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Sénégal : la guerre digitale a commencé

lundi 5 juin 2023

Au Sénégal, c’est sur les réseaux sociaux que la contestation est la plus active. Comment en est-on arrivé là ? Quels sont les enjeux de cette véritable « guerre digitale » ?

« Influencer, mobiliser des armées numériques, s’indigner, c’est une chose. Passer à l’action en est une autre ». Voilà le résumé de ce qui se déroule actuellement au Sénégal.

Avec un réseau internet coupé par le gouvernement, de nouveau fonctionnel depuis ce matin malgré la restriction de l’accès aux réseaux sociaux, difficile de savoir ce qui se passe réellement sur le terrain. Mais la guerre digitale, elle, est bel et bien lancée. Sur les réseaux sociaux, c’est effectivement une guerre de tranchées qui a débuté.

Avec le retour du hashtag #FreeSénégal, opposants et partisans du président se livrent une bataille violente, où propagande et guerre des images balaient la vérité des faits. Nous avons demandé à Saladin, un des plus grands spécialistes du digital en Tunisie, berceau de la cyber-révolution, qui a participé au Printemps arabe qui avait permis de mettre fin au règne de Ben Ali, spécialiste des mouvements d’insurrection digitale, d’analyser les tenants et les aboutissants de la guerre digitale sénégalaise.

Twitter, théâtre de guerre

C’est sur Twitter que la guerre fait rage. WhatsApp et Facebook restreints, Twitter est le vecteur préféré des diasporas. Ce sont ces dernières les plus actives aujourd’hui concernant les événements au Sénégal, alors qu’elles ne disposent généralement d’aucune information.

« Avec près de 27 000 tweets le 4 juin, on remarque une augmentation quotidienne des posts avec le hashtag #FreeSénégal, indique notre analyste spécialiste des réseaux sociaux. Mais 90 % des tweets analysés proviennent de comptes français et marocains, les comptes américains étant également relativement présents sur cette thématique ».

D’où les appels à manifester contre Macky Sall surtout devant des ambassades européennes. « Twitter fait la pluie et le beau temps auprès des influenceurs sérieux (journalistes, dirigeants, diplomates) et c’est pour cela que les militants pro-Sonko se concentrent sur ce réseau social », assure Saladin.

Les soldats d’Ousmane Sonko

À la différence des précédentes mobilisations dans plusieurs pays, où les causes des peuples étaient liées à une crise politique majeure ou à la vie chère, la majorité des comptes Twitter postant le hashtag #FreeSénégal sont ouvertement pro-Sonko.

« La situation est assez inédite, on est loin des mobilisations en Guinée ou au Mali contre Alpha Condé et IBK, analyse un politologue. Là, ce sont principalement des partisans d’un opposant qui tentent de mobiliser au nom d’une cause politique, qui est un hypothétique troisième mandat sur lequel le président ne s’est même pas prononcé ouvertement ».

Preuve de la lutte partisane qui est en train de se joue, le terme « Macky Sall » est encore plus utilisé sur Twitter que le hashtag #FreeSénégal et le hashtag #MackyDémission est particulièrement utilisé. Mais pourquoi le président devrait-il démissionner si, pour l’heure, c’est la question du troisième mandat qui enflamme les réseaux sociaux ?

Le digital au service de la manipulation de l’opinion par la colère

Twitter n’est pas la réalité. Concernant les guerres, on le sait, les soldats passent plus de temps à préparer la guerre qu’à la faire, dit-on. C’est, pour le moment, le cas au Sénégal : sur le terrain, on est loin de la mobilisation observée sur les réseaux sociaux.

En effet, en appelant à rassembler « 1 million de Sénégalais » ce lundi matin sur la place de l’Indépendance, les organisateurs de cet événement sont une nouvelle fois dans la manipulation. « Les marchands ont installé leurs étales par terre, la mobilisation sera loin de ce que l’on annonce sur les réseaux sociaux », indique un riverain de la place de l’Indépendance qui estime que « seuls quelques milliers de personnes tout au plus seront présentes, d’autant que la place de l’Indépendance est à cinq minutes à pied du palais présidentiel par l’avenue Senghor ».

Surtout lorsque l’on sait qu’un appel sur les réseaux sociaux alors que l’accès à ceux-ci est restreint ressemble plus à un effet d’annonce destiné à faire parler dans les médias occidentaux.

Guerre des images, qui ment ?

Les partisans d’Ousmane Sonko excellent dans un domaine : faire parler les images, quitte à leur faire dire n’importe quoi. Comme cette vidéo, qui indique que « les militaires rejoignent la résistance du peuple », et qui a été largement relayée. Non, cette vidéo ne montre pas des soldats prendre part à la contestation mais des militaires escortés par des jeunes après une simple patrouille. Bien que cette vidéo soit manipulée, même des journalistes l’ont reprise sur leurs réseaux.

Vidéos postées depuis la France par des Franco-Sénégalais, appels à manifester depuis Paris… Les personnes qui relaient ces contre-informations sont-elles pour autant dans la manipulation ? « Ces gens-là ne mentent pas, ils sont eux-mêmes parfois manipulés, persuadés de ce qu’ils disent. Ils participent malgré eux à la propagande, sous couvert de défendre leurs valeurs », explique le spécialiste du digital.

Propagande 2.0

« Dans leur rhétorique, les mots utilisés par les partisans de Sonko ont volontairement été choisis pour se rapporter au thème de la guerre », poursuit notre spécialiste.

Ainsi, les posts Twitter parlent de « Résistance », comme pour indiquer que le Sénégal serait en guerre et qu’Ousmane Sonko serait le Bien opposé au Mal, représenté par Macky Sall contre qui les internautes disent avoir des « preuves » de son autoritarisme. Des termes utilisés par les propagandistes depuis des dizaines d’années, de Colin Powell à Vladimir Poutine.

« Ousmane Sonko veut lancer une guerre, il utilise pour ce faire tous les outils classiques qu’il adapte aux réseaux sociaux : guerre d’image, appels à la violence ou à l’insurrection… », affirme Saladin.

D’où parlent les internautes ?

Reste à savoir d’où parlent certains comptes postant de l’étranger. Le ministre sénégalais de l’Intérieur dénonce des forces étrangères qui tenteraient de déstabiliser le pays. Pas impossible, selon notre spécialiste du digital. « À ce stade, la contestation n’est pas lancée que depuis le Sénégal. Il y a certainement des puissances étrangères qui influencent les réseaux sociaux, c’est le cas dans toute guerre digitale ».

La communication ratée de la présidence

Cela fait désormais quatre jours que le président n’a pas donné signe de vie digitale. Son dernier tweet était d’ailleurs, ironie du sort, consacré au dialogue national.

« La communication gouvernementale ainsi que celle des membres de la mouvance est jugée catastrophique par beaucoup d’observateurs. Aucun d’entre eux n’a vraiment contribué à apaiser les ardeurs des manifestants. », indique ce matin le journal SeneNews. Le président compterait réunir son état-major ce lundi pour décider de la marche à suivre en termes de communication.

Quelle serait la solution ? « Macky Sall pourrait tout régler en annonçant qu’il ne fera pas de troisième mandat, assure un politologue sénégalais. Est-ce parce qu’il ne répond pas à cette question que la foule s’enflamme ? En tout cas, Sonko a réussi a mettre le feu aux poudres en affirmant depuis des mois que Macky Sall compte faire un troisième mandat, sans que le président ne se positionne réellement. C’est là que cette mouvance contestataire a pris la présidence de court : après tout, la meilleure défense, c’est l’attaque. ».

(Source : Le Journal de l’Afrique, 5 juin 2023)

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