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Pour une politique télévisuelle nationale face aux défis des chaînes étrangères.

jeudi 25 janvier 2007

Le paysage télévisuel national est en train de changer. Le monopole de la RTS a vécu. De nouvelles chaînes viennent de naître. Ce qui est très positif pour la diversité de l’information, l’innovation et la créativité. Mais cette naissance s’est produite dans une totale illégalité. Car les textes instituant le monopole n’ont pas été modifiés. Ce qui dénote d’une libéralisation en catimini du secteur de la télévision, une distribution sélective des fréquences. Sans appel d’offres. C’est la bonne gouvernance et la transparence qui en prennent un sacré coup. Notre démocratie méritait mieux.

Mais notre propos n’est pas de revenir sur les péripéties qui ont marqué la gestion politique de la libéralisation des fréquences de télévision, mais d’analyser plutôt les enjeux d’une politique nationale en la matière face à la déferlante d’images qui nous viennent de l’extérieur. En effet, notre pays est aujourd’hui abondamment arrosé par les chaînes satellitaires et par les réseaux MMDS. Les téléspectateurs qui en ont les moyens, regardent rarement la RTS et préfèrent zapper sur les chaînes étrangères. Ainsi, bon nombre de nos compatriotes sont confinés dans un rôle de consommateurs des images des autres.

Or, l’audiovisuel en général, et la télévision, en particulier, est un enjeu culturel majeur. Les images véhiculent des valeurs culturelles, sociales et idéologiques. Elles constituent un puissant moyen pour consolider et transmettre l’identité. Face à cette situation de dépendance qui n’est pas sans dangers, aucune riposte organisée n’est menée ou envisagée de la part des pouvoirs publics. Donc le problème de la télévision au Sénégal se pose en termes de choix politique, d’expression culturelle et civilisationnelle d’une communauté. La question essentielle se situe au niveau de la production de programmes et des contenus (software) au-delà du problème des moyens techniques (hardware que constituent les lanceurs, les fusées, les satellites, les postes de téléviseurs, les décodeurs, etc.) qui demeure secondaire.

Autant nos entreprises commerciales doivent produirent plus et mieux pour faire face à la concurrence dans l’économie mondiale, autant nos chaînes de télévision doivent être compétitives, c’est-à-dire, être de qualité pour soutenir la comparaison avec les programmes étrangers et contrecarrer, au besoin, cette uniformisation rampante des esprits qu’ils ont tendance à nous imposer. Il est aujourd’hui plus facile, plus reposant et plus économique d’importer des programmes que de les produire. En termes de coûts, aucune comparaison n’est possible. Autrement dit, produire national n’est pas rentable sur le plan financier. Mais, il ne faut surtout pas poser la question en ces termes. Car, il est absolument nécessaire de produire national sous peine de disparaître culturellement, noyé sous le flot de la production des autres.

La question doit donc être posée en termes de politiques, en termes de choix culturels. Il s’agit ni plus ni moins, de permettre l’existence de notre vision du monde, de participer avec les autres nations, à la construction du patrimoine culturel et civilisationnel de l’Humanité. Défendre le contraire, c’est prendre le parti d’une véritable démission culturelle. C’est renoncer à donner à nos auteurs, artistes et créateurs des opportunités et un espace vital d’expression et de travail. On se souvient de la bataille de l’Europe et surtout de la France qui ont brandit respectivement la spécificité culturelle et l’exception culturelle et réussi à exclure provisoirement les services culturels et l’audiovisuel des accords du GATT remplacé aujourd’hui par l’OMC (l’Organisation Mondiale du Commerce). C’était tout simplement une manière d’éviter d’être envahis par les produits culturels américains. Ainsi, est- il vital pour notre pays et pour les pays africains dont certains, dans ce domaine, sont en avance sur le Sénégal, de mettre sur pied une véritable stratégie nationale en matière de télévision. Car défendre sa culture nationale n’est pas refuser l’ouverture ou, pire limiter la liberté d’accès aux images des autres. Il ne s’agit point, ici, d’une invitation à la fermeture sur soi, à l’engoncement, à l’isolement culturel, du reste illusoire et impossible. Il s’agit au contraire d’une attitude dynamique et qui accepte l’ouverture tout en défendant son droit à la différence, son droit à l’existence, à l’expression.

Bref, la finalité est de produire national. Mais, si cette finalité est évidente, les moyens pour y parvenir sont complexes. Ils touchent au politique (choix fondamentaux du régime de télévision, défense de l’identité nationale, liberté d’expression et de création) au juridique (textes organisant le secteur) au fiscal (détaxations, exonérations, subventions) à la politique de formation (formation de techniciens, de cadres, recherche), et au culturel (sauvegarde et mise en valeur de la mémoire nationale). Mettre en œuvre une politique nationale volontariste en matière de télévision suppose des interventions et des aménagements législatifs et réglementaires à tous ces niveaux. En cela, personne ne peut se substituer aux pouvoirs publics et aux professionnels concernés pour imaginer, mettre en œuvre et conduire, ensemble, une politique nationale avec ce que cela suppose comme batterie législative, incitatrice ou protectrice, moyens de financement, de production, de formation, de distribution, de recherche et d’évaluation.

