Dakar. Nous avions commencé à étudier les systèmes de e-mail, de messageries, etc.

Nous avons ensuite travaillé à élargir ce réseau, d’abord à une échelle nationale. En 92, on a déclaré le domaine national du Sénégal dans lequel j’avais des responsabilités. De 92 à 95, nous avons travaillé sur un système de transfert des technologies de l’Orstom vers l’université pour une appropriation de ces techniques. Petit à petit, nous avons élargi le réseau national : d’abord aux centres de recherche avec liaisons Internet (les ressources matérielles provenaient de l’Orstom), puis en 96, quand le Sénégal s’est mis sur Internet, nous avons procédé au transfert complet de toutes les compétences dans toutes les universités. Je suis maintenant responsable de la gestion d’Internet pour tout le Sénégal.

Que permet Internet à l’université ?

Cela permet d’abord aux chercheurs africains de sortir de leur isolement et de communiquer avec des laboratoires étrangers. L’engouement des chercheurs fut immédiat. La difficulté est surtout venue du peu de moyens donnés par l’université dont les ressources sont quasi inexistantes. Les moyens sont toujours venus de la coopération ou sur des projets supportés par des organismes internationaux.

Actuellement, les universités ne sont toujours pas câblées entre elles, ce qui oblige les chercheurs à se regrouper dans la même université. Des cybercentres ont été mis en place dans chaque université, ce qui permet déjà d’accueillir un millier d’abonnés, avec un taux de progression d’environ 10% par mois. Le seul frein actuel est le manque d’outil : l’infrastructure informatique des centres de recherche des universités est obsolète.

Quel type d’infrastructure est obsolète ?

L’infrastructure de communication interne de l’université, par exemple les autocommutateurs de téléphonie interne, l’analogique qui ne supporte pas les nouvelles technologies... Les liaisons entre les différents bâtiments sont quasiment inexistantes. Cette remise à jour demande du temps et des ressources. Il y a actuellement deux gros projets de financement : la Banque Mondiale pour l’équipement et la Coopération Française pour les infrastructures de communication.

Il y a les freins technologiques, mais aussi les freins des mentalités. Comment évolue le milieu universitaire avec Internet ?

Pour caricaturer, on peut dire qu’il y a deux populations différentes, les jeunes et les universitaires « un peu vieillissant », disons les mandarins, qui sont réfractaires à ces technologies. Évidemment, c’est un problème puisque ce sont eux qui tiennent les rênes pour l’acceptation des investissements nécessaire. Mais il y viennent de toute façon. Une anecdote : le précédent recteur ne voulait pas entendre parler d’Internet jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que dans les congrès internationaux, tous ses paires lui demandaient son adresse électronique pour lui envoyer des documents !

N’est-ce pas une sorte de conflit de générations présent à tous les niveaux de la société ? Une génération ancienne dont on comprend qu’elle n’ait pas envie de s’initier à des technologies délicates à saisir mais qui a peur aussi de perdre un certain pouvoir, et d’autre part des jeunes qui veulent se mettre au niveau mondial...

Tout à fait, c’est effectivement une perte de pouvoir. Je considère pour ma part que détenir l’information, c’est détenir le pouvoir. Le fait que cela soit accessible à tout un chacun n’est pas encore rentré dans les mœurs. La grande difficulté est là. Par contre, il y a toute une génération de jeunes loups qui ont envie de s’affirmer et de prouver quelque chose pour être au niveau international.

Nous avons étudié les conséquences de la mise à disposition de l’Internet à un groupe d’étudiants de notre département pour effectuer notamment des recherches bibliographiques. On a vu très vite que les enseignants étaient obligés de se remettre en cause parce que les étudiants devenaient beaucoup mieux informés qu’eux sur le développement des technologies et des méthodes. L’enseignant voyait la différence du contenu de son cours avec le savoir des étudiants et se mettait en porte-à-faux avec eux. Du jour au lendemain, un grand nombre d’enseignants sont venus solliciter eux-mêmes un accès Internet parce qu’ils se faisaient marginaliser ! C’est un des intérêts majeurs que de mettre l’Internet à la disposition des enseignants et des étudiants : l’obligation de se former. Pour enseigner à l’université, il faut obligatoirement être chercheur. Mais certains sont là, ont leur poste et ne font plus de recherche. Ce nouvel outil leur impose de revenir réellement à leurs recherches.

N’en arrive-t-on pas à un bouleversement de la structure de transmission du savoir ?

C’est une confrontation du savoir, mais l’étudiant à quand même besoin d’une présence professorale. Sans encadrement, il se retrouve vite assommé
par la multitude d’informations, ce qui renforce le pouvoir du professeur s’il domine cette information. Les syndicats se sont très vite inquiétés de l’arrivée
de cette nouvelle technologie en disant que l’on voulait remplacer les enseignants avec des projets tels que l’université virtuelle qu’on a essayé de mettre en place à Dakar. Mais c’est faux puisque les étudiants sont vite perdus et obligés de se reporter sur un enseignant pour avoir au moins des guides pédagogiques.

