Les exonérations fiscales au Sénégal induisent un manque à gagner de 300 milliards pour l’Etat. Une manne qui pouvait servir de dynamique à l’économie nationale, en maintenant à un niveau régulier la croissance nationale. C’est le ministre de l’Economie et des Finances qui vient d’en faire la révélation. Ce dernier semble s’émouvoir de ce montant et regrette que les choses soient ce qu’elles sont en matière de dépenses fiscales.
Pourtant, le ministre et le gouvernement ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes, car ce sont eux qui sont les principaux responsables. La politique d’exonération fiscale et de réduction d’impôts est un élément essentiel d’une politique économique d’ensemble mais un levier mis à la disposition de l’Etat qui est autorisée à en user pour satisfaire une clientèle politique ou des amis investisseurs avec qui certaines hautes autorités de l’Etat ont partie liée.
Si le ministre en est arrivé a s’alarmer du niveau des dépenses fiscales au Sénégal, c’est parce qu’en réalité on n’arrive plus à faire le départ entre ce qui relève de l’application d’une politique fiscale et ce qui participe d’un processus néfaste de satisfaction d’une clientèle toujours avide de privilèges et de faveurs économiques souvent acquis au détriment de la collectivité nationale.
D’ailleurs, contrairement à la thèse soutenue par les pouvoirs publics et qui range les exonérations fiscales dans une logique d’optimisation du rendement fiscal, d’amélioration de la performance et de la transparence dans la gestion des finances publiques, tout ce qui est concédé dans les dépenses fiscales n’ont pas toujours pour objet de promouvoir les initiatives du secteur privé, de manière à rendre l’environnement des affaires beaucoup plus propice à la création d’entreprises à forte valeur ajoutée. La dépense fiscale n’améliore guère l’environnement des entreprises, elle ne participe pas, par conséquent, à l’amélioration des conditions de vies des populations.
Ce procédé accorde souvent trop de privilèges à des investisseurs qui assurent ainsi une exploitation maximale de leurs capitaux, pour leurs seuls intérêts et pour rétribuer les services de personnes haut placées dans les sphères de l’Etat. Sans considérer que le fait que la notion de concurrence saine et loyale est ignorée par de telles pratiques. Cela remet en cause et en profondeur les principes de base d’une économie ouverte et concurrentielle. Le cas de la société Sudatel qui est amplement traité dans ce dossier en est une parfaite illustration. Cette société est bénéficiaire au moins de 10 à 20 milliards des dépenses fiscales estimées à 300 milliards par le ministre des Finances pour l’année fiscale écoulée. Il y a mieux à faire que de s’apitoyer ou de verser des larmes sur le niveau des dépenses fiscales au Sénégal. Il s’agit de faire montre de responsabilité et d’une plus grande rigueur budgétaire en pensant plus à la collectivité et à ses intérêts qu’à ceux des copains et des amis.
Alioune Badara Coulibaly et Baye Makébé Sarr
(Source : La Gazette, 2 novembre 2009)
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