Le cloud computing ouvre-t-il un nouveau chapitre dans la révolution technologique de l’Afrique ? La question est légitime, car le cloud suscite un intérêt croissant grâce à ses nombreuses promesses. Ces dernières années, plusieurs multinationales ont en effet intensifié leurs efforts en nouant des partenariats stratégiques et en lançant de nouvelles offres pour investir dans le secteur du cloud en Afrique. Cette tendance n’est pas surprenante, car moins de 2% des données collectées sur le continent sont actuellement stockées localement. A tel point qu’en juillet 2023, Rabat a interdit l’hébergement de ses données sensibles à l’étranger.
La dichotomie entre la réalité du stockage de données africaines sur le continent d’un côté, et la tendance croissante au cloud de l’autre, atteste de la nécessité de trouver un équilibre entre les considérations économiques, le développement des compétences et par-dessus tout, le développement de l’infrastructure capable d’accueillir les données africaines.
Alors que de plus en plus d’entreprises africaines et d’organisations gouvernementales migrent vers le cloud en raison de ses nombreux avantages, cette transition n’est pas sans défis. Connectivité, compétences et sécurité des données demeurent des enjeux cruciaux, bien que les initiatives actuelles laissent entrevoir un avenir prometteur pour la transformation numérique en Afrique. Dans un contexte où la demande de services cloud ne cesse d’augmenter sur le continent, comment assurer une offre de cloud locale à la hauteur des attentes et des besoins ?
Le développement de l’infrastructure et de la connectivité, clés de voûte du développement cloud sur le continent
Moteur central de la révolution numérique, le cloud computing permet de stocker, de gérer et de traiter des données via Internet. Cette technologie repose dès lors fondamentalement sur des centres de données, ou data centers, dont l’expansion est étroitement liée à la montée en puissance du cloud. L’intégration de ces technologies et infrastructures crée un écosystème favorable à l’adoption du cloud ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour l’innovation et la croissance économique.
Fin 2020, l’Afrique comptait seulement 1,3 % des data centers mondiaux, avec la majorité situés en Afrique du Sud. Malgré le développement de ces infrastructures au Sénégal, au Bénin ou au Maroc, le continent avait besoin, en 2021, de 700 nouvelles installations selon l’Association africaine des data centers. [1] Or, actuellement, l’Afrique ne compte qu’une centaine de data centers [2], bien en deçà des prévisions de 2021.
Pourtant, le marché des centres de données en Afrique – et du cloud – est sur le point de croître de manière significative, avec une augmentation de la capacité prévue de 50% d’ici 2026. [3] Stimulée par une économie numérique dynamique et une pénétration accrue d’Internet, cette expansion doit continuer d’être soutenue par des investissements et des partenariats stratégiques à même de transformer le continent en un hub technologique dynamique et par un développement continu des infrastructures numériques.
Toutefois, pour bénéficier des avantages du cloud, il est crucial que les individus et les régions disposent de la connectivité nécessaire et donc d’infrastructures robustes et résilientes. L’Afrique reste la région du monde où la bande passante internationale est la plus faible. Selon le rapport 2021 de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), un internaute africain utilisait en moyenne un peu plus de 50 kbits, soit environ sept fois moins que son homologue européen (340 kbits/utilisateur). Le développement de la connectivité sur le continent est donc un paramètre essentiel du développement du cloud en Afrique.
A l’ère du cloud et d’une digitalisation tous azimuts, le déploiement d’infrastructures pour stocker et traiter des millions de gigaoctets de données est devenu un enjeu stratégique majeur. L’émergence d’un tissu dense de data centers sur le territoire national est fondamentale pour toute stratégie numérique et de souveraineté. De plus, il existe une corrélation reconnue entre le nombre de centres de données présents sur un territoire et le développement de son économie numérique locale. [4]. Ainsi, l’essor d’une infrastructure capable d’accueillir les données africaines et la mise en place d’une connectivité permettant de soutenir la fluidité de leur circulation reposent indéniablement sur une volonté politique forte des pays africains, traduite notamment par l’élaboration de stratégies numériques nationales.
