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La Rts ou l’hymne à la gloire du prince (2/3)

jeudi 21 août 2003

A présent que la démocratie sénégalaise est devenue grande et majeure, le fonctionnaire n’est-il pas tenu plus qu’auparavant de raisonner selon son cahier des charges objectif et explicite, c’est-à-dire écrit et ordonné sous la forme de textes réglementaires qui déterminent ses prérogatives, ses compétences, son champ d’incompétences et ses responsabilités, plutôt que d’accepter d’être l’instrument docile de l’Exécutif ? Il est vrai que l’Exécutif semble tout puissant, mais entre les institutions pérennes et les gouvernements qui passent, et les ministres qui tournent très vite, quelle est la loi du fonctionnaire ? De même qu’une république a besoin de républicains (vertueux), une administration ne peut marcher qu’avec des fonctionnaires avertis, c’est-à-dire formés aux devoirs, lois et règlements de leurs fonctions. A moins d’admettre que l’alternance a remplacé tous les fonctionnaires qualifiés et tous les professionnels rompus à la tâche par des politiciens sans grade, il faut convenir qu’il y a bien un problème majeur : une république sans républicains, une Fonction publique sans fonctionnaires. Comment sortir de ce cercle vicieux ? Le fonctionnaire, pas plus que l’Etat, le prince ou les fils, la famille ou les parents, n’est au-dessus des lois qui s’imposent à tous, sans exception. Si le président est appelé à rendre des comptes à la nation, pourquoi le fonctionnaire nommé par ce dernier aurait-il la faiblesse de se prendre pour irresponsable ?

Nonobstant toutes ces questions légitimes pour un républicain, et prenant fait et cause pour ceux qui les nomment et sans aucun égard pour la souveraineté populaire qui est tout de même à la base de toute délégation de pouvoir en république, les directeurs généraux de la Rts et du quotidien le Soleil n’ont cure de la réprobation que leur inconduite suscite au sein de l’opinion, qui traitent avec mépris les demandes de dialogue et les attentes légitimes qu’un débat contradictoire et crédible. Voilà près d’un mois et demi que les médias du service public organisent le black-out sur un fait d’opinion collective qui a commencé par un événement littéraire et journalistique pour devenir un fait de société : les médias du service public font preuve de carence pour le traitement professionnel d’une information qui défraie la chronique et bat tous les records (de vente). Si Mme Wade avait écrit un roman sur le sida, quel eût été l’accueil à la Rts et au Soleil ? Nous demandons un traitement au moins équivalent pour le livre de Latif. Pourquoi feint-on de le refuser ? En lieu et place, tous ces navets que l’on nous jette à la figure, tous ces débats convenus et toutes ces fenêtres à la télé pour les intellectuels du régime, à quoi cela rime-t-il ? Qui est responsable ? L’Etat ou le fonctionnaire ? Le président, le ministre ou celui qui interprète leurs désirs et prévient ses réactions par des initiatives sur le modèle griotique ?

La leçon des événements, c’est qu’aucun fonctionnaire ou détenteur d’autorité à un titre quelconque ne peut continuer de fonctionner à l’ancienne, c’est-à-dire sous le régime de l’irresponsabilité, selon la formule déenk koo woolu, ku la may sanxal, etc. A considérer que ces maximes fussent valables en d’autres temps, le contexte s’est modifié, et avec ceci la perception collective des actes publics des titulaires de charges. En effet, à mesure que la démocratie a commencé de se mettre en place et de glaner quelque succès, ici et là, elle a étendu son espace de manière constante et indéfinie en surmontant les traquenards et les pièges de ses adversaires de classe, et en s’introduisant partout jusque dans les consciences et les mœurs dont elle a contribué à redessiner le profil et les normes, les goûts et l’appétit. Si bien que des domaines entiers sont tombés dans son escarcelle qui étaient exclus de ses lumières et de ses visions. Après la liberté de la presse et d’opinion, la libre circulation des personnes, les libertés syndicales et le droit de fonder des partis politiques de son choix, la démocratie s’est produite chez nous en parlement en même temps qu’elle apprenait à prendre la rue grâce au Sopi ascendant, avant de gagner les avenues et les boulevards, les places (Soweto, place de l’Indépendance, etc.).

En libérant la parole des écrivains et des littérateurs, des artistes et des poètes, c’est bien elle qui a préparé dans ce pays l’essor de la Pensée sociale et philosophique critique, réuni la masse critique indispensable à la mise en accusation des fausses autorités, des impostures et des hiérarchies sociales et politiques obsolètes qui bouchent tous les pores du corps social et menacent celui-ci d’étouffement. Après que la critique sociale a pris pied dans les médias privés, et étrangers voire mondiaux, favorisant ainsi considérablement la démocratie et la culture au Sénégal même, pourquoi veut-on qu’elle marque le pas devant l’irresponsabilité des fonctionnaires et chargés de missions qui n’ont de légitimité comme délégataires d’un pouvoir qui plonge ses racines dans la souveraineté populaire.

