Les travailleurs de la Sonatel démontent les arguments de l’Artp. Ils les rejettent parce que dénués de tout fondement. Et c’est le palais de l’Avenue Léopold S. Senghor qu’ils mettent à l’index.
Au fur et à mesure que les minutes passaient, la salle d’un hôtel bien fréquenté de la place commençait à refuser du monde. Un à un, et souvent des groupuscules d’hommes et de femmes, tous membres de l’Intersyndicale de la Société nationale des télécommunications du Sénégal (Sonatel), ont soudainement pris d’assaut ce lieu de la rencontre. Ils étaient venus écouter leur coordonnateur. M. Mamadou Aïdara Diop, par ailleurs secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la Sonatel (Syts), donnait hier, devant la presse, la position des travailleurs sur l’affaire qui oppose l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Artp) à la Sonatel. Avec des pancartes hostiles à l’Artp qui décoraient le mur de la salle.
C’est que ces travailleurs étaient dans tous leurs états. Ils ont du mal à digérer la décision de l’Artp portant sanction de Sonatel pour motifs d’interruption du réseau téléphonique mobile qui a été rendue publique le 26 janvier 2007. Laquelle inflige une pénalité de plus de 3 milliards de francs Cfa, représentant 1 % du chiffre d’affaires de 2005.
Une mesure que le coordonnateur de l’Intersyndicale de Sonatel n’a guère appréciée. ‘Cette mesure pour le moins rocambolesque a laissé perplexe l’écrasante majorité des Sénégalais et des opérateurs économiques qui se posent aujourd’hui de sérieuses questions quant à la volonté de nos autorités de mettre réellement notre pays sur les rails d’une économie émergente’, a déclaré sur un ton très dur Mamadou Aïdara Diop.
Et c’est la rapidité avec laquelle cette décision a été prise et l’absence de notification préalable de la mesure qui a suscité son incompréhension. "Car comment comprendre la rapidité avec laquelle l’Artp, dans l’intervalle de quelques heures seulement, s’engage dans une procédure aussi grave avec autant de désinvolture pour sanctionner un opérateur sans même prendre soin de notifier au préalable à ce dernier les faits qui lui sont reprochés ? ", s’est-il interrogé. "Pire Sonatel, en même temps que l’opinion publique, est informée par voie de presse d’une décision aussi grave que cavalière et qui, de surcroît, la concerne directement au mépris des dispositions pourtant tellement pertinentes que ces mesures de l’Artp se plaisent à évoquer de manière aussi péremptoire", a-t-il poursuivi.
Le contexte préélectoral qui coïncide avec cette mesure trouble également l’esprit des travailleurs de Sonatel. "La coïncidence avec la période préélectorale est troublante et nous laisse dubitatifs en ce qui concerne le sort que nos autorités veulent réserver à notre tissu économique depuis la nouvelle équipe issue de l’alternance", s’est inquiété le coordonnateur de l’Intersyndicale.
Mamadou Aïdara Diop s’est appuyé sur quelques entreprises actuellement en difficultés pour expliquer ces craintes. "En effet depuis 2000, les entreprises jadis fleuron de notre économie passe les une après les autres à la trappe de cette boulimie de milliards et ont fini malheureusement de réduire comme peau de chagrin tous nos espoirs de nous positionner sur les rampes des pays émergents", a-t-il déploré.
Aussi, M. Diop a-t-il refusé d’accepter cette décision qu’il considère d’inacceptable. "Nous sommes d’autant plus fondés à refuser cette voie de fait de l’Artp et de la main invisible tapie dans les lambris dorée de l’avenue Léopold Sédar Senghor, que dans sa démarche l’Artp s’est totalement emmêlée les pinceaux dans son interprétation des décrets, codes et lois qui régissent le secteur et structurent le cadre de son activité", a-t-il dit.
Pour illustrer ses propos, le syndicaliste a pris en exemple les dispositions de la Convention de concession et le cahier des charges. "L’article 3.2 3.1 cité dans la décision dispose effectivement que la "Sonatel assure en permanence la disponibilité des services publics de télécommunications pour l’ensemble des usagers". Toutefois, cette permanence ne doit pas être comprise dans le sens d’un réseau qui ne tombe jamais en panne. C’est d’ailleurs ce que les deux paragraphes qui suivent précisent", a-t-il indiqué.
Et M. Diop de poursuivre. "Si le service téléphonique en direction du réseau est interrompu à partir du point de terminaison de l’abonné pendant plus de sept jours consécutifs après la notification de l’interruption, la Sonatel créditera les abonnés de la fraction de l’abonnement mensuel correspondant à l’interruption de service, même si la suspension de service est causée par une circonstance imprévue ou un cas de force majeure", a-t-il analysé.
"Lorsqu’en raison de circonstances exceptionnelles, l’interruption du service affecte plus de 2 % des clients pendant plus d’un mois, la Sonatel prend les dispositions utiles pour rétablir le service dans les meilleurs délais et assure en particulier, le rétablissement des liaisons de télécommunications concourant directement à la continuité de l’action gouvernementale", a-t-il ajouté.
Pour le syndicaliste mandaté par ses camarades, aucun des ces deux cas d’interruption ne s’est produit dans le réseau Sonatel.
Pour toutes ces raisons, les travailleurs de Sonatel rejettent les arguments de l’Artp et promettent de défendre le secteur au-delà de leur entreprise contre ce qu’ils appellent les prédateurs tapis dans l’ombre et autres chasseurs de prime à col blanc qui, selon lui, ont fini de mettre les économies africaines et sénégalaises à genoux aux seuls profits de leurs intérêts exclusifs et de clans. "Nous n’accepterons pas que l’Artp soit le bras armé chargé de l’exécution de la salle besogne", a-t-il conclu.
Ndakhté M. GAYE
(Source : Wal Fadjri, 2 février 2007)
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