L’exercice de réenregistrement des cartes SIM prendra fin dans une quinzaine de jours, soit le 30 avril. Ainsi, à partir de minuit le 1er mai, tous ceux qui ne l’auront pas fait n’auront plus de carte SIM et ne pourront pas effectuer d’appels ou envoyer de messages depuis leur numéro de téléphone.
Si nombreux sont ceux qui ont déjà procédé à ce réenregistrement, il y en a d’autres qui ne l’ont toujours pas fait et les opérateurs de téléphonie mettent les bouchées doubles, frôlant même le harcèlement, selon certains, pour qu’un maximum de personnes puisse le faire avant la date butoir...
Que ce soit du côté de Mauritius Telecom, d’Emtel ou encore de Chili, les trois opérateurs de téléphonie redoublent d’efforts pour qu’un maximum de leurs clients puissent réenregistrer leur carte SIM avant l’échéance du 30 avril, sauf si le gouvernement décide finalement d’étendre le délai le jour venu. Ainsi, si l’on se base sur les derniers chiffres disponibles de l’ICTA, plus de 950 000 cartes SIM sur deux millions avaient déjà été réenregistrées à hier.
Par ailleurs, au quotidien, plusieurs détenteurs de cartes SIM - ceux qui ne les ont pas encore réenregistrable - reçoivent des messages tout au long de la journée leur demandant de le faire. Il y en a même ceux qui ont reçu des appels téléphoniques des opérateurs les notifiant qu’ils doivent le faire au plus vite.« En trois jours, j’ai reçu deux appels à des heures différentes de la journée. L’appel est court et on vous demande juste de faire le nécessaire pour enregistrer votre carte SIM, sinon celle-ci sera désactivée », explique une cliente de Mauritius Telecom.
Pour inciter encore plus de gens à accomplir leur « devoir », on propose aussi de petits « plus », comme des cashbacks de Rs 50 sur d’autres transactions. Emtel, de son côté, propose un remboursement de Rs 100 si vous vous enregistrez sur l’application blink. Mais aussi, les opérateurs de téléphonie privilégient les déplacements dans plusieurs endroits à travers l’île pour procéder à l’exercice. Cela, dans le but de toucher un maximum de personnes qui ne peuvent pas le faire en ligne, à l’instar des personnes âgées, qui pour certaines ne maîtrisent pas l’outil informatique.
En ce qui concerne ce forcing des opérateurs, nombreux sont ceux qui ne sont d’accord. Missy A. parle de pression. « Zot pa kapav fer diktater ek dimounn koumsa... » Norbert M. se sent carrément « harcelé » car il estime qu’il avait déjà donné toutes ses informations en achetant sa carte SIM.* « Alors, vous ne pouvez pas continuer à m’envoyer des messages maintenant et me dire d’aller enregistrer ma SIM... »* Gael C. explique que la liberté de chacun est bafouée. « Souvent, je reçois des messages sur mon téléphone ou même sur l’application Juice. J’ai beaucoup de questions. Pourquoi dois-je procéder à l’enregistrement de ma carte SIM alors que mon opérateur a déjà toutes les données ? » Mais surtout, dit-il, pourquoi le citoyen n’a-t-il pas le droit de décider s’il veut faire réenregistrer sa carte SIM ou non ? Vik est lui d’avis qu’il aurait fallu attendre les jugements dans les deux affaires actuellement en Cour suprême à cet effet avant d’obliger la population à s’adonner à un tel exercice.
Naazim K. pose la question de savoir pourquoi il faut enregistrer les cartes SIM et non pas les numéros de téléphones fixes, alors que d’autres, comme Jean Luc C., demandent aux banques de travailler sur une solution où les codes pourront être envoyés par courrier électronique et autres au lieu d’être envoyés par SMS, surtout pour ceux qui ne procéderont pas au réenregistrement de leurs cartes SIM.
Pour Ashvin P., par contre, le forcing des opérateurs de téléphonie et même des banques est légitime d’un point de vue commercial. « Si les opérateurs perdent 30 % de leurs clients du jour au lendemain, cela ne peut qu’impacter financièrement l’entreprise, donc cela se comprend. Mais qu’un délai ne soit pas accordé alors que la cour doit émettre un jugement, c’est de la bassesse. » Pour sa part, Hans B. soutient que les opérateurs ne prennent pas en considération les convictions de leurs clients mais feraient le « jeu » du gouvernement. « D’ailleurs, cela a été la même chose pour la presse avec les règlements de la IBA (...) et qui est pénalisé à la fin ? Les clients, bien évidemment. »
Il y a aussi ceux qui ne sont pas d’accord avec le mot « harcèlement » des opérateurs et parlent d’un devoir à accomplir. Comme Sravana S. « Je l’ai fait tranquillement. Une loi a été promulguée, je respecte cette loi... » De même pour Jean Paul L. « Je ne me sens absolument pas harcelé par ma banque quand elle me prévient que son service ne fonctionnera plus sur mon téléphone si je choisis de ne pas le réenregistrer. C’est mon choix et c’est à moi d’assumer les conséquences ! » Rhonny S. estime qu’il ne fait que respecter la loi. Laldath M. soutient pour sa part que tous ceux qui sont « honnêtes » doivent le faire, la raison avancée par le gouvernement pour le réenregistrement des cartes SIM étant le combat contre le trafic de drogue.
Toutefois, ce qui dérange certains, surtout, c’est le fait qu’il faille remettre sa photo. Mais, selon Feizal V., « en fait, nos empreintes digitales sont bel et bien fichées. Les refaire avec cette fois nos photos n’est pas quelque chose de drôle, puisque nous donnons volontiers nos photos et empreintes lorsque nous faisons une demande de visa pour le Canada, les États-Unis ou l’Australie. Leurs ambassades nous informent qu’elles peuvent utiliser et transmettre les empreintes ou autres informations y relatives à des agences de sécurité pour des besoins dont nous ne prenons même pas la peine de lire ou de poser des questions, pourvu que les visas nous soient octroyés. Alors, cette attitude de toujours défier les autorités locales n’est en fait qu’une manière de montrer ce trait de caractère et cette volonté de se rebeller, et quand la date butoir arrivera, tous ces contestataires se courberont tranquillement pour éviter d’être en situation de dysfonctionnement. Le passeport est là pour témoigner de cela... »
Parmi les témoignages recueillis via lexpress.mu, d’aucuns font également le parallèle avec ce qui s’est passé avec la vaccination contre le Covid-19, qui était obligatoire à un certain moment. « Beaucoup de personnes étaient réticentes, mais finalement une bonne partie s’est tout de même fait vacciner... »
Shelly Carpayen
(Source : L’Express, 14 avril 2024)
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