Cela a permis d’accélérer l’acquisition des connaissances et surtout de rendre les gens très opérationnels, avec une capacité d’auto-formation qu’ils
n’avaient pas auparavant. Par exemple, dans une école professionnelle, les étudiants de la dernière génération qui sont lancés dans l’industrie sont
beaucoup plus aptes à se remettre tout de suite en phase avec les obligations industrielles. Ce que les industriels reprochaient au système éducatif
africain était qu’il fallait reformer les étudiants. Cette capacité d’auto-formation les rend opérationnels et cela a déjà révolutionné le marché du travail car les entreprises qui ne choisissaient que des extérieurs se retourne maintenant sur un recrutement local.

Est-ce que les étudiants ont un accès facile à Internet ?

Le seul problème est le manque d’infrastructures pour donner un accès à tous les étudiants. Ainsi, nous avons limité l’accès dans notre université aux
étudiants de 3eme cycle, DEA, et aux enseignants. Chaque faculté à sa politique de gestion de l’équipement tout à fait autonome et il faudrait les pousser à effectuer un équipement local, pour que nous, en temps que service central, nous puissions leur fournir une liaison. Par contre, les étudiants peuvent aller dans les cybercafés, mais c’est plus coûteux pour eux.

Combien ?

Actuellement, l’heure de connexion est facturée à 15 FF (1500 FCFA), ce qui est une somme relativement importante, alors que l’accès pour les 3eme
cycles de l’université est de 1000 FCFA par mois, illimité, avec une boîte aux lettres...

A titre d’exemple, combien d’ordinateurs sont mis à la disposition des étudiants là où vous travaillez ?

Actuellement, il y a une cinquantaine de postes utilisés à 90 %. Une salle libre service contient 10 machines connectées en permanence. Les 40 autres
sont utilisées selon les besoins et des plannings précis. Dès la rentrée, l’extension permettra de mettre une quinzaine d’ordinateurs dans un autre centre et surtout on a reçu une dotation d’équipement de 300 ordinateurs par la Banque Mondiale, qui vont être déployés dans les différentes facultés.

Les contenus consultés proviennent essentiellement du Nord. Est-ce qu’il y a du côté universitaire un souci de développer des contenus spécifiques ?

C’est encore un problème. L’information est considérée comme encore très sensible. Les gens ont beaucoup de difficultés à mettre leurs informations
en ligne. Ils n’en publient que le sommaire : les questions de copyright... la peur que leurs travaux soient publiés par quelqu’un d’autre... Il faut dire qu’il y a un vide juridique à ce niveau. D’autre part, la numérisation des documents n’est pas encore parfaite. Beaucoup de gens travaillent encore avec des
méthodes archaïques. Le taux d’équipement des professeurs est très faible. Il faudrait qu’on trouve des systèmes sous format numérique et qu’on
développe les compétences d’utilisation des techniques web, mais il n’y a pas encore de politique globale. On est en train d’équiper entièrement la
nouvelle bibliothèque universitaire qui va être informatisée avec des accès Internet et des bases de données.

La crainte de publier sur le web n’est pas spécifique du Sud !

On a un exemple très fort : l’Orstom qui dispose d’un fond documentaire extraordinaire sur tous les travaux de recherche agronomique depuis 50 ans ne veux pas le mettre sur le web. Sauf pour des besoins internes, avec des mots de passe, des codes, un système d’abonnement...

Les étudiants font-ils des sites, des journaux universitaires sur le net ?

Oui. Il y a énormément de demandes d’associations d’étudiants. Mais on se heurte à l’éternel problème d’équipement. Par ailleurs, l’Administration va
exiger un droit de regard, ce qui risque de poser quelques problèmes. Pour le moment, l’autorégulation fonctionne.

En terme de rapport nord-sud, quels sont les enjeux des prochaines années ?

L’enjeu principal est l’appropriation des technologies : c’est le seul moyen pour que les sociétés africaines rattrapent leur retard. Le deuxième enjeu est
économique. Il faut mettre en valeur nos atouts culturels et développer les relations avec la France et d’autres pays. Internet est un moteur de
développement qu’il faut s’approprier.

On a un extraordinaire retournement des choses : le faible niveau de vie et l’importance de la population devient un atout...

La sur-information au niveau du nord se retourne contre elle. Elle n’a plus la possibilité de gérer elle-même ce qu’elle produit. Nous avons une chance de
rattraper tout ça. Nous sommes un marché potentiel qu’il faut savoir valoriser. Les politiques commencent à comprendre les enjeux. Mais il ne faut pas
aller trop vite pour faire bien les choses. Il faut aller dans le bon sens. Les discussions autour des enjeux culturels sont extrêmement importantes pour
ne pas se retrouver comme l’Asie du Sud-Est, à la merci du moindre petit chambardement en bourse qui ferait perdre tout les acquis car on aurait été
qu’un faire-valoir.

Retrouve-t-on cette réflexion au niveau politique ?

Au Sénégal, oui. Nous travaillons dans ce sens depuis des années et les politiques ont compris les enjeux. Dans les autres pays, on a encore peur de
ces nouvelles techniques. Mais le développement d’Internet est inévitable. On a exactement le même schéma que ce qui se passe à l’université entre les
mandarins et les étudiants... D’une part les partisans et de l’autre les politiques qui ont peur de perdre tous leurs acquis.

propos recueillis par Olivier Barlet (Africultures n°23 déecembre 1999)

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