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Matar Seck, directeur général de l’ART sénégalaise : une nouvelle transparence dans les NTIC

mercredi 30 janvier 2002

Depuis le 22 décembre 2001, le Sénégal s’est dotée d’une nouvelle réglementation sur les télécommunications. En effet, le nouveau code des télécommunications, adopté par l’Assemblée nationale le 14 décembre 2001, remplace la loi n° 96-03 du 22 février 1996 qui régissait jusqu’alors le secteur depuis qu’elle a pris le relais de la loi 72-39 du 26 mai 1972. Le nouveau texte était réclamé depuis longtemps par les acteurs du secteur qui, mondialisation oblige, acceptaient de moins en moins le monopole de la Sonatel, même si celui-ci s’était quelque peu effrité depuis l’arrivée d’un autre opérateur en téléphonie, la Sentel. Par ailleurs, le gouvernement vient de rendre publique, le 17 janvier, la création de l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART) dont le premier directeur général est M. Matar Seck, jusqu’alors conseiller technique à la présidence. Cet acte qui passe quelque peu inaperçu, coincé entre les dégâts causés au nord du pays par les pluies hors saison et la Coupe d’Afrique des nations où sont rivés tous les yeux, n’en demeure pas moins une étape importante sinon essentielle pour l’avenir des télécommunications et des TIC au Sénégal. M. Matar Seck, le tout nouveau directeur de la toute nouvelle structure, n’est pas un inconnu dans le monde « connecté ». Docteur-ingénieur en électronique des télécommunications et lauréat en 1996 du grand prix du président de la République pour les sciences, Matar Seck, auteur d’un brevet d’invention déposé en Europe, a travaillé à TDF-C2R, une société du groupe France-Télécom, de 1991 à 1993. De 1994 à 1998, il a occupé plusieurs postes de responsabilité à la Sonatel (chargé d’études, chef du service Prospective et Innovation puis chef du département des Téléservices). Il a eu à participer à la définition et à la conception de plusieurs projets, parmi lesquels l’étude et de la mise en oeuvre du réseau Internet dans notre pays, l’étude et la définition des systèmes sans fils, l’expérimentation des lignes RNIS au Sénégal, l’étude et la mise en oeuvre du projet de télémédecine du Sénégal, de l’Ouganda et de Guinée, la mise en ?uvre du Trade Point Sénégal, l’élaboration des cadres réglementaires de plusieurs pays en Afrique... En juin dernier, le chef de l’Etat l’avait chargé, comme conseiller technique, de concocter les textes de la future agence des télécommunications. Matar Seck est également consultant de nombreux organismes comme l’Union internationale des Télécommunications (UIT), le Centre de Recherche pour le Développement international (CRDI), l’INTIF (Francophonie), la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), le Programme des nations unies pour le Développement (PNUD), la Banque ouest-africaine de Développement (BOAD), etc. Il répond ici à nos questions.

Franconnex : L’accouchement, le 14 décembre, d’une nouvelle réglementation sur les télécommunications a pris beaucoup de temps pour être effective. Pourquoi tout ce temps pour changer la loi alors que les nouvelles autorités, depuis le début, parlaient de l’imminence d’une telle loi ?

Matar Seck : Il faut dire que la mise en place de cette nouvelle loi a pris un certain temps ; mais il fallait des préalables d’abord et le gouvernement a travaillé dans ce sens pour arriver à cette loi qui satisfait l’ensemble des acteurs du secteur. Mais il faut surtout noter que les procédures administratives et constitutionnelles d’adoption des lois sont souvent assez longues. Car il faut obligatoirement passer par les étapes suivantes : adoption par le Conseil d’Etat, adoption par le Conseil des Ministres, adoption par l’Assemblée nationale, adoption par la Commission technique, adoption en séance plénière [et enfin] promulgation de la loi par le Président de la République.

Mais en ce me qui concerne, l’élaboration de la nouvelle loi ne m’a pas pris beaucoup de temps. Depuis juin 2001 date à laquelle, le président de la République m’a nommé comme conseiller technique chargé de la mise en place de l’Agence de Régulation des Télécommunications, j’ai mis deux mois pour l’élaboration de la loi et des divers décrets d’application mais comme je vous le disais ci-haut les procédures administratives d’adoption de la loi ont duré quatre mois.

Il faut se dire que cette loi est venue au bon moment et que le gouvernement a été assez rapide car, dans certains pays, l’élaboration d’une telle loi régissant un secteur aussi stratégique que les télécommunications peut durer facilement un an, voire deux ans.

Parmi les grands principes qui régissent désormais les activités des télécommunications, il y a, dit le Préambule de la nouvelle réglementation, la transparence. Est-ce à dire qu’il n’y avait pas de transparence auparavant ? Comment va se manifester cette transparence ?

