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En Afrique, les monnaies virtuelles se sécurisent

vendredi 2 juin 2017

Alors que le eDinar, première monnaie virtuelle tunisienne, fête ses 17 ans cette année et que ses concepteurs aimeraient le transformer en monnaie cryptographique au cours libre, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest réfléchit à lancer, elle aussi, sa crypto-monnaie. De son côté, l’Afrique de l’Est, Kenya en tête, a vu proliférer les entreprises dans ce domaine depuis quelques années.

« 2017, l’année des crypto-monnaies en Afrique », prédisent plusieurs médias économiques, comme La Tribune Afrique. Et si le bitcoin en grande forme - son cours a dépassé les 1 000 dollars en janvier dernier, pour la première fois depuis 2013 - s’impose sur le continent africain, l’avenir de la monnaie cryptographique pourrait bien passer aussi par les monnaies locales.

A commencer par le eDinar, « première plate-forme de paiements électroniques en Tunisie tant par son ancienneté que par son volume », selon Moez Chakchouk, PDG de La Poste Tunisienne. Créé en 2000 par cet organisme national et le ministère tunisien des Technologies de la communication et de l’Économie numérique après une loi sur le e-commerce, le eDinar est une monnaie virtuelle indexée sur le dinar (un dinar équivaut à un eDinar) et émise par la banque centrale tunisienne qui permet aux Tunisiens de payer par carte prépayée, sur le web, dans les bureaux de tabac ou encore de retirer de l’argent dématérialisé au distributeur.

L’Afrique de l’Est pionnière dans le paiement mobile

En parallèle, certains pays d’Afrique de l’Est ont massivement investi le domaine du paiement mobile après le succès de M-Pesa, plate-forme de microfinancement et de transfert d’argent par téléphone, lancé en 2007 par l’entreprise de télécommunication Vodafone pour ses filiales kényane (Safaricom) et sud-africaine (Vodacom). « A partir de 2009, raconte Moez Chakchouk, après le succès du paiement mobile au Kenya, La Poste tunisienne a signé un contrat avec Tunisie Telecom pour introduire le paiement via un téléphone, en utilisant un compte virtuel eDinar. »

Mais, si la Tunisie est un des pays les plus modernes d’Afrique, ce n’est pas le cas partout sur la continent. Elizabeth Berthe, directrice associée du réseau Hélix, a comme ambition de « faire avancer la finance numérique en Afrique francophone ». « Tout est une question d’éducation à l’innovation, dit-elle. En Afrique, tous les clients ne sont pas assez éduqués aux pratiques du transfert d’argent par téléphone. Tout ça, c’est nouveau pour eux, donc souvent ils partagent leurs codes soit avec l’agent de l’entreprise qui gère le service, soit avec des connaissances qui vont chercher l’argent pour eux. Ce qui nous arrive dans plusieurs pays, c’est que les gens n’ont pas de système d’identification. J’ai vu en Tanzanie plusieurs personnes copier la carte d’identité d’une même personne pour avoir accès au service. »

Heureusement, « il s’agit souvent de petites escroqueries, qui concernent des petits montants », ajoute-t-elle, et « la plupart du temps, les fraudes ne viennent pas des clients mais des employés ». Néanmoins, de plus en plus d’utilisateurs africains se tournent vers les monnaies cryptographiques, comme le bitcoin, plus sécurisées grâce à leurs blockchains, les registres complexes et décentralisés sur lesquels elles reposent.

C’est le cas du eDinar. Après avoir réalisé « beaucoup d’audits et de tests de fraude » pour assurer la sécurisation de la plate-forme eDinar, La Poste tunisienne « a créé en octobre 2015, en partenariat avec une société tunisienne et une société suisse, Digicash, une nouvelle plate-forme indexée sur le eDinar mais qui fonctionne avec une blockchain, raconte Moez Chakchouk.Ce n’est pas une monnaie parce que la Banque centrale ne serait pas contente, mais un genre de eDinar qui utilise une blockchain et qui s’interface exclusivement avec le eDinar original. »

Les banques centrales trop frileuses

Mais aujourd’hui, c’est surtout en Afrique de l’Est que les crypto-monnaies se développent, assure Elizabeth Berthe, qui cite la plateforme kenyane BitPesa comme pionnière dans le domaine sur le continent africain. « Ils utilisent la blockchain pour faire des paiements parce qu’il y a beaucoup de commerce entre l’Afrique et la Chine et cela coûte moins cher de passer par de telles transactions », ajoute-t-elle. « Je leur ai demandé : "Mais comment vous faites pour transférer de l’argent en Chine alors que vous ne parlez pas chinois ?" Ils utilisent Whatsapp, ils font des tests avec de petits montants puis ils prennent confiance dans le système. »

