Enfin ! ! !
samedi 31 janvier 2004
Le gouvernement a signifié à la Sonatel son intention de mettre fin au monopole sur la téléphonie fixe et internationale dont elle continuait à bénéficier dans le cadre de la convention de concession signée entre l’Etat du Sénégal et la Sonatel à l’occasion de sa privatisation en décembre 1997. Avec cette décision qui prendra effet au milieu de l’année 2004, le processus de privatisation/libéralisation engagé depuis février 1996 avec l’adoption de la loi ayant permis la privatisation de la Sonatel arrive à son terme. C’est le lieu de rappeler que ce processus a été conduit dans l’opacité la plus totale, en dépit du bon sens, au mépris de l’intérêt national et au-delà de l’intérêt de l’Afrique. Tout d’abord à l’époque ou la privatisation de la Sonatel a été envisagée, l’essentiel de la réflexion a été conduite par le Groupe de Recherche sur la Compétitivité et la Croissance (GRCC), une entité créée par le ministère de l’économie des finances et du plan et soutenue par les institutions de Bretton Woods qui organisa quelques réunions de concertation. Les citoyens, la société civile, les partis politiques et même le secteur privé national ont été pour l’essentiel écartés du processus qui avait à décider de l’avenir de ce secteur stratégique. Un des résultats de cette démarche a été que la dimension intégration africaine a été complètement négligée, l’option de trouver un « partenaire stratégique » parmi les grands opérateurs de télécommunications du Nord ayant été privilégiée par rapport à la création d’une société de télécommunications panafricaine dont la majorité du capital aurait été détenue par des privés africains. En lieu et place, on a préféré brader la Sonatel en la transformant en une société privée de droit sénégalais mais dont le capital était majoritairement détenu par un état étranger, à travers la société publique France Télécom. De plus, en lui accordant un monopole en matière de téléphonie fixe et internationale, l’Etat sénégalais a permis pendant sept années à un pays étranger d’exercer un monopole sur son sol en même temps qu’il interdisait toute activité en la matière à ses propres citoyens, dans un secteur aussi stratégique que celui des télécommunications, un peu comme si nous étions revenus à l’époque coloniale ! Alors qu’une concurrence totale ou limitée était introduite dans certains secteurs tels que celui de la fourniture de services à valeurs ajoutée ou encore la téléphonie mobile, ce n’est qu’en janvier 2002 qu’a été enfin créé l’organe de régulation du secteur des télécommunications que le gouvernement s’était pourtant engagé, auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), à créer au plus tard le 31 décembre 1997. De ce fait pendant plus de cinq ans aucun organe de régulation indépendant ne s’est réellement préoccupé de défendre l’intérêt collectif, de protéger les consommateurs et de faire respecter les règles d’une concurrence saine et loyale dans le secteur des télécommunications. Aujourd’hui, avec l’annonce de la libéralisation du secteur, une nouvelle ère s’annonce donc pour le secteur des Tic au Sénégal et il s’agit d’être particulièrement vigilant pour faire en sorte que les errements auxquels on a pu assiter dans le passé ne se répètent plus. Tout d’abord, comme nous n’avons cessé de le réclamer, il faut une ART réellement indépendante de tous les acteurs et dotée des moyens humains, juridiques, financiers et techniques indispensables à son bon fonctionnement. Deuxièmement, l’attribution des agréments, autorisations et autres licences exgigées des opérateurs qui veulent investir dans tel ou tel créenau doit se faire sur la base de cahier des charges clairs et précis et surtout dans la transparence la plus totale. Enfin, une stratégie nationale associant, dans son élaboration, sa mise en œuvre et son suivi, tous les secteurs de la société doit être conçue sans plus tarder. Au-delà de la création des conditions nécessaires au développement économique du secteur des Tic, elle devra avoir comme pour préoccupation essentielle le développement humain et par conséquent proposer des mesures concrètes contre les multiples dimensions de la fracture numérique pour faire en sorte que les hommes et les femmes de ce pays, dans toutes leurs diversités (jeunes, vieux, urbains, ruraux, valides, handicapés, riches, pauvres, etc.), se voient garantir un accès égal aux technologies de l’information et de la communication pour être en mesure de les utiliser et de se les approprier.
Amadou Top
Président d’OSIRIS