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Simple décalage ou distance planétaire ? (Extrait du discours d’Abdoulaye Wade à la Prepcom2)

mardi 29 juillet 2003

Un quidam sur le bord de la route Vit passer une voiture postale de son village : « J’aurai toujours le temps de la rattraper ! », se dit-il. Aussitôt passa un faisceau porteur de mille messages A la vitesse électronique. Il ne s’en aperçut même pas : Les deux n’étaient plus dans le même monde !

Irriguée par les formidables effets d’une information circulant aujourd’hui à la vitesse de la lumière, notre planète s’est brusquement transformée en un gigantesque village dans lequel la distance ne se mesure plus en kilomètres mais en capacité de largeur de bande passante.

L’économie classique a enfanté de la nouvelle économie : l’« e-économie »

Une industrie innovante et une expertise sans cesse grandissante ont placé les nouvelles technologies de l’information et de la communication au centre de la nouvelle révolution digitale. Les gouvernements et les entreprises ont dû adapter leurs modes opératoires en intégrant l’effort de modernisation à leur stratégie tandis que l’économie classique a enfanté de la nouvelle économie, l’« e-économie ».

Cette dernière, dynamique, immatérielle et aux contours insaisissables, s’est récemment décidée, après quelques années d’euphorie, à se soumettre à la rigueur de l’examen scientifique et de la discipline quantitative. A mon sens, la nouvelle économie n’a reculé que pour mieux sauter, la bulle ne s’est dégonflée que pour nous rappeler les lois régissant son volume. C’est donc avec optimisme que je me tourne vers l’avenir car une chose est demeurée constante tout le long : je veux parler de l’ingéniosité de l’homme au service de son mieux-être et de son mieux-vivre.

C’est en notant l’irrésistible ubiquité des nouvelles technologies de l’information et de la communication qu’il me semble opportun, pour les pays du Sud, de les élever dans leur stratégie gouvernementale au rang d’agent majeur du développement. Impact d’expériences de télémédecine sur un village sénégalais

En juin 2002, nous avons procédé au Sénégal à des expériences fructueuses et encourageantes de télémédecine grâce à la coopération entre l’ONG française FISSA et l’association sénégalaise Education santé. Des femmes villageoises en état de grossesse, habitant dans une des zones les plus reculées et des plus enclavées du pays, pouvaient, en compagnie de leurs maris, grâce à l’équipement d’une petite mallette, voir, en même temps que les professeurs de médecine de Dakar, des images diffusées par satellite montrant leur bébé suçant son pouce. Par cette expérience, les villageois ont pu apprendre, par exemple, que brutaliser la mère revenait à brutaliser l’enfant, astreindre la maman à des travaux pénibles qui l’obligeaient à travailler courbée comme aux champs pouvait blesser dangereusement le bébé. La révolution culturelle fut ainsi instantanément introduite en monde rural. Initiatives dans le domaine de l’éducation

Ainsi, au-delà de l’aspect médical et technique, il est démontré que les nouvelles technologies de l’information et de la communication, utilisées de manière pertinente, peuvent être à l’origine de mutations sociales salutaires et propices au développement.

Dans le domaine de l’éducation, nous pouvons, nous, pays du Sud, saisir les fantastiques opportunités que procure l’enseignement à distance. Les initiatives de digitalisation du contenu des programmes d’études telles que celle récemment initiée par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) sont une invite historique à la table du partage du savoir. Il nous incombe, nous dirigeants du Sud, de comprendre les enjeux du moment et d’être réactifs.

C’est dans ce cadre que j’ai lancé au Sénégal le projet intitulé « L’Université du Futur », actuellement en construction. Il consiste en l’implantation d’une université disposant d’infrastructures et de services de télécommunications modernes permettant, entre autres, aux étudiants de suivre simultanément en temps réel les cours d’universités partenaires par satellite. Les diplômes seraient alors co-signés par ce réseau de partenaires. Ainsi, un jeune Africain pourrait, sans avoir à quitter son pays, donc son environnement, culturel et économique, devenir un licencié de Harvard, par exemple, si un contrat est obtenu entre les deux universités, sans avoir donc besoin d’aller aux Etats-Unis, ne pas risquer d’être happé par les sociétés américaines après ses études, et être immédiatement intégré dans la production de son pays. [...]

Les enjeux du « e-gouvernement » dans les pays du Sud

Les Etats du Sud, en tant que locomotives de l’économie, doivent s’approprier, dans leur manière d’être et de faire, les nouvelles technologies de l’information et de la communication. La problématique bien posée du e-gouvernement - au-delà de son aspect technologique et automatisant - est un raccourci efficace pour l’Etat dans la mise en œuvre de sa stratégie de réforme sociale et économique. La polarité gouvernement-citoyen qui, dans les pays du Sud, place l’Etat au centre de toute activité économique peut, grâce aux nouvelles technologies, s’inverser. A l’image de la stratégie de relation client/entreprise privée, nos Etats se doivent de graviter autour du citoyen en lui proposant services, information et assistance via une passerelle de communication simple et accessible. La mise en place de cette passerelle occasionnera une création de nouvelles richesses et une meilleure redistribution de celles existantes. Les enjeux du e-gouvernement dans les pays du Sud sont aussi d’ordre politique. [...]