Pour la transparence, par exemple beaucoup d’opérateurs, des concurrents de la Sonatel en général, se plaignent de n’avoir aucune visibilité dans la gestion du spectre des fréquences que l’Etat avait confié à la Sonatel. Un autre exemple, les procédures d’attribution des concessions ne sont pas explicitées, l’État reste à la fois autorité réglementaire et actionnaire important de la Sonatel, les cahiers des charges des opérateurs concessionnaires ne sont pas accessibles au public. C’est la raison pour laquelle [la nouvelle loi vient] de doter le secteur des télécommunications d’un cadre juridique efficace et transparent favorisant une concurrence loyale au bénéfice des utilisateurs des réseaux et services des télécommunications. Cette transparence va se manifester par :

- une séparation claire des rôles entre les opérateurs et l’Etat ;
- la mise en place d’une agence chargée de la régulation des télécommunications ainsi que de la gestion et du contrôle des fréquences qui veillera, avec toute l’autonomie et l’impartialité requises, au respect des règles de saine concurrence, d’égalité de traitement des usagers et de surveillance des éventuels abus de position dominante qui serait le fait notamment de l’opérateur historique public dans lequel l’Etat continue d’être actionnaire ;
- un renforcement des moyens de défense des consommateurs, en premier lieu en rendant publiques les obligations des opérateurs inscrites dans leurs cahiers des charges ;
- une définition des procédures transparentes d’octroi des concessions, licence,autorisations ou agrément ;
- un partage ouvert des visions, des résultats sectoriels et de l’évolution ;
- la mise en place de schémas de tarification économique clairs et transparents.

La nouvelle législation a-t-elle vraiment intégré toutes les préoccupations des acteurs du secteur quant au monopole de la Sonatel sur certains segments ?

La nouvelle législation intègre toutes les préoccupations des acteurs du secteur car elle entend consolider les acquis avant d’impulser une nouvelle dynamique dans le sens de l’ouverture de certains segments de marché à la concurrence. Tout en veillant sur les intérêts des usagers, l’objectif principal de la nouvelle législation est d’assurer un service public fort, coexistant de manière émulative et complémentaire avec un secteur privé organisé, professionnel et contribuant au développement national.

Est-ce que la création de l’Agence de régulation des télécommunications (ART) met définitivement fin au monopole de la Sonatel ? Qu’en est-il, par exemple, de la convention entre la Sonatel et l’Etat dont l’expiration est prévue en 2004 ?

La création de l’ART marque le désengagement de l’Etat dans le secteur et la poursuite de la politique de libéralisation des télécommunications. Concernant le monopole concédé à la Sonatel, pour la téléphonie fixe, l’Etat continuera à respecter les accords contenus dans le cahier des charges et la convention de concession avec la Sonatel pour la période d’exclusivité de sept ans qui expire en 2004 ; mais sur certains segments du marché tels que la téléphonie rurale et l’accès à l’Internet, l’Etat va privilégier la satisfaction de l’intérêt général de la nation dans le but de remplir ses missions et devoirs de service public. Cela veut dire que nous allons procéder à l’ouverture de la concurrence dans ces segments de marché en fixant dans les meilleurs délais les conditions d’éligibilité.

La téléphonie sur Internet (ou « voix sur IP ») a été la cause de beaucoup de malentendus entre la Sonatel et certains prestataires et fournisseurs de services. Comment allez-vous l’aborder ?

La voix sur IP constituait un contentieux entre la Sonatel et le opérateurs de voix sur IP [téléphonie sur Internet] qui considèrent que dans la loi 96-03, la définition du service téléphonique sous monopole ne s’applique guère à la téléphonie sur IP qui était assimilée à un service à valeur ajoutée. Mais cette loi pêchait dans certaines définitions technico-juridiques. Leur argumentaire était que le protocole IP n’est pas un protocole de temps réel et le service subit une latence qui lui est caractéristique et qui forme une dégradation nette de qualité pour l’usager.

Mais la technologie IP a beaucoup évolué depuis, car on assiste progressivement à la convergence des réseaux commutés et des réseaux IP d’année en année, on voit apparaître même des réseaux téléphoniques tout IP, tant sur le fixe que sur les réseaux mobiles (réseaux de troisième génération). C’est la raison pour laquelle, la nouvelle loi spécifie clairement que l’ART est chargée de fixer et de réviser la liste des services à valeur ajoutée qui peuvent être exploités et assurés librement par toute personne physique ou morale.

Qu’est-ce au juste, pour la nouvelle loi, « un service à valeur ajoutée » ?

Il faut entendre par service à valeur ajoutée un service qui doit utiliser, sous forme de location, les capacités de liaison d’un ou de plusieurs réseaux de télécommunications ouverts au public existant, sauf si le fournisseur de ce service est titulaire de la licence et désire utiliser les capacités de liaison du réseau objet de ladite licence. [il faut rappeler] que la Sonatel a le monopole sur le service téléphonique commuté jusqu’en 2004.

Peut-on espérer dans les prochaines semaines une clarification de la question de la Sentel (licence retirée, puis négociations qui s’éternisent...) ?