Nous sortons à peine d’une longue ère de monopole qui a vu le secteur public contraint d’être le seul employeur et le seul diffuseur. Aujourd’hui, il convient de promouvoir la créativité et l’innovation et tenter de trouver de nouveaux équilibres, de nouvelles missions à répartir entre le secteur public et le secteur privé. Après un bilan non complaisant de notre situation actuelle, il faut tout d’abord engager une véritable réflexion sur le mode de financement de notre système (ressources, détaxations, subventions). Comment financer les programmes ? Faut-il abandonner les recettes publicitaires au secteur privé et réserver les redevances et subventions au sel secteur public ? Ce système aurait, au moins, le mérite de la transparence et celui d’éloigner le secteur public de la course aux recettes commerciales. Encore faudrait-il que les pouvoirs publics ne réduisent pas les subventions et ne bradent pas le secteur devant la peur du gouffre financier. En revanche, l’organisme public devrait se soucier davantage des deniers publics en termes de rigueur de gestion et de lutte contre les dérives et les gaspillages.

L’exemple britannique est, ici, souvent cité comme solution idéale d’équilibre entre le secteur privé financé par la publicité et l’abonnement et le secteur public financé par la redevance et les subventions publiques. En contrepartie, à quelles obligations minimales (cahier de charge, quotas de production ou de diffusion d’émissions nationales) faut-il soumettre le secteur privé dont la logique interne pousse à la rentabilité la plus sauvage ? Quelles nouvelles missions confiées au service public débarrassé de tout souci financier et de toute course à l’audience ? Loin de toute recherche effrénée de rentabilité mercantile, la télévision publique est seule à pouvoir assurer le maintien de l’équilibre socio-culturel d’une communauté.

Partisan d’un secteur public d’autant plus fort qu’il est soumis à la concurrence loyale du secteur privé, je ne suis pas loin de croire que la télévision publique doit demeurer la référence quant à la qualité des émissions, à leur esprit d’innovation et d’originalité. Malheureusement, malgré son nouveau matériel numérique, et malgré l’émergence de la concurrence nationale (2STV, RDV, Walf TV et Canal Info) après celle des chaînes étrangères (Bouquets Canal Satellite, Excafm Télécom, Delta Net TV, DSTV, etc.), la RTS semble accuser encore un retard en matière de qualité. On est loin des standards internationaux tant vantés par certains de ses responsables. Sur le plan du pluralisme de l’information, il est grand temps que cesse cette monstrueuse confusion entre organisme public (c’est-à-dire de service public, au service du public) et organisme soumis aux pressions du pouvoir politique en place, à l’actionnaire unique comme disent les Canadiens. Sans crédibilité, notre télévision nationale, risque face à la concurrence de tourner à vide et ne pourra s’acquitter honorablement d’aucune mission, fût-elle distractive. D’ailleurs, le slogan de la RTS, « Le public notre raison d’être » est en déphasage par rapport surtout à la manière dont l’information est traitée.

En ce qui concerne les structures de production et de distribution, il est important de promouvoir l’émergence d’une véritable industrie de programmes par l’existence et la viabilité d’un tissu de sociétés privées de production audiovisuelles. Des mesures fiscales protectrices et incitatrices à la production nationale sont nécessaires afin que ces sociétés puissent exister et se consolider. Il faudrait au moins leur garantir un carnet de commandes minimal par des obligations de quotas de productions nationales à nos chaînes. Il faudrait aussi leur garantir auprès des diffuseurs nationaux des prix d’achat préférentiels de leur production. Selon les usages en vigueur dans certains pays (Arabie Saoudite par exemple), ces prix préférentiels peuvent atteindre 8 à 10 fois le prix du marché. L’indépendance des producteurs vis à vis des diffuseurs devra également être solidement défendue afin que les carnets de commandes ne constituent une aliénation de ces petites sociétés de créateurs. Dans le même ordre d’idées, et dans un sens opposé, il faudra, pour éviter le favoritisme, fixer des plafonds autorisés avec un même producteur exécutif (par genre et sur une période donnée, deux ans par exemple, les productions d’envergure s’étalant souvent sur plus d’une année fiscale). Cette industrie de programmes permettra de créer de nombreux emplois et de nombreux débouchés à nos auteurs, techniciens et artistes et sera un excellent stimulant pour leurs possibilités créatrices.

Au niveau du coût des productions lourdes de fiction, la coproduction est à explorer. D’abord à l’échelle nationale, mais aussi au niveau sous régionale. Malgré la diversité de nos langues, nous avons un espace ouest africain assez homogène du point de vue histoire, culture et politiques économiques. Ces atouts peuvent être exploités en internationalisant les sujets et la distribution. Afin de garder l’authenticité et l’identité des productions, le sous-titrage et surtout le doublage en d’autres langues africaines assez répandues (Mandingue, Peul, Swahili, Yoruba, Arabe par exemple) constituent des solutions à expérimenter. Ce doublage qu’on ne voit presque pas dans les productions audiovisuelles en Afrique, devrait permettre de lever le soit disant handicap de nos langues nationales souvent présentées à tort comme des freins à l’expression (identité) et à la commercialisation (débouchés).

Toutes ces choses sont plus faciles à dire qu’à mettre en pratique. La tache est rude, le chemin long, la facture lourde. Mais la cause est noble, l’urgence immédiate et la nécessité vitale. Il y va de l’existence même de notre vision du monde, de notre vision de nous même.

Mouhamadoul Mokhtar Kane
Consultant en communication
- mokhtarkane@yahoo.fr

(Source : Sud Quotidien, 25 janvier 2007)

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