Les mutations fantastiques auxquelles nous invitent la société de l’information révèlent une constante : l’amélioration de la condition de l’homme. Pour cette raison, il nous faut veiller aux dangers de l’exclusion numérique et consentir les efforts nécessaires.

En 2001, sur 100 Américains, 22 étaient utilisateurs d’Internet alors qu’un Africain sur 100 seulement avait la même opportunité. La fracture numérique, selon la relation que le Nord et le Sud développeront, est un verre à moitié plein ou à moitié vide. La compréhension de ce décalage ne doit pas se résumer à des études statistiques et un chapelet d’intentions. Il s’agit plutôt de conclure qu’il favorise la diminution des opportunités, la pauvreté intellectuelle et économique et surtout éloigne les cultures et civilisations. La planète a aujourd’hui besoin de cohésion dans la diversité, de compréhension et de respect mutuels. C’est ainsi que l’humanité pourra relever les autres défis que sa destinée lui impose. La société de l’information doit puiser ses principes dans cette profession de foi.

Le concept de la solidarité numérique

C’est dans ce cadre que je voudrais, avec vous, faire un pas vers le futur. Je voudrais proposer à cette honorable assemblée le concept de solidarité numérique.

Les études sur le décalage numérique ont permis de différencier ceux qui sont avancés de ceux qui le sont moins. Le moment n’est-il donc pas venu d’adhérer, ensemble, à un concept commun, dont les actions pourront être sous-tendues par les données résultant des études sur la fracture numérique ? La solidarité numérique consisterait par exemple à dire que tout pays dont le taux d’utilisation d’Internet est supérieur à un certain chiffre devrait mener telle et telle action quantifiée en direction des pays dont le taux est inférieur à un chiffre donné. L’Union internationale des télécommunications pourrait alors établir les différentes plages statistiques et coordonner ces actions en rapport avec les gouvernements et le secteur privé.

Pratiquement, on pourrait songer à un serpent numérique défini par une marge inférieure et une marge supérieure. L’effort commun consisterait à faire en sorte que tous les pays soient à l’intérieur du serpent. Vous voyez l’analogie avec l’intégration monétaire et la politique des convergences. Le serpent serait évolutif et les marges appelées à se rétrécir. Ce double mouvement fera disparaître à terme le décalage numérique.

Charte de la solidarité numérique

Ce fonctionnement pourrait être explicité dans la Charte de la solidarité numérique que signeront tous les Etats qui auront manifesté leur adhésion.

Le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, NEPAD, est un cadre propice à la réussite de ce concept. Le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication figure parmi les huit super-priorités du NEPAD. En ma qualité de vice-président du NEPAD, en charge de la supervision de ce secteur, il m’est agréable de constater que la presque virginité technologique du continent africain et des pays du Sud en général sont en réalité un atout. Les compagnies spécialisées dans les télécommunications et l’informatique conviendront avec moi que cette virginité annule les risques de migrations technologiques souvent coûteuses au Nord. De plus, les pays du Sud peuvent accéder directement aux technologies les plus nouvelles ; l’exemple du GSM est parlant car sa vulgarisation aux Etats-Unis est tout à fait récente.

C’est à l’examen et à la saisie de ces opportunités que le NEPAD convoque le Nord et le secteur privé international. Un investissement massif dans le domaine des infrastructures technologiques, de la formation et du transfert technologique est la clé des problématiques d’interconnexion et de bandes passantes auxquelles sont confrontés les pays du Sud. Le principe de solidarité numérique devrait, dans le cadre du NEPAD, permettre un accès équilibré aux ressources technologiques dont regorge la planète. Est-il en effet compréhensible que la dynamique IP soit à ses premiers jours dans le Sud au moment où le Nord, saturé, expérimente par des projets pilotes la technologie IPV6 ?

La coopération ne doit pas se limiter à un échange Nord-Sud

Le Sud a su démontrer qu’il pouvait, selon certaines conditions, donner l’exemple d’une éclosion numérique réussie. L’exemple indien doit inspirer les dirigeants du Sud. L’Inde a réussi en effet, en quelques années, à se transformer en véritable puissance technologique, positionnant ainsi son peuple comme un acteur privilégié de la société de l’information. Le NEPAD se doit donc d’explorer les opportunités de la coopération Sud-Sud.

Samuel Huntington, professeur à Harvard, a décrit dans son excellent ouvrage intitulé Le choc des civilisations le processus par lequel les civilisations ont pris le dessus sur les nations pour écrire l’histoire du monde. Ce choc auquel il fait allusion peut devenir une rencontre et c’est, à mon sens, le défi que la société de l’information devrait relever.

Je crois fermement en l’émergence d’une civilisation de l’universel dans laquelle, à l’image des Nations Unies, toutes les cultures seraient représentées pour s’affirmer et échanger.

Le Sud contribuera, si les moyens lui sont donnés, à la « e-civilisation » à laquelle nous convoque aujourd’hui la société de l’information. Il a tellement à montrer, à dire et à apporter si seulement l’opportunité lui était donnée.

Ensemble, travaillons à ce que sa sagesse, ses couleurs, sa tradition, sa joie et sa chaleur visitent les maisons du Nord, à la vitesse de la lumière.

(Source : Nouvelles de l’UIT avril 2002)

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