S’agissant des différends entre l’Etat, les acteurs et les consommateurs, l’ART privilégie d’abord la médiation, la conciliation et la réconciliation. Concernant le différend de la Sentel, le Code des télécommunications dont nous disposions avant, je parle de la loi 96-03, ne permettait pas de régler ce problème de manière efficace. Mais la nouvelle loi 2001-15 nous apporte beaucoup d’éléments sur lesquels on pourra s’appuyer pour régler de manière définitive cette question (cf. article 76). C’est la raison pour laquelle, dans les prochaines semaines nous allons entamer des discussions avec Sentel pour définir ensemble les nouvelles conditions dans lesquelles les télécommunications seront désormais offertes au Sénégal. Ces négociations concerneront aussi la Sonatel. A l’issue de ces négociations, pour chaque opérateur, un nouveau cahier de charge, approuvé par décret, fixera les nouvelles conditions dans lesquelles les services de télécommunications seront rendus.

En quelques mots, quels sont les principales missions de l’ART et d’où lui viendront ses moyens ?

L’ART est un organisme spécifique ayant pour mission de promouvoir et de développer le secteur des Télécommunications et des NTIC. Ses missions sont à la fois technique, économique, juridique et même juridictionnelle. Elle doit préserver les intérêts du secteur avec des garanties d’équité pour toutes les parties (Etat, opérateurs, consommateurs), l’objectif étant de constituer une maîtrise d’ouvrage exprimant l’ensemble des besoins du pays et de s’assurer que ces besoins sont bien pris en compte par les différents opérateurs publics et privés. Ainsi on peut résumer ses missions en quatre parties :

1. Créer et entretenir les conditions d’une concurrence dynamique et loyale :
- délivrance des autorisations d’exploitation de réseaux et de fournitures de services de télécommunications ;
- gestion et contrôle du spectre des fréquences radioélectriques ;
- protection efficace des consommateurs en leur permettant d’accéder à des services variés de télécommunications au meilleur rapport qualité prix ;
- mise en place et respect des conditions d’une concurrence équitable entre les différents acteurs économiques ;
- définition et mise en oeuvre des règles techniques des télécommunications : normalisation, agrément des équipements terminaux, numérotation ;
- assurer l’équité d’accès aux ressources publiques pour tous les concurrents.

2. Veiller au respect des missions de service public des opérateurs :
- suivi des politiques tarifaires ;
- suivi de la qualité des services offerts ;
- élaboration et suivi des conventions de concessions et des cahiers des charges ;
- détermination des conditions générales d’exploitation et de fourniture auxquelles sont soumis les différents réseaux de services ;
- participation des opérateurs à la politique d’aménagement du territoire, de développement du service universel.

3. Assurer la représentation du Sénégal à l’international :
- suivi des relations avec les organisations internationales de télécommunications dont le Sénégal est membre ;
- coordination de la préparation et la participation du Sénégal aux réunions et conférences internationales sur les télécommunications.

4. Assurer la promotion du secteur : mission de veille technologique pour identifier les grandes tendances dans l’évolution du secteur et adapter la politique suivie au Sénégal en conséquence.

De quelles ressources disposera l’Agence ?

L’ART dispose des ressources suivantes :
- le produit des redevances perçues à l’occasion de l’étude des dossiers et de l’octroi ou du renouvellement des licences relatives à l’assignation des fréquences radioélectriques, des agréments, des concessions des services à valeur ajoutée, de l’assignation des numéros du plan national de numérotation et plus généralement, le produit de toutes autres redevances en relation avec les missions de l’ART ;
- un pourcentage sur le produit de la contrepartie financière due au titre de la licence dont le pourcentage est fixé par décret ;
- les produits et les revenus provenant de biens mobiliers et immobiliers ;
- les recettes des contributions des exploitants de réseaux publics de télécommunications à la recherche et à la formation.

Pour vous quelles sont les priorités dans le secteurs des télécommunications et des Nouvelles technologies au Sénégal ?

Notre ambition est de devenir d’ici 2005 une « vitrine » pour l’Afrique dans les secteurs des télécommunications et des nouvelles technologies. Il s’agit d’aménager un environnement susceptible de faire du secteur des télécommunications un pôle de croissance, générateur de richesses, d’emplois et de recettes d’exportation. Pour cela, nos priorités vont s’articuler autour des points suivants :

- Assurer une plus grande contribution du secteur des télécommunications au développement économique, social et culturel du pays par une meilleure satisfaction de la demande et la fourniture de services diversifiés, et de qualité à des tarifs compétitifs ;
- Développer le service universel en facilitant l’accès aux services de télécommunications au plus grand nombre d’usagers, en particulier dans les zones rurales et les quartiers périphériques des agglomérations urbaines ;
- Baisser les prix des services de télécommunication en particulier ceux de la transmission de données pour accélérer la démocratisation d’internet et satisfaire les besoins des utilisateurs professionnels ;
- Assurer en permanence la disponibilité au Sénégal d’un réseau de télécommunications fiable, ouvert sur le monde par une amélioration notoire des taux d’efficacité des communications locales et interurbaines surtout au niveau des réseaux cellulaires ;
- Apporter des garanties en matière d’interconnexion ;
- Favoriser le développement de la téléphonie mobile en intensifiant la concurrence ;
- Promouvoir le développement d’une industrie locale d’équipements de télécommunications ;
- Promouvoir l’initiative privée.

Alain Juste Coly

(Source : Franconnex 30 janvier 2002)

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