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Grand angle : Chaines de télé payantes - La parabole et… les fils perdus

jeudi 9 mai 2013

À Dakar et à l’intérieur du Sénégal, ce sont plusieurs milliers de foyers qui sont branchés aux réseaux piratés des opérateurs de télévision payante. De manière illégale et sauvage avec des installations pas du tout sécurisées, la parabole arrose les foyers. Malgré les stratégies commerciales des opérateurs, le piratage gagne davantage de terrain, rendu fécond par l’absence d’un cadre réglementaire et juridique clair. Quasiment seul dans ce secteur, le groupe Canal+ Sénégal a décidé ces derniers mois d’intensifier la lutte contre les câblodistributeurs, les consommateurs illégaux de même que les opérateurs Mmds qui « pratiqueraient une concurrence déloyale ». Voyage dans un business illégal qui semble légitimé, voire légalisé.

La télévision illégale inonde les foyers sénégalais avec des images qui…tombent du ciel. Dans la petite cour d’Amadou [1], des câbles pendouillent ça et là attachés par des bouts de scotch tels des cordes à linge. Chaque mois, ce quadragénaire paye 3000 FCFA pour s’offrir le luxe de regarder quelques images souvent de piètre qualité. N’empêche, cela vaut le coup dans la mesure où il suit le derby Barcelone-Real en temps réel comme tout nanti. Normal, son câblodistributeur, le « rézoman », émet depuis plus de 500 mètres. Pourtant bien averti du caractère illégal de ce branchement anarchique, Amadou déclare : « S’abonner à Canal nous coûte très cher alors que le gars qui gère le réseau nous offre les mêmes images. Souvent il y a des problèmes avec son décodeur mais quand on n’a pas ce qu’on veut… », dit ce père de famille. Dans son quartier Fadia (Parcelles assainies), le paysage est totalement dénaturé. Inesthétique avec des fils ça et là telle une cité après un bombardement, absence de normes, anarchie, irrespect, inconscience face aux éventuels risques…, on se croirait dans un décor de film série noire. Avec des risques d’électrocution et une entrave au transport (aérien), les branchements sauvages commencent à devenir la carte postale des cités africaines. Si ce méli-mélo s’offre aux yeux de tous, il faut noter que les éventuels dégâts collatéraux n’inquiètent personne. Comme Amadou, ils sont des milliers à se connecter à ce système de branchement qui est à l’image d’une paupérisation des Sénégalais. Dans n’importe quel quartier de Dakar, rien de plus simple que de trouver une personne qui installe « Canal + pas du tout cher ». Le coiffeur du coin redirige vers son voisin boutiquier qui relie la maison du chef de quartier, ainsi va la cruche à l’eau… Ici, le système D fait office de réseau...social. Un seul abonnement peut se démultiplier vers plusieurs familles. Si le procédé est simple et devenu presque banal, il reste tout de même répréhensible. Pour les opérateurs de télé payante et l’Etat du Sénégal, les « câblos », véritables pirates urbains, sont la source d’une énorme perte. Sur les poteaux en bois de la Senelec, l’on remarque par dizaines des nœuds de câbles clandestins…trop visibles. Malgré des offres commerciales toujours plus alléchantes des opérateurs, la fraude devient plus massive et fait la résistance.

Flou chez les utilisateurs

Pour le consommateur par contre, difficile aujourd’hui de faire la part des choses entre légalité et illégalité. Pour la plupart des utilisateurs inter rogés, la même explication revient : « les rézomen travaillent avec Canal et payent chaque mois », nous dit-on un peu partout. « Nous savons que beaucoup d’utilisateurs de nos chaines piratées ne savent pas que c’est illégal », confirme Ndeye Fatou Ngom Mboup, la responsable Marketing et Communication à Canal+ Sénégal. En effet, certains trafiquants aguerris n’hésitent pas à faire croire à leurs clients que leur abonnement est officiel et qu’ils reversent à Canal des redevances. Malgré les multiples opérations coup de poing avec arrestation et saisie du matériel, la récidive est toujours là. Pour preuve, ce célèbre animateur arrêté plusieurs fois pour distribution illégale d’images. Si la bataille contre le piratage reste âpre c’est parce qu’elle nécessite beaucoup de moyens et de technologie. Malgré une prospective anti-câblos, les trafiquants réussissent toujours à décoder sans décodeur avec un marketing fondé sur le mensonge savamment distillé auprès de leurs clients. « Ce n’est pas sorcier de pirater les chaines. Il y a internet maintenant et on trouve tout le temps des astuces pour décrypter les images des grandes chaines. En plus, c’est très simple que de se procurer plusieurs paraboles avec des amplificateurs et des répartiteurs puissants », défie Assane, le câblodistributeur qui relie plusieurs cités souvent séparées par maintes routes et avenues.

