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Oumar Diallo, formateur en marketing : « Les raisons du succès des porte-monnaies électroniques »

vendredi 23 février 2018

Les opérateurs classiques de transfert d’argent au Sénégal opèrent un changement de stratégie en adoptant les wallets ou porte-monnaies électroniques. Une nouvelle offre dans nos économies. Selon le formateur en marketing des services et gestion de la relation client, Oumar S. Diallo, les opérateurs de téléphonie ont su profiter d’une brèche ouverte et que les banques n’ont pas pu occuper, pour s’y engouffrer. Oumar Diallo travaille depuis 2004, d’abord comme conseiller client pour les campagnes de France télécoms ensuite comme formateur dédié pour les produits et services Orange Sénégal et Orange Côte d’Ivoire. Il a migré ensuite vers l’opérateur de téléphonie MTN qu’il a quitté en 2014 pour rejoindre Wari où il a occupé les postes d’exécutive assistant du country manager et ensuite de responsable marketing relationnel du groupe avant d’être chargé de coordonner les activités de l’opérateur de transfert d’argent en Côte d’Ivoire de 2016 jusqu’en décembre 2017. Dans l’entretien qui suit, il évoque des problèmes liés au transfert d’argent, à l’inclusion financière, au mobile money, etc.

Le Témoin – Orange Money, Tigo Cash, E-Money…. Que pouvez-vous nous dire sur les wallets, pour ne pas dire les porte-monnaie électroniques ?

Oumar Diallo – Beaucoup de choses ! Leur apparition montre le dynamisme du secteur et favorise l’inclusion financière. Ces offres sont bénéfiques pour le client car elles permettent de gagner du temps et accélèrent les transactions. Elles sont rentables pour le business du e-commerce qui est en plein boom dans nos économies africaines.

Pourtant, on n’a comme l’impression qu’aucune de ces offres n’a fait la différence par rapport aux autres, relativement au mode de fonctionnement. Existe-il un paramètre qui pourrait faire la différence ?

Oui, des paramètres, il en existe. Sans être exhaustif, on peut citer les frais (commissions perçues par les opérateurs) et la simplicité de l’arborescence des wallets. L’aspect sécuritaire n’est pas à négliger non plus. Les wallets doivent être efficaces. L’opérateur ne doit pas présenter des applications qui bougent. Cela donne une mauvaise expérience à l’utilisateur qui a le choix d’aller voir à coté vu l’abondance de l’offre sur le marché. Cependant, tout le monde ne fait pas la même chose et tous les wallets n’ont pas les mêmes incidences sur les utilisateurs. Ces derniers ne les utilisent pas de la même manière. Aujourd’hui avoir un wallet, c’est bien. Mais il faut avoir un réseau de proximité capable de continuer l’action lorsqu’un cash out (retrait d’argent) doit être effectué ou un cash in (dépôt), doit se faire. Les fonctionnalités sont nombreuses et les avantages varient selon l’utilisation qu’on en fait. Les « telcos » (Ndlr, opérateurs de télécoms) sont plus à leur avantage car ayant déjà un parc qu’elles peuvent transformer en utilisateurs et un réseau de distribution bien organisé.

En revanche, ils sont concurrencés dans ce secteur, qui est naturellement le leur, par des opérateurs, comme Wari, Vitfé de Joni Joni et Kash Kash de la Banque de Dakar ainsi que Wizall (ce dernier a un excellent service pour le paiement des factures SDE, Woyofal et Senelec à travers son wallet Wizall money). Les acteurs n’ont pas besoin de réinventer la roue. Ils doivent juste améliorer les conditions d’utilisation avec ce qui l’entoure comme les frais. Mais aussi permettre aux sous-distributeurs de gagner. Car ces derniers, selon le taux de commission, peuvent « switcher » les clients. Ils deviennent naturellement des prescripteurs. Donc, il y a beaucoup de paramètres à tenir en compte. Celui qui ne les respecte pas perd ses clients et c’est aussi simple que ça.

Le seul objectif de ces opérateurs de mobile money mais aussi des wallets ne reste-t-il pas de livrer une concurrence féroce aux banques ? D’ailleurs ne vont-ils pas distancer ces dernières ?

Attention, le mobile money est l’apanage des télécommunications ! M-pesa du Kenya est le précurseur dans le domaine. Cette offre a été inventée par l’opérateur Safaricom, filiale de Vodafone, qui a bien marché sur le continent. Normal puisque l’Afrique est un continent où le taux de bancarisation reste relativement faible. Il faut faire la différence entre Mobile Banking et Mobile money même si les deux sont complémentaires. Jusque-là, les banques au Sénégal offraient des services de mobile banking. Ce qui n’est pas le cas au Nigéria où le FBN a dépassé les deux milliards de transactions via le mobile sans Internet. Ce sont les banques qui ont rejoint les « telcos » dans ce domaine et non le contraire. Les opérateurs de téléphonie ont profité d’une brèche ouverte que les banques ne savaient pas occuper, pour s’y engouffrer. Elles étaient plutôt restées enfermées dans un carcan qui ne laissait pas entrer les ménages à faible revenu.

A ce rythme, les banques ne devraient-elles pas arrêter de penser uniquement banque et se réinventer pour se mettre au niveau de ces modes de transfert digital ?