Cependant, cet élan gouvernemental, qui doit notamment se traduire par la mise en place d’une réglementation locale adaptée, ne pourra s’affirmer sans une volonté forte des acteurs privés. A cet effet, Huawei a établi fin mai le premier cloud public dans la région Afrique du Nord, localisé en Égypte. Le choix du pays des pharaons n’est pas anodin au regard de sa stratégie numérique, de sa bonne connectivité inter-pays et de son réservoir de talents numériques important. Huawei a également annoncé son nouveau grand modèle de langage (LLM) en arabe, une étape importante pour soutenir les entreprises de la région dans la transformation numérique des industries verticales. Lors du Digital Africa Summit organisé en marge du GITEX au Maroc, Colin Hu, President of Enterprise & Cloud Business, Huawei Northern Africa, affirmait lors du Digital Africa Summit que l’Afrique entreprend un voyage transformateur vers une ère d’intelligence : “Huawei offre une proposition de valeur ‘Accélérer l’intelligence pour une nouvelle Afrique’, visant à construire de nouvelles infrastructures, développer un nouvel écosystème et créer de nouvelles valeurs aux côtés de ses clients et partenaires.” Il a également annoncé que dans les années à venir, l’entreprise collaborera avec des partenaires locaux dans d’autres pays de la région pour construire des plateformes cloud locales, tout en se concentrant particulièrement sur la formation de développeurs et de professionnels du numérique.
Un écosystème cloud local nécessite des talents “Made in Africa”
Pour développer un écosystème cloud local, il est indispensable de disposer d’un vivier de talents « Made in Africa ». Le cloud computing est amené à devenir l’épine dorsale de l’économie numérique, soutenant les activités des entreprises dans divers secteurs. Cependant, cela nécessite une main-d’œuvre qualifiée pour assurer le bon fonctionnement de ces infrastructures et technologies. En effet, à mesure que le monde se numérise davantage, la demande pour ces infrastructures augmente, et l’Afrique se positionne comme un acteur clé dans ce domaine.
Réduire le déficit de compétences en TIC est donc essentiel, la pénurie de celles-ci constituant un défi majeur en Afrique. D’ici 2030, la Société Financière Internationale (SFI) estime que 230 millions de personnes auront besoin de compétences numériques, alors que la couverture actuelle ne répond qu’à environ 5 à 10 % de ces besoins selon les pays. Pour voir émerger des initiatives de cloud et de data centers, il est crucial de disposer de ressources humaines qualifiées locales. [5]. A cet effet, de nombreuses initiatives de formation numérique ont été lancées. Par exemple, la Smart Africa Digital Academy (SADA) [6] vise à renforcer les compétences et connaissances en matière de TIC des décideurs et des gouvernements, tandis que les programmes Seeds for the Future ou la ICT Competition de Huawei en Afrique offrent des formations similaires. Ces initiatives s’alignent sur les stratégies numériques nationales afin d’améliorer les compétences professionnelles des talents locaux, de promouvoir les possibilités d’emploi et de contribuer à la croissance économique des pays.
La tendance croissante du cloud en Afrique offre des opportunités significatives pour la transformation numérique du continent. Bien que des défis subsistent, les avantages potentiels en termes de réduction des coûts, d’accès à des technologies avancées et de soutien à l’innovation sont immenses. Avec des investissements continus, des partenariats stratégiques et un accent sur l’éducation, le cloud computing pourrait jouer un rôle crucial dans le développement économique et social de l’Afrique, propulsant le continent vers un avenir numérique prometteur.
(Source : CIO Mag, 14 juin 2024)
[1] Le Point, En Afrique, le difficile défi de la souveraineté numérique, 28/02/2023
[2] Oxford Business Group, Datacentres in Africa, avril 2024
[3] Oxford Business Group, Datacentres in Africa, avril 2024
[4] L’Opinion, Data centers : Epine dorsale d’une souveraineté numérique en gestation [INTÉGRAL], 1/06/2024
[5] Le Point, En Afrique, le difficile défi de la souveraineté numérique, 28/02/2023
[6] Le Point, “Afrique numérique : comment relever le défi de la formation des jeunes”, 2023
Bande passante internationale : 172 Gbps
4 FAI (Orange, Arc Télécom, Waw Télécom et Africa Access)
19 266 179 abonnés Internet
Liaisons louées : 3971
Taux de pénétration des services Internet : 106,84%
3 opérateurs : Sonatel, Expresso et Saga Africa Holdings Limited
382 721 abonnés
336 817 résidentiels (88,01%)
45 904 professionnels (11,99%)
Taux de pénétration : 1,67%
3 opérateurs (Orange, Free et Expresso)
21 889 688 abonnés
Taux de pénétration : 123,34%
3 050 000 utilisateurs
Taux de pénétration : 17,4%
Facebook : 2 600 000
Facebook Messenger : 675 200
Instagram : 931 500
LinkedIn : 930 000
Twitter : 300 000