Accuser les accusateurs

En revanche, si ces derniers savent parfaitement que retransmettre des films, séries et matchs protégés par le droit d’auteur est illégal ; cela ne semble pas gêner outre mesure. Nombre de ces câblos tiennent pour irrecevables les arguments de ceux qui « condamnent » le débat sur les droits et la diffusion illégale d’images. Plutôt bien informé, Assane cite : « les grands groupes comme M6, TF1 devaient s’acquitter des droits d’atterrissage alors que ce n’est pas le cas. Ce n’est pas vraiment à l’ordre du jour puisque ces groupes n’ont pas encore le droit de commercialiser ici au Sénégal. Donc on ne peut pas nous empêcher de reprendre ces images ».

Les Opérateurs Mmds [2] pires que les pirates filaires ?

Les « câblos », servent-ils simplement de chair à canon dans une concurrence qui ne dit pas son nom ? Outre ce piratage dit filaire, le gros du manque à gagner se situe dans la concurrence entre les opérateurs. « Le fait que certains de nos concurrents ne respectent pas les règles du -jeu, notamment en matière de propriété intellectuelle et de droits, nous installe dans une situation de concurrence déloyale où nous sommes dominés », peste Frédéric Bérardi, le directeur général de Canal+ Sénégal. Si l’audience de la chaîne française n’a pas faibli pour autant, elle est aujourd’hui confrontée à la concurrence du gratuit, la prolifération des « câblos », et le dumping à tout va. Il faut le dire, depuis des années, la chaine Rdv par exemple diffuse des films à succès hollywoodiens avant même leur sortie dans les salles européennes. On dirait dit que le piratage est légalisé : « les images tombent du ciel » par réseau hertzien avec des publicités obscènes au nez et à la barbe du Cnra. Car malgré le changement des décodeurs, malgré les prix cassés constamment, malgré les sempiternels avertissements contre le piratage, malgré les multiples condamnations de « câblos » ; la pratique dangereuse et illégale du piratage ainsi que la concurrence déloyale tuent des artistes, les opérateurs et…l’Etat sénégalais. Aujourd’hui, comme ultime recours, le renforcement du cadre légal pour lutter contre le piratage s’avère indispensable pour les opérateurs, mais aussi plus largement, pour tout le secteur audiovisuel. « Aujourd’hui le piratage est un fléau dans notre société dans tous les domaines où on note la présence de propriété intellectuelle et l’univers de la télévision payante n’échappe pas à cela. Nous sommes piratés au même titre que les musiciens, artistes de manière générale », regrette Ndeye Fatou Ngom, responsable Marketing et Communication à Canal+. Pour nombre de spécialistes, cette déréglementation de fait ruine tout espoir de voir un jour se développer une véritable industrie culturelle économiquement viable. Les artistes sénégalais, qu’ils soient auteurs, musiciens ou cinéastes, pourront-ils un jour vivre de leur travail si leur Etat s’avoue impuissant pour garantir la protection de leurs droits ? Sommes-nous tentés de demander. En tous les cas, ce ne sera pas pour demain si le vol et le recel des droits et autres œuvres continuent à prospérer de manière consciente et délibérée, au vu et au su de tout le monde … en toute impunité.

Dossier réalisé par Papa Adama Touré

(Source : La Gazette, 8 mai 2013)

[1] Les noms ont été changés

[2] MMDS : Microwave Multipoint Distribution System, soit « Système Distribution Micro-onde Multipoint »

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Téléphonie mobile

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(ARTP, 30 septembre 2023)

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(Datareportal, Janvier 2023)

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