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Télécommunications : Les émigrés, des vaches à lait

mercredi 22 septembre 2010

Un roi avait des ovins, dont l’hyène volait un agneau chaque nuit. Le lion se proposa pour monter la garde moyennant un salaire quotidien de deux béliers. Le roi accepta et ordonna au berger de lui livrer, bon gré mal gré, quatre moutons par jour. Plus de vol, le troupeau royal ne cessa de croître et le lion se goinfrait. Le berger, pendant ce temps...

Résumons l’affaire. Depuis le 1er août 2010, une société privée américaine nommée Global Voice Group a pu, par le biais de l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) du Sénégal, mettre la main sur ce qu’on a subtilement appelé ‘marché pour le contrôle et la tarification des appels entrants au Sénégal’. Un juteux contrat de 5 ans que le ministre de l’Economie et des Finances n’a même pas eu à ratifier. Il est cependant institué par le décret présidentiel 632-2010 du 28 mai 2010.

Selon le directeur de l’Artp, M. Ndongo Diaw, il s’agit d’’une reproduction économique adaptée aux réalités du pays et à l’environnement global des télécommunications.’ L’environnement global des télécommunications, nous n’en savons rien. Les réalités du pays, elles, sont connues de tous : le panier troué qu’est devenu l’Etat, a toujours besoin d’argent et n’hésite pas à presser les citoyens comme des citrons, après avoir bradé une multitude de biens nationaux. M. Diaw explique que ‘rien qu’avec cette nouvelle donne sur les routes téléphoniques internationales, l’Etat va engranger 5 milliards de francs par mois’. Ce serait aussi une façon de lutter contre la fraude. Citons-le encore : ‘Aujourd’hui, au Sénégal, on dit que les appels internationaux sont de 85 millions de minutes. Mais réellement, cela dépasse 100 millions de minutes, jusqu’à 150 millions de minutes.’ Donc, on a choisi Global Voice Group pour stopper les circuits de fraude.

Faisons un petit calcul. La hausse étant officiellement de 117 % sur le téléphone fixe et 53 % sur le mobile, mais les tarifs variant selon les pays et les opérateurs téléphoniques, ceux qui, comme moi, payaient dix centimes d’euro par minute sur le téléphone fixe, déboursaient 15 millions d’euro (environ 9,8 milliards de francs Cfa) pour 150 millions de minutes. Seuls 5,5 milliards auraient été déclarés. Avec la nouvelle tarification (24 centimes d’euro), ces gens payent, pour le même nombre de minutes, plus de 23,6 milliards. On récupère ainsi les 4,3 milliards que la fraude rongeait, plus les 13,8 milliards rajoutés par la hausse tarifaire, ce qui fait plus de 18 milliards de revenus supplémentaires. Même si l’on suppose que la plupart des appels sont sur le mobile, ça n’en demeure pas moins une grosse somme.

M. Diaw parle de ‘décisions qui vont contribuer à diminuer les marges des opérateurs internationaux, c’est-à-dire les intérêts du capital étranger’, tout en accordant 49 %, disons la moitié du butin, à une société étrangère qui ‘est juste dans les coulisses pour guider les pas de l’Artp, superviser et encadrer l’installation des équipements au niveau des installations des opérateurs’. N’est-ce pas hallucinant ? Par ailleurs, ce que le Sénégal paye pour lutter contre la fraude est de loin supérieur à ce qu’il perd avec la fraude.

La Société nationale de télécommunication (Sonatel), qui était ‘buur’ et ‘bumi’ dans ce secteur, imposant ses tarifs comme elle voulait, tout en offrant des services aux qualités discutables, ‘conteste l’attribution, par entente directe, du contrat à Global Voice Group, estimant que cela induirait une hausse sur les tarifs des communications internationales et, par conséquent, une augmentation de la fraude sur les appels entrants’. En outre, il ne s’agirait pas d’un contrat de partenariat comme on l’a laissé entendre, mais d’une délégation de service public. L’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) qui l’a ainsi qualifié, a annulé la procédure de conclusion du contrat après l’avoir suspendue pendant une semaine. Finalement, nous apprenons par la presse que le président de la République aurait retiré le décret sur le contrôle et la tarification des appels entrants au Sénégal.

Malgré toutes ces ‘annulations’, les tarifs n’ont toujours pas baissé. Et nous sommes en droit de nous demander qui, en ce moment, empoche nos sous. Sur ces entrefaites, la presse (encore elle, et heureusement qu’elle est là) révèle que le président de la République (toujours lui) aurait pris la décision de bâillonner l’Armp qui a jeté du sable dans le plat. Il semble alors évident qu’on ne pense pas à protéger les consommateurs, mais à se mettre d’accord sur qui aura le privilège de les racketter. Global Voice, la Sonatel ou une autre société ?

C’est comme si la baguette de pain étant à 200 francs, ce qui est déjà trop pour les ‘Saareen’, les ‘Soween’ et les ‘Taaleen’, quelqu’un s’interposait entre le boulanger et l’acheteur, muni d’un ‘contrat-décret’ lui permettant d’y ajouter 300 francs qu’il partage avec l’Etat. Prendre par force l’argent d’autrui, du ‘áddu kalpe’ en toute légalité. Eh oui ! Si certains individus contrôlaient l’air que nous respirons, ils l’auraient vendu si cher que nos cimetières seraient plus vastes que nos villes.

M. Diaw s’est pourtant voulu rassurant : ‘L’augmentation tarifaire qui est déjà une réalité et acceptée par les opérateurs, n’a eu aucun aspect négatif sur les consommateurs locaux ni sur les consommateurs étrangers.’ Alors là, nous tombons des nues. A qui s’adresse-t-il ? Qui appelle de l’extérieur ? On n’a pas besoin de statistiques pour savoir que sur dix des appels entrants, au moins huit ou neuf proviennent des Sénégalais de la diaspora que la crise économique oblige déjà à réduire de 40,3 milliards l’argent qu’ils envoyaient annuellement au pays. Le téléphone est leur réconfort, leur principal contact avec leurs proches. Maintenant, on les déplume tout en les éloignant davantage de ces derniers qui en pâtissent autant.

Les émigrés avaient lancé une pétition pour exprimer leur indignation. Un coup d’épée dans l’eau. A-t-on jamais vu une pétition résoudre un problème au Sénégal ? C’est un langage trop civilisé pour nos gouvernants. Si les étudiants et les marchands ambulants se contentaient de faire signer des pétitions, aucune de leurs revendications ne serait prise en considération. On a signé une pétition pour Tfm, ce n’est pas ce qui a permis à You de faire démarrer sa télé. On a signé la pétition de Bara Tall, on a signé pour soutenir Abdou Latif Coulibaly...

C’est la loi du plus fort. Les faibles ne peuvent qu’attendre leur sauveur. Le candidat qui promettra de mettre fin au ‘áddu kalpe’ sera sans doute acclamé par les émigrés et leurs familles, les nouvelles vaches à lait du régime actuel.

Bathie Ngoye Thiam

(Source : Wal Fadjri, 22 septembre 2010)

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