Certaines banques l’ont d’ailleurs compris. Cependant, en l’état actuel, je doute que le succès soit au rendez-vous. Car les banques sont les institutions les plus procédurières qui soient dans nos économies modernes. Leurs employés sont formatés banque (rien de péjoratif). Et ceci constitue un frein au développement du mobile money pour elles, si on y ajoute le fait qu’elles n’ont pas un réseau de distribution capable de faire le travail. Elles n’ont pas des offres d’intéressement comme les « telcos » qui peuvent récompenser avec du crédit téléphonique et autres bons d’achat. Ceci pousse le client final à utiliser leurs services. Ce n’est pas leur cœur de métier et les banques ne sont pas prêtes à investir dans la logistique indispensable pour atteindre un flux proche de celui des opérateurs. Les banques doivent se réinventer et aller prendre la manne financière qu’offre le mobile money. En quoi faisant ? En s’attachant les services de professionnels capables de leur assurer visibilité et présence sur le terrain. Le Sénégal aujourd’hui est à l’image du Kenya, du Nigéria et de la Côte d’ivoire. Les choix sont variés et il faut avoir les reins solides pour être rentable.

Si l’on a bien compris, vous voulez dire que les banques devraient développer ce secteur en louant les services des « fintech » ?

Je précise que l’expression « Fin Tech » combine les termes « finance » et « technologie » : elle désigne une start-up innovante qui utilise la technologie pour repenser les services financiers et bancaires. Ce serait une excellente chose pour la bonne gouvernance, la célérité des opérations administratives mais aussi commerciales. La dématérialisation ou digitalisation est une garantie de transparence. C’est un outil de lutte contre la corruption. Nos Etats, qui perdent énormément d’argent, doivent interdire le cash dans certains secteurs. Aujourd’hui, les applications de collecte sont nombreuses et les organisations gouvernementales doivent en profiter. La Côte d’Ivoire a compris cela. Son secteur agricole a longtemps souffert de la manipulation du cash. Cette année, d’ailleurs, le conseil anacarde a décidé d’utiliser les services d’une start up ivoirienne qui assurera les collectes et permettra une économie de 400 millions de francs.

Le fonctionnement des wallets permet-il une inclusion financière à 100 % des populations ?

Les wallets constituent une nouvelle offre dans nos économies. Mais avouons que mes parents qui se trouvent à Diawara ou Ndangane Sambou n’ont plus besoin d’attendre l’envoi d’un « yobbal » pour recevoir les frais médicaux ou frais d’inscription grâce aux wallets. Si on le prend sous cet angle, nous pouvons dire que ces porte-monnaie électroniques jouent un rôle important dans l’inclusion financière des populations.

Mais ne reste-t-il pas des efforts à faire, notamment sur le coût des services, pour que ces outils s’imposent définitivement ?

Il reste des efforts à faire sur le coût des services mais les wallets sont d’ores et déjà une excellente chose pour l’inclusion financière. Au-delà des frais, il y a l’inter-opérabilité qui doit être le combat de nos Etats pour permettre à ces nouvelles entreprises d’être pérennes. Le jour où on arrivera à faire un retrait chez E-money ou Orange Money d’un envoi de Tigo cash, d’un Wari chez Joni Joni etc., on aura fait des efforts et je reste convaincu qu’on y arrivera.

Dans un de vos posts sur les réseaux sociaux, vous avez utilisé le terme Interface en disant ceci : “C’est le cas avec le transfert SUR du collectif Renapta et la marque Kash Kash de la Banque de Dakar, ils vont interfacer leur plateforme”. Qu’avez-vous voulu dire par là ?

(Rires). Vous m’avez bien lu ! Il faut comprendre une chose. Les transferts d’argent obéissent à des règles de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). Il faut avoir une licence pour le faire. A défaut, s’allier à une banque. La marque Sûr a été sponsorisée par la Banque de Dakar (Bdk) et cette dernière vient de lancer son service de transfert avec un wallet en même temps. Les banques, comme je l’ai dit plus haut, n’ont pas de réseau de proximité et Sûr ne décollant pas, il ne faut pas être un génie pour savoir que la BDK n’hésitera pas à rendre possible le retrait de l’argent envoyé à partir de sa plateforme sur la plateforme de son poulain Sûr qui a un réseau de distribution non négligeable. C’est ce qu’on appelle une collaboration Win-Win (Ndlr, gagnant-gagnant).

Si on compare avec Tigo Cash, ne peut-on pas dire qu’Expresso a réussi le pari de l’audace sur le naming E-Money ?

Oui, effectivement, les gens d’Expresso ont une vision bâtie sur l’audace. Leur slogan, c’est « oser rêver ». Le fait de choisir la même syntaxe qu’Orange money prouve qu’ils ont fait une bonne étude et sont proactifs. Demain, on arrivera à une harmonisation et ils n’auront pas besoin de communiquer sur un changement dans l’utilisation du code ussd qui fait accéder à leur wallet, logiquement. Ceci peut être aussi un clin d’œil à Orange qu’ils veulent faire « churner » grâce à la portabilité. Celui-ci ne perdra pas ses habitudes. Le naming E-money passe vraiment bien. C’est le nom générique de la monnaie électronique. Reste à savoir s’ils vont pousser l’audace jusqu’à proposer des tarifs abordables. Il ne faut pas oublier qu’ils sont des challengers sur ce marché qui reste ouvert et qui est très grand.

Propos recueillis par Maimouna Faye

(Source : Le Témoin, 23 février 2018)

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