Comment améliorer la qualité de la participation de l’Afrique aux réunions internationales sur les technologies de l’information. C’est le but d’un atelier de deux jours ouvert à Mbodiène.
MBODIENE - « Louder Voices », des voix plus fortes, plus audibles, ainsi s’intitule l’étude qui a servi de base à l’atelier sur les politiques internationales des TIC, organisé à Mbodiène, à une centaine de kilomètres de Dakar sous l’égide de l’IPAO (Institut Panos Afrique de l’Ouest), en collaboration avec plusieurs institutions.
Ouvert par M. Mamadou Diop Decroix, ministre de l’Information, de l’Intégration économique africaine et de la Promotion des Technologies de l’Information et de la Communication, l’atelier a pour but d’examiner comment améliorer la qualité de la participation de l’Afrique aux réunions internationales sur les Nouvelles Technologies et comment renforcer la capacité des délégations à peser dans les négociations chargées de définir les politiques internationales des Nouvelles Technologies.
Pour le ministre Mamadou Diop Decroix : « l’Afrique, qui a déjà loupé les deux grandes révolutions que sont la révolution agricole et celle industrielle (...), ne saurait se payer le luxe de louper la nouvelle révolution informationnelle en œuvre sous nos yeux ».
M. Mamadou Diop Decroix a salué la « pertinence » de l’atelier - même si, dans les débats, il a eu à émettre quelques réserves sur les conclusions du rapport de l’étude présentée (voir interview) - et a affirmé beaucoup en attendre « pour nous aider à mieux ajuster notre tir, à remporter la victoire dans les négociations toujours en cours ».
Complexité des processus de définition
C’est l’un des auteurs du rapport « Louder Voices », M. David Souter, qui a présenté à la cinquantaine de participants provenant d’une quinzaine de pays africains les conclusions de l’étude qui a été réalisée. Elle met notamment en exergue la complexité actuelle des processus de définition des politiques internationales au cours des rencontres mondiales. Si, avant l’avènement de l’Internet et des Nouvelles Technologies, les processus décisionnels étaient relativement simples, tel n’est plus le cas aujourd’hui ; car, selon le co-auteur du rapport : « ce ne sont plus les seuls gouvernements qui représentent les Etats » dans les réunions. Il y a maintenant toute une catégorie de nouveaux acteurs, de nouvelles institutions, à côté des instances gouvernementales et des instances onusiennes : organisations financières et commerciales (Banque Mondiale, OMC), organismes privés (ICANN, entreprises, IETF, etc.), sans compter la Société civile (ONG) et les divers experts.
Pour M. Souter, les pays en développement ont très peu de présence ou d’influence dans les nombreux fora de prise de décision qui ont été organisés au cours des dernières années. Ils n’en ont même pas du tout dans les instances où les standards techniques sont définis et décidés. Et pour cause, « les pays en développement n’ont pas de secteur de manufacture », alors même que « l’expérience de nombreux pays développés et de quelques pays en développement montre que la capacité technique et la capacité d’influer sur les politiques vont de pair ».
Avoir un impact à la base de la pyramide
Selon le co-auteur et présentateur du rapport, « la participation effective n’est pas limitée à ce qui arrive avant et pendant la réunion ». C’est pourquoi, a-t-il déclaré, il faudrait pouvoir intervenir dès le début des processus décisionnels, en fait « dès qu’il s’agit de déterminer l’ordre du jour », pour avoir un impact « à la base de la pyramide ».
L’étude indique d’ailleurs que si « les pays sous-développés sont souvent présents dans les fora internationaux des TIC, les décisions, elles, sont déterminées par ce qui est en dessous de la pyramide », c’est-à-dire la capacité de coordination, la capacité de définir des politiques, la capacité technique et l’existence de marchés nationaux, régionaux et globaux dans les TIC.
Parmi les distorsions à corriger, M. Souter a mentionné le fait que l’on n’envoie pas toujours aux négociations internationales les hommes qu’il faut : 40 % des délégués seraient des diplomates et 20 % des fonctionnaires des ministères, là où il faudrait des experts confirmés dans leurs différents domaines.
À l’issue de cette restitution, divers participants ont déploré que l’Afrique ne reste encore qu’un simple consommateur de technologies, n’ayant pas la capacité de suivre leur évolution sur le plan mondial. D’où la suggestion d’un participant « d’armer les négociateurs avec la formation et l’information », même si certains ont souligné que l’expertise locale, réelle, est souvent mal utilisée.
Quelques conseils pratiques ont été mis dans la balance, comme la nécessité d’être concentré, au cours des réunions, sur tous les aspects, d’être présent lors des pauses-café, de rester dans les salles le temps nécessaire dans la mesure où beaucoup de décisions « se prennent tard dans la nuit ». Le séminaire se termine aujourd’hui.
Alain-Just Coly
aljust@aljust.net
(Source : Le Soleil, 22 septembre 2004)
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