Allons-nous vers une régulation des réseaux sociaux au Sénégal ? Tout porte à le croire. D’après le dernier conseil des ministres du mercredi 03 février, le Chef de l’Etat a invité le Gouvernement à mettre en place un dispositif de régulation et d’encadrement, spécifique aux réseaux sociaux. Une demande mitigée qui pourrait être mise en place si rien n’est fait. Plusieurs spécialistes interrogés par Social Net Link mettent en garde le gouvernement sur ces nouvelles agissements.
Depuis quelques mois, la question a été agitée par le gouvernement sans pour autant trouver la bonne formule. Cette fois-ci, avec la sortie officielle du Président Macky Sall, le Sénégal se dirige incessamment vers une régularisation des réseaux sociaux.
Cacophonie autour d’une « régulation »
Mais il ne faudrait pas trop vite aller en besogne. Selon Cheikh Fall, l’utilisation même des termes réguler et encadrer les réseaux sociaux pose un réel problème de compréhension.
« Quand il s’agit du digital, nos autorités ne pensent qu’à la répression et à la sanction. Il fallait plutôt mettre en avant l’éducation au numérique, la sensibilisation aux droits du Cyber-espace et la vulgarisation de la culture de l’hygiène numérique. »
Le blogueur et Président d’Africtivistes reconnait toutefois qu’ internet ne doit pas être une zone de non-droit.
« Mais, force est de reconnaître qu’aujourd’hui, les législations restrictives et/ ou abusives n’ont pas été des solutions. Elles ont plutôt servi d’aubaine à de nouvelles formes de dérives » résume l’activiste.
Signaler au lieu de réguler…
Même si la question de la restriction des droits de la liberté d’expression est écartée, Ibrahima Lissa Faye pense que c’est déjà peine perdue pour l’Etat du Sénégal de vouloir réguler les réseaux sociaux.
« Il est difficile de faire une interprétation pour le moment , mais il faut savoir que le gouvernement se cherche encore . Depuis un bon bout de temps, il tente de trouver des solutions de régulation à travers des initiatives législatives qui n’ont jamais prospéré, parce que cette technique ne colle pas avec le fonctionnement des réseaux sociaux » a exposé le Président de l’Association des professionnels de la presse en ligne (Appel).
En résumé dit-il , il faut comprendre que la quintessence même des réseaux sociaux réside sur la liberté d’expression. Aucun des Etats n’a pu mettre des restrictions adéquates sur les réseaux sociaux.
Pour le journaliste et Directeur de publication de Pressafrik, l’Etat ne peut pas pour le moment réguler les Sénégalais sur les réseaux sociaux.
Une réflexion très bien partagée par Mountaga Cissé, formateur en nouveaux médias : « Il y a un fil rouge à ne pas franchir au risque de manœuvrer dans une forme de censure. Mais, il est clair que des dérives de toute nature fleurissent sur la toile. Cependant, je pense que la solution pour juguler ce fléau ne saurait être un dispositif pour contrôler les réseaux sociaux » rappelle l’expert.
Trouver la bonne formule…
Il urge dès lors, de réfléchir et trouver une bonne formule liée à l’encadrement des réseaux sociaux.
Le Sénégal dispose d’un arsenal juridique très fourni . Composé de cinq lois sur la société de l’information, le nouveau projet en cours concernant la régulation et l’encadrement, spécifique aux réseaux sociaux pourrait s’ajouter à cette chaine de valeur pour passer comme une lettre à la poste au moment venu.
« Je crois que l’Etat du Sénégal veut tout simplement mettre en place un dispositif d’encadrement à travers un projet de loi. L’idée n’est pas de bafouer la liberté d’expression des Sénégalais, mais c’est plutôt pour mieux encadrer l’espace pour éviter les excès observés ces dernières années » rassure une source proche de la présidence.
Il s’agit d’une instauration légale plus éthique, et plus respectueuse des droits civiques, et des valeurs morales de la République compte tenu de l’unicité et de l’ubiquité des réseaux sociaux.
Cependant, cette déclaration n’est pas convaincante dans la mesure où les questions de législations sur la protection des données à caractère personnel et sur la cybersécurité ont été déjà prises en charge par la convention de Malabo.
Prendre les réseaux sociaux comme lieu de commission d’infractions impunies pour proposer un nouveau cadre normatif, prouve encore une fois que le gouvernement veut nier l’existence et « l’inefficacité » de son dispositif de lutte contre la cybercriminalité.
« Le fait de parler d’un dispositif de régulation et d’encadrement spécifique aux réseaux sociaux revient à dire aux Sénégalais que notre arsenal législatif ne prend pas en considération les réseaux sociaux. Avoir un texte qui parle spécifiquement d’un réseau ou des réseaux en particulier est une erreur, si demain un nouveau réseau social fait son apparition est ce qu’il faut encore un autre texte particulier ? » s’interroge Emmanuel Diokh.
Le juriste IT se veut clair dans sa pensée « Si nous devons viser par exemple la diffamation, l’injure ou l’usurpation d’identité ou que sais-je encore, il ne faut pas cibler un ou des réseaux en particulier. En l’état, le Sénégal est outillé pour encadrer tous les faits qui se passent dans les réseaux sociaux«
Le nouveau dispositif annoncé par le gouvernement apparait comme un jeu de mots. Il risque de bafouer dans les jours qui viennent, la liberté d’expression sur les réseaux sociaux.
En 2017, la journaliste Oulèye Mané a été arrêtée pour avoir caricaturé le président de la République Macky Sall.
Quelques mois plus tard , c’était autour de la chanteuse Amy Collé. Cette dernière a été inculpée pour « offense au chef de l’État » et « diffusion de fausses nouvelles » à partir du réseau social WhatsApp.
Ce qui illustre clairement la volonté du gouvernement de faire des réseaux sociaux sa prochaine cible principale.
(Source : Social Net Link, 4 février 2021)
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