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Les fintech en Afrique : des outils à géométrie variable favorisant l’inclusion financière !

vendredi 13 janvier 2017

Mina habite à Sahuyé, à 70kms d’Abidjan. Depuis 2008, elle a un compte mobile money qui lui sert à envoyer de l’argent à sa tante à Ouagadougou et à se constituer une petite cagnotte chaque mois. Avec près de 100 millions d’autres personnes [1], Mina a désormais ainsi accès à des services financiers de base dont elle était auparavant exclue. Quel est le degré d’inclusion offert par les fintech sur le continent ? Permettent-ils effectivement d’offrir des services financiers à tous, du Cap à Alger en passant par Dinga en République Centrafricaine ou Gondere en Ethiopie ?

Si les fintech ne représentent pas une solution unique et globale pour l’Afrique – il serait réducteur de le croire – ils apportent néanmoins des réponses pertinentes à des défis quotidiens ainsi que des innovations qui bouleversent l’écosystème financier mondial.

La percée singulière des fintech en Afrique

L’Afrique se positionne comme une terre nouvelle pour les services financiers. L’Afrique est l’un, sinon le seul continent à avoir adopté directement des services financiers virtuels, sans passer ni par la case départ des agences en dur ni par la téléphonie fixe à grande échelle [2].

Cette singularité s’explique par un accès peu propice à l’offre financière classique. Les services formels sont fournis par des agences concentrées en zone urbaine [3] – tandis que la population rurale représente 2/3 de la population africaine – et pratiquant des taux d’intérêt et de commissions élevées – autour de 10,07% en moyenne dans la zone UEMOA par exemple [4]. Le recours à des moyens peu onéreux de technologie financière se comprend alors facilement.

Ce recours a ainsi favorisé une plus grande inclusion financière en faisant accéder un grand nombre de personnes à des personnes exclues des services financiers de base. Alors que le nombre de personnes non bancarisées est de 66% en Afrique [5] – avec toutefois des différences notables entre les pays – le recours aux fintech change la donne avec 12% d’Africains ayant accès à des services financiers via des fintechs [6].

Toutefois, il est clair que le mobile money est une solution parmi d’autres proposées pour résoudre le problème. On trouve ainsi le paiement par mobile (mobile money), le transfert d’argent, les services bancaires et les opérations d’investissement et de gestion de fortune, etc. Cette diversité est à comprendre au regard de celle des marchés africains, de leur maturité et de leurs besoins. Si certaines options – en particulier le mobile money – sont effectivement fructueuses ici, elles ne font guère de sens là, où une option plus ou moins sophistiquée sera plus indiquée.

En outre, le profil de certains pays facilite le déploiement d’une solution, où ailleurs elle ne répondrait que partiellement ou pas du tout à réduire le manque d’accès aux services financiers. Ainsi, le succès de M’Pesa au Kenya, basé sur la proposition d’une solution créée par une demande du marché, n’a pas abouti en Tanzanie et au Nigeria. Ces échecs sont liés à la diversité des écosystèmes, soulignant la nécessité d’adopter une approche plurielle pour penser l’inclusion financière.

Les défis à surmonter pour faire des fintechs de réelles solutions d’inclusion financière

Le mobile money représente aujourd’hui la plate-forme la plus développée et aboutie en matière d’inclusion financière en Afrique, en se positionnant comme une porte d’entrée à une variété de services pour ses usagers. Cependant, de nombreuses problématiques doivent être résolues pour offrir véritablement un accès inclusif, c’est-à-dire des services financiers accessibles en tous, y compris aux personnes « en bas de la pyramide ».

En effet, fintech ou pas, le défi d’inclusion financière des personnes dites « au bas de la pyramide » reste aigu. Cette population, qui vit au-dessous du seuil de pauvreté, effectue des opérations qui ne dépassent pas les 2 dollars par jour. Or, le modèle de l’agent dans le système de mobile banking, dont le revenu est assuré à 100% par les transactions, requiert un certain montant total pour être rentable. Avec l’hypothèse d’opérations à 1 dollar, pour un agent dont le coût mensuel est compris entre 150 et 200 dollars, en prenant un pourcentage par transaction, l’agent devrait enregistrer un montant de 20 000 dollars pour arriver au point mort, ce qui fait 2 transactions par minute, 8 heures par jour, 7/7…

En outre, les chiffres fanfaronnant sur la pénétration du mobile en Afrique ne doivent pas masquer certaines réalités. Des pays africains ont des taux d’usagers mobile inférieurs à 30% – sur 100 personnes, seules 30 au Burundi et 6 en Erythrée utilisent un téléphone portable [7]. Cette carence existe aussi en matière de données numériques. Pour l’entreprise en telco Tigo, seuls 20% de ses clients à travers le continent utilisent des données. Ainsi, si des services financiers de plus en plus innovants se multiplient, l’accès au service de base n’est pas encore assuré sur tout le continent.

D’autres défis restent à surmonter pour accroitre la couverture des fintechs et leur accessibilité à tous tels que l’interopérabilité, qui entrave le transfert d’argent domestique et international, et les efforts en matière de sensibilisation et d’éducation financière. Alors que le Rwanda peut être cité comme un exemple en matière de pédagogie financière, d’autres pays comme le Nigeria ne promeuvent pas une culture des technologies financières. Ainsi, le Gouvernement rwandais a soutenu la mise en place de plates-formes numériques pour les services de base (Irembo) : paiement des factures d’électricité, procédures administratives, etc. A l’inverse, l’économie nigériane est principalement basée sur la liquidité avec des agents de rue – appelés esusu ou ajo – opérant informellement des opérations courantes.