Si donc le Dg de la Rts, et secondairement celui du Soleil, se maintenaient dans l’illusion qu’ils ne sont pas tenus par des cahiers des charges qui intègrent les droits du public à l’information et le devoir des particuliers et des groupes, sinon de simples citoyens, de les interpeller, cela ne tient pas à l’insuffisante maturité du principe démocratique, mais à la persistance de quelques îlots de bastille à prendre pour parachever les libertés patiemment conquises et cumulées par le peuple toutes sensibilités confondues. A considérer même qu’une Rts démocratisée serait un danger pour la pensée unique et les spécialistes de la propagande qui s’honorent de frelater les programmes et de biaiser les informations, on ne voit guère pourquoi la marée montante de la démocratie post-alternance devrait épargner des directeurs généraux aux ordres qui prétendent freiner la mer avec leurs bras, au lieu d’obéir aux devoirs objectifs de leurs fonctions en ouvrant la télévision sur la société véritable. Qui plus est, est-il vraiment raisonnable de mettre en balance les intérêts personnels de directeurs généraux choisis sur des critères non professionnels et le désir ardent de tout un peuple d’en savoir un peu plus sur l’actualité brûlante sénégalaise (en français et dans les langues nationales), en particulier cet ouvrage de Latif, victime des règles non écrites de la censure de la Rts et du Soleil, un ouvrage qui plane sur la Rts où il est abondamment commenté, réfuté, plagié, sans que jamais la parole ne soit donnée à l’auteur. Combien de temps ce jeu prendra-t-il que l’on soustrait un auteur et son œuvre de nos écrans et de notre radio nationale, cependant qu’on y querelle sa plume et récuse son argumentation à longueur de journée ? S’il y a eu faute, ce n’est pas à Latif qu’il conviendrait de l’imputer, mais bien à la pensée démocratique sénégalaise post-alternance en plein essor, qui lasse de l’hypocrisie ambiante et des mises en scène médiatique, a tôt fait de libérer la parole et d’inspirer des vocations de libre examen et de libre-pensée. Si Latif n’avait pas écrit cet ouvrage, un autre journaliste l’aurait fait. En fait, il est même permis de penser qu’il y en a d’autres qui arrivent, car, ainsi que l’avait perçu Durkheim : tous les cœurs vibrent à l’unisson, ce n’est pas en vertu d’une disposition spéciale (...), c’est qu’une même force les meut dans la même direction. Combien de Latif faudra-t-il dans ce pays pour que la télévision accède aux demandes du public ? Un public, qui ne l’oublions, ne réclame pas des faveurs, mais un droit constitutionnel-légal.

Au fond, que veulent les contribuables-citoyens devant le constat de carence de la Rts et du Soleil, sinon qu’on lui facilite l’accès aux nouvelles productions littéraires, scientifiques et artistiques, critiques en particulier, au travers desquelles le peuple pense son état présent et prépare son futur ? En effet, pourquoi oublier ou feindre d’oublier un seul instant la fonction civique de l’éducation morale et sociale qui est partie intégrante des missions de la Rts et du Soleil ? Si la Rts était un média privé, il ne serait venu à l’idée de personne de lui rappeler ses devoirs et missions, car le public et les téléspectateurs seraient seuls juges de l’intérêt qu’elle présente et des sanctions qu’elle mérite, assurément. Il en aurait été de même si cette société nationale s’était confondue à un média domestique de la présidence de la République à l’image du Quotidien de la République. Il n’y aurait eu alors rien à redire, et ni le public ni les professionnels de l’information n’en auraient perdu le sommeil pour des raisons évidentes ; mais il se trouve qu’une nation est une volonté organisée sinon un projet moral et politique irrépressible qui cherche à exprimer son destin par des pensées et des actes, des institutions et des créations qui lui renvoient l’image d’elle-même grâce à laquelle elle corrige ses fautes et soigne son image ad vitam aeternam.

C’est la raison pour laquelle le refus d’accéder aux demandes raisonnables du public à l’information contradictoire équivaut à l’oubli d’un devoir que tout citoyen a le droit de rappeler au Dg de la Rts par les méthodes qui conviennent. Car à partir du moment où les sociétés nationales - Rts et Soleil, entre autres - reçoivent des fonds publics à titre principal, avec l’obligation d’assumer des missions de service public non partisanes, le pluralisme moral, politique, partisan et politique, culturel et linguistique doit y avoir droit de cité comme une obligation, non comme une libéralité de grand seigneur, car la Constitution et les mœurs le veulent ainsi ! A l’inverse, si l’on peut comprendre que la nouvelle classe au pouvoir a jeté son dévolu sur la Rts dont elle a fait un hymne à sa gloire et la lucarne de ses exploits, il est despotique d’en expulser la société entière au nom d’un clan singulier ou du Parti dominant. Car dans une société démocratique, les débats de société et les enjeux de société sont traités sous le mode du pluralisme, non sur celui du monolithisme exclusif et accapareur. (A suivre)

Malick NDIAYE Sociologue, Ucad (Source Wal Fadjiri 21 aout 2003)

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Lire aussi :

- Rts, dernière bastille ? (1/3
- La démocratisation de la Rts est une urgence (3/3)

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