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Le joug incassable de la servitude volontaire

vendredi 17 avril 2009

L’autre jour, je lisais une analyse historique intitulée : « Pourquoi l’Afrique fut-elle conquise au 19 ème siècle ? » J’ai été frappé par cet article au regard de l’actualité toute brûlante autour de la vente par l’Etat du Sénégal d’une partie de ses actions devant permettre à France Télécom d’avoir 52% du capital de la Sonatel et de contrôler ainsi une société nationale. Si l’opération aboutit, on devrait maintenant parler de Softel (Société Française de Télécommunications). Et, je me rappelais les propos de Hegel repris par Marx sur la répétition de l’histoire, sous forme de tragédie et de comédie. Il est ahurissant également de constater que ce n’est que seulement trois petits jours après la célébration avec faste de l’Indépendance du 4 avril que les pouvoirs publics, supposés gardiens de la souveraineté nationale, ont décidé de poursuivre (ça a commencé depuis 1997) le bradage d’un bien commun (la presse parle de bijou familial) sous prétexte de payer une éprouvante et épouvantable dette intérieure.

Notre souci, ici, loin de verser dans l’indignation facile et le chauvinisme stérile, est de replacer cet avatar non isolé dans le contexte de la « dépendance entretenue » ou « servitude volontaire » qu’Etienne de la Boétie avait théorisée au 16è siècle. Notre propos ne sera donc pas de clouer au pilori l’Etat français qu’on accuse de néo-colonisation mais de réfléchir sur nos propres responsabilités devant l’histoire et pour l’avenir.

Dans le cas Sonatel qui nous préoccupe à l’heure actuelle, nous devons creuser un peu plus loin dans l’écume médiatique. Il y a quelques mois, la France volait au secours du Sénégal à hauteur de 82 milliards pour solder la dette intérieure et renflouer la caisse trouée de la Senelec.

Le Sénégal avait accepté volontairement d’être perfusé de cet argent français, sachant qu’il se liait ainsi les mains devant l’ancien ( ?) colon. Tout le monde avait miraculeusement salué la magnanimité de la perfusion française feignant d’ignorer le nécessaire retour d’ascenseur remarqué aujourd’hui dans les télécoms, hier dans d’autres secteurs et demain ailleurs, si l’on y prend garde.

L’Afrique est encore considérée comme, il y a plusieurs siècle, une « terre vierge » ou une « tabula rasa » sur laquelle les nations, hier civilisées, aujourd’hui développées viennent semer et fructifier leurs idées. Les ressources humaines peuvent y être taillables et corvéables à merci comme au bon vieux temps. La (con) quête de débouchés n’a pas encore pris fin. L’article cité plus haut sur les facteurs objectifs ayant permis la conquête de l’Afrique au 19ème siècle listait des facteurs parmi lesquels, les conflits internes, le travail des missionnaires et explorateurs et surtout l’avantage technologique au plan de l\’armement qui se révéla être décisif dans la colonisation africaine.

Aujourd’hui, également, l’Afrique est à la traîne dans le domaine de l’invention et de la technologie, se complaisant dans sa position d’éternel consommateur. Les télécoms n’échappent pas à cette logique implacable. Nous ne produisons presque rien, même au plan des idées, c’est quasiment le désert. Caisse de résonance permanente.

Dans une telle posture, nous constatons que nos moyens de résistance sont bien faibles. Il y a deux siècles, les conflits internes nous déchiraient, aujourd’hui encore, la désunion est la chose la mieux partagée. Les missionnaires et explorateurs se sont transformés en coopérants et l’avantage technologique dans l’armement s’est renforcé en s’étendant dans d’autres domaines de la recherche et de la création comme les NTIC. Dans ces conditions, quel comportement peut-on avoir si ce n’est le suivisme aveugle et la dépendance. Ce qu’avait bien signalé le penseur algérien, Malek Bennabi, « seule une société apte à être colonisée peut l\’être », d’où son brillant concept de « colonisabilité ». Avons-nous étouffé tous les germes d’une « recolonisation » ? Pas sûr !

Pis, notre infrastructure idéologique, politique, économique et sociale est essentiellement bâtie sur le mimétisme sans grand esprit de créativité. Nous réclamons à cor et à cri l’indépendance mais attachons chaque jour plus solidement et en âme et conscience le joug de la dépendance. Presque aucun domaine n’est épargné par notre extraversion dépendante. L’éducation, la langue de travail, la culture, la défense, l’économie, l’alimentation et même la politique, tout ou presque y passe.

Regardons nos constitutions, lois et règlements. Aucune originalité n’y est notée à part le tripatouillage. Quand le monde réfléchit sur les voies et moyens de sortir de la crise financière, les Etats africains s’interrogent sur le volume de l’ « aide publique au développement » qui risque de diminuer. Alors qu’il est démontré que l’aide structurelle n’a développé aucun pays. Les plus aidés sont les plus mal lotis. Dresser ce tableau peu reluisant de la situation de nos pays n’est pas synonyme d’afro-pessimisme, accusation commode faite à ceux qui tentent de circonscrire l’étendue du mal dont nous souffrons. Une prise de conscience de cette réalité est donc plus qu’urgente pour éviter que la plaie béante et purulente n’atteigne la gangrène.

Il nous faut donc sortir des modèles de rente et de facilité et notamment de ce « complexe de dépendance » déploré par Frantz Fanon pour opérer une révolution culturelle. Les mentalités doivent changer. La locomotive qui tire les wagons de l’épanouissement intégral réside dans notre capacité à nous prendre en charge. En nous appuyant d’abord sur nos propres forces. Un exemple symptomatique de notre propension à la mutilation symbolique est ces autorités qui préfèrent aller, accoucher en France ou aux Etats-Unis pour bénéficier de la nationalité de ces pays. Fanon avait raison de parler de « peau noire, masque blanc ». Certes, nous sommes pour l’ouverture et l’échange mais encore, faudrait-il se construire quelque chose pour le proposer dans le cadre de cet échange nécessaire mais non exclusif.

Le problème réside donc plus en nous que dans l’autre qu’on incrimine aisément. Les raisons sont davantage endogènes qu’exogènes.

Dans le feuilleton Sonatel-France Télécom, comme dans les autres domaines de la vie, nous devons (re)prendre notre destin en main. Si cette déconstruction nous semble illusoire, c’est parce que nous avons encore des esprits enchaînés et jugulés.

Tirer notre épingle du jeu et cesser d’être le maillon faible de la chaîne mondiale commencera par le fait de nous battre par les idées. Pour exister dignement. Sinon nous continuerons à être des sociétés de dépotoir et de simples marchés extérieurs.

Avons-nous cette seule et unique ambition ? Les générations futures ne nous le pardonneront pas.

Massar Fall
Africain engagé
fallmassar4@gmail.com

(Source : Seneweb, 18 avril 2009)

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