Le potentiel des fintech offre une ambition visionnaire pour l’Afrique Si ces limites doivent être résolues, des avancées majeures en matière d’inclusion financière ont été permises par le développement des fintechs en Afrique. Cependant, l’inclusion financière ne se limite pas aux paiements. Cette « innovation frugale » déploie toute une gamme de services financiers rendus accessibles au plus grand nombre.

Parmi les services proposés, on trouve bien sûr des services bancaires classiques, offrant la possibilité aux personnes exclues du système bancaire de contracter des prêts (comme avec Aire ou Kreditech, des services d’assurance et micro assurance, d’investissement, de paiement et de transferts en ligne. Des startups comme Afrimarket, Azim ou Mergims facilitent le transfert d’argent et de biens à des taux réduits et en toute sécurité ; WeCashup et Dopay offrent la possibilité de payer en ligne et/ou de recevoir son salaire de manière électronique, sans risque de corruption et d’insécurité.

En outre, ces services accroissent non seulement l’inclusion financière mais également sociale avec des produits facilitant l’accès à des services de base dans la santé et l’éducation. Par exemple, la fintech sénégalaise Bouquet Santé s’appuie sur la diaspora pour résoudre certains manques du système de santé national.

Ces initiatives sont portées par un ensemble d’éléments facilitant le déploiement de solutions numériques. Premièrement, la simplicité de la technologie la plus couramment utilisée, l’USSD, ainsi que le dynamisme de ce secteur qui propose constamment des innovations améliorant cette technologie et des applications nouvelles. Deuxièmement, le bas coûts des mobiles, qui favorise une pénétration facile et croissante. Troisièmement, la capacité à mettre en place un réseau de distribution étendu, même en zone rurale, avec un système d’agents pour le mobile money. Enfin, la tendance croissante des acteurs à saisir cette opportunité et à développer des partenariats (entre les opérateurs, les banques, les coopératives, les institutions de micro finance) et faciliter l’extension de leurs services avec un effort en formation et sensibilisation.

Jusqu’à présent, les résultats enregistrés par les fintech pour accroitre l’accès aux services financiers sont nombreux. Aujourd’hui, plus de 80% du continent est couvert par des services d’argent mobile [8]. Au Kenya, le taux de bancarisation a augmenté de 58% depuis 2007, année de lancement de la licorne nationale M’Pesa [9]. Il est indéniable que l’accès aux services de bases s’est renforcé sur le continent avec 15,4% de la valeur totale des transactions de 2014 revenant aux paiements de factures et de transactions marchandes [10].

L’accès et la participation étendus au système financier ne sont pas une fin en soi mais un moyen. Ils offrent des bénéfices directs et indirects majeurs. Au sein du système, ils permettent d’abaisser le coût des virements de fonds transfrontaliers et celui de l’offre des services financiers de 80-90%, permettant ainsi à des sociétés de proposer leurs services à des clients à faible revenu tout en assurant leur rentabilité. Pour les usagers, ils diminuent l’insécurité liée au fait d’avoir de l’argent liquide sur soi et offrent la possibilité de lisser leur consommation, de gérer les risques de chocs financiers en se constituant une épargne et, petit à petit, d’investir dans l’éducation et la santé. Pour les entreprises ayant un accès facilité au crédit – en créant des historiques de crédit – de croitre et de créer des emplois.

Ces avantages ne sont les pas derniers, car les fintech sont un arbre en plein épanouissement. L’interopérabilité et l’ouverture croissantes, favorisées par l’intégration africaine, donnent des perspectives réjouissantes. Au-delà du mobile money, le bitcoin et les blockchain sont des chantiers en développement en Afrique – certains y voyant même le berceau d’une révolution « Révolution Impala ». Le blockchain, qui permet d’établir des historiques de crédit, de conforter et/ou créer une identité financière basique, pourrait peut-être même le prochain levier innovant d’inclusion financière, faisant de l’Afrique une pionnière au niveau mondial.

En conclusion, la possibilité d’offrir un accès le plus large possible aux services financiers implique de proposer des solutions adaptées à la variété de besoins existant sur le continent, en adoptant même une perspective locale – ce qui est vrai dans la capitale ne l’est plus au village. Il est donc crucial de ne pas croire en un modèle unique capable de résoudre les défis de l’Afrique comme une entité homogène. Enfin, l’enjeu clef est de maintenir la vitalité entrepreneuriale observée jusqu’à présent dans l’offre des fintech.

Pauline Deschryver

(Source : L’Afrique des idées, 13 janvier 2017)

[1] Banque mobile en Afrique sub-saharienne : 251 millions de clients potentiels d’ici 2019, BCG, 2015

[2] En 2015, 24 652 adultes sur 100 000 possèdent un compte mobile en Afrique Sub Saharienne, contre 3 485 en Asie du Sud ou 416 en Europe. (Source : Banque Mondiale et Groupe Spécial Mobile Association)

[3] On trouve 3,2 agences pour 100 000 habitants, Etude du cabinet Roland Berger

[4] Source : Banque Centre de l’Union Economique Ouest Africaine

[5] Données Banque mondiale 2015

[6] Idem

[7] Données Banque Mondiale

[8] Un Agency for Information and Communication Technology

[9] Source : Commission des communications au Kenya

[10] Données : GSM Association

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