En Tunisie, alors que l’utilisation du eDinar est déjà généralisé pour les paiements à l’université, la Poste nationale souhaite commercialiser son Digicash pour la réservation de taxis. « Aujourd’hui, nous avons les moyens techniques pour indexer le Digicash différemment du eDinar, mais la Banque centrale ne nous l’autorise pas. De plus, aujourd’hui, le dinar tunisien n’est pas convertible donc la Banque centrale ne nous autorise pas à l’utiliser hors de la Tunisie - pareil pour le eDinar et le Digicash, qui sont indexés sur le dinar. »

« Pour le moment, explique Elizabeth Berthe, les banques centrales n’ont pas de réglementations en place pour ces nouveaux systèmes. Et ce n’est pas le même contexte en Afrique qu’ailleurs, donc il est difficile pour les banques centrales africaines de voir comment une technologie qui fonctionne en Europe peut s’adapter à leurs pays. Il faut des pionniers qui commencent à utiliser les crypto-monnaies et ça arrivera pour les autres aussi. »

Pour autant, cette conseillère en management financier prévient : « Il y a un danger : le produit doit être conçu pour chaque marché, sinon, ça ne fonctionne pas ! Par exemple, quand M-Pesa s’est lancée, tout le monde a voulu copier et ça n’a pas bien fonctionné chez eux, parce que le marché est différent. Le Kenya, c’est un pays où tout le monde reste dans les maisons. Ils vivent toujours près de leur famille, donc ils s’envoient de l’argent entre eux. Dans d’autres pays, comme la République du Congo, les gens partent et donc n’ont pas cette nécessité d’envoyer de l’argent dans les campagnes. Tout le monde a voulu copier le Kenya avec exactement le même produit, or il n’avait pas le même besoin. »

« Quand j’étais à Brazzaville, poursuit-elle, j’ai regardé le règlement de la Banque centrale : ils ont fait copier-coller du règlement kenyan ! Je leur ai fait la remarque et ils m’ont répondu : "Non, non ! C’est nous qui l’avons créé !" Alors je leur ai montré : "Regardez, là vous avez même oublié d’effacer le mot ’Kenya’ !” »

Une nouvelle monnaie électronique pour l’Afrique de l’Ouest

Elizabeth Berthe fait un constat similaire concernant les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) : « Aujourd’hui, en Afrique francophone, on voit pratiquement partout le même produit. Il n’y a pas beaucoup d’innovations, de recherche sur les besoins des clients. Et quand vous parlez avec ces clients, ils aimeraient utiliser ces systèmes. Il faut parler avec eux pour savoir comment ils font aujourd’hui pour envoyer de l’argent afin de savoir comment appliquer ces habitudes avec le téléphone. »

Néanmoins, elle reconnaît la bonne volonté de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dans ce domaine, qui, « par rapport aux autres banques centrales, fait au moins un effort pour mieux comprendre le fonctionnement des monnaies virtuelles et regarde ce qu’il se passe ailleurs ».

L’année 2017 doit d’ailleurs voir apparaître une nouvelle monnaie en Afrique de l’Ouest. Lancée par la start-up irlandaise eCurrency Mint Limited et émise par la Banque régionale de marchés (BRM), basée à Dakar, elle concernera le Sénégal dans un premier temps, puis tous les pays de l’UEMOA. Présentée sous le nom eCFA, elle ne devrait pas porter ce nom, la BCEAO ayant refusé cette appellation pour éviter la confusion avec le franc CFA, et parce que, selon la BRM, « la BCEAO n’émet pas de monnaie électronique ». Pour le moment, la BCEAO ne souhaite pas communiquer sur cette monnaie. RFI a également tenté de contacter eCurrency Mint Limited et BRM, sans réponse.

Quel niveau de sécurité pourrait avoir une telle monnaie ? Edwige Morency, formateur en technologies Bitcoin et cofondateur d’Eureka Certification, est sceptique : « Il me semble qu’effectivement, ils font appel à une blockchain mais ça risque d’être une blockchain de consortium, déplore-t-il. Il faut être très vigilant : lorsqu’on dit qu’on va utiliser une blockchain, on n’aura pas forcément toutes les propriétés de la blockchain Bitcoin. Il y a beaucoup moins de nœuds validateurs que sur un réseau Bitcoin, par exemple. Pour faire tomber tous les nœuds Bitcoin, il faut y aller ! Pour faire tomber la dizaine de nœuds d’un consortium, ce n’est pas bien compliqué. »

Le spécialiste et fervent défenseur du Bitcoin poursuit : « On dit qu’une donnée est sécurisée quand les moyens à mettre en oeuvre sont exponentiellement plus élevés que la valeurs exploitables de la donnée, que ça soit en accès ou en corruption. Donc, dès lors que vous aurez une incitation financière sur le “ eCFA ”, automatiquement, on va avoir des hackers qui vont vouloir pirater le système - exactement comme sur Bitcoin d’ailleurs. Sur Bitcoin, il y a énormément à gagner mais pour arriver à casser le système, les moyens à mettre en oeuvre sont très élevés. Là, si vous partez sur un consortium, on retrouvera les points de défaillance traditionnels d’un réseau centralisé. »

Kevin Poireault

(Source : RFI, 2 juin 2017)

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