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Économie politique de la coupure d’internet

samedi 10 février 2024

Pour la deuxième fois en moins d’un an, l’Etat du Sénégal, dans le souci de prévenir des messages de haine susceptibles d’engendrer des violences, a procédé à la coupure des données cellulaires de l’internet. Cette mesure pour utile quelle puisse être considérée à certains égards, présente de nombreux enjeux économiques et sociaux dans un contexte marqué par une montée en puissance des technologies de l’information dans la création de richesses. Selon des données de l’ANSD, la part de ce secteur est passée de 3,6% du PIB en 2014 à 10,5% en 2022. Les IT qui ont connu une hausse de 18% dans la même période emploient plus de 350.000 personnes en 2022 de manière intrinsèque sans compter leur transversalité interbranches et leur dimension socialisante.

Dans une telle situation, la suspension de l’internet est pour le moins préjudiciable pour tous les travailleurs sénégalais qui en dépendent. Il s’agit notamment des agents de transfert d’argent, des professionnels de la presse, des sénégalais de la diaspora, des opérateurs de services IT, des employés de centres d’appel et des télétravaileurs devenus une masse importante d’actifs depuis l’apparition de la COVID. En particulier, des étudiants désormais ancrés dans l’apprentissage en ligne sont condamnés à l’inoccupation totale après la fermeture de l’UCAD. L’internet est surtout un puissant facteur de productivité du travail qui concourt à la maîtrise des coûts pour le secteur productif. Dans une autre perspective, les ménages et les nombreux jeunes sans emploi qui utilisent leurs smartphones disposaient d’un outil compulsif de loisirs et de communication qui tient lieu d’exutoire à la pauvreté et son corollaire, l’oisiveté. Les résultats allégués par les gouvernants se limitent à rendre impossibles les communications entre casseurs et messagers de la haine. Or, les malveillants attirés par la violence se voient privés du réseau internet alors qu’ils disposent de la possibilité de communiquer par le téléphone.

À cela s’ajoute l’absence de mesures conservatoires pour accompagner la décision des autorités.

Il convient de rappeler que de nombreuses tensions et destructions de biens publics sur fond de convergence revendicatrice ont eu lieu au Sénégal par le passé sans internet. C’était le cas en 1988, quand le Président Diouf s’en prenait aux étudiants qu’il qualifia de « jeunesse malsaine » venus en masse saboter son meeting à Thies. En mai 68, les forces estudiantines se sont mis à tout casser pour avoir ce qu’elles voulaient sans un coup de clic. La grave crise entre le Sénégal et la Mauritanie a eu lieu sans l’économie numérique en 1989. Enfin, la violente grève des policiers en 1987 n’avait aucun message relayé par les réseaux sociaux.

Un peuple mécontent de ses dirigeants n’a donc nullement besoin de l’informatique pour crier sa colère.

Au regard de tous ces facteurs, la suspension d’internet présente plus d’effets négatifs que positifs.

La radicalité de la décision s’ajoute à l’impréparation des personnes affectées par la mesure qui non pas pu prendre les dispositions utiles pour se prémunir des conséquences néfastes pour leur activité.

Au surplus, la suspension de la connexion risque d’être un facteur d’exacerbation des tensions chez les jeunes et les ménages qui subissent déjà la double peine de ce qu’ils considèrent comme une privation de leur choix électoral et de leur loisirs. Qui plus est, les perspectives de développement des objets connectés et des applications numériques qui se présentaient sous de bons auspices avec les avantages du Sénégal risquent de tourner à la déception à cause de la nouvelle propension des autorités à suspendre le réseau. Nous sommes donc selon toute vraisemblance en présence d’une mesure économiquement pénalisante, socialement injuste, politiquement contreproductive et périlleuse pour les gouvernants, les bénéfices attendus étant inférieurs aux pertes subséquentes pour la société.

En définitive, couper internet revient à couper la productivité du travail, couper le travail de ceux qui en vivent, couper la chasse à l’oisiveté, couper l’enseignement supérieur et …se couper des victimes de cette coupure dont les jeunes.

Patience à tous les sénégalais affectés par ces abus. Elon Musk propose bientôt de nous connecter à son système Starlink qu’aucun dirigeant anti-connexion ne pourra déconnecter.

Abdoulaye Ly

(Source : WhatsApp, 10 février 2024)

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INTERNET EN CHIFFRES

- Bande passante internationale : 172 Gbps
- 4 FAI (Orange, Arc Télécom, Waw Télécom et Africa Access)
- 19 266 179 abonnés Internet

  • 18 595 500 abonnés 2G+3G+4G (96,58%)
    • 2G : 12,95%
    • 3G : 24,60%
    • 4G : 62,45%
  • 334 642 abonnés ADSL/Fibre (1,71%)
  • 334 875 clés et box Internet (1,71%)
  • 1162 abonnés aux 4 FAI
  • Internet fixe : 1,74%
  • Internet mobile : 98,26%

- Liaisons louées : 3971

- Taux de pénétration des services Internet : 106,84%

(ARTP, 30 septembre 2023)

- Débit moyen de connexion mobile : 23, 10 Mbps
- Débit moyen de connexion fixe : 21, 77 Mbps

(Ookla, 31 janvier 2023)


- 9 749 527 utilisateurs
- Taux de pénétration : 56,70%
(Internet World Stats 31 décembre 2021)


- + de 10 000 noms de domaine actifs en .sn
(NIC Sénégal, décembre 2023)

TÉLÉPHONIE EN CHIFFRES


Téléphonie fixe

- 3 opérateurs : Sonatel, Expresso et Saga Africa Holdings Limited
- 382 721 abonnés
- 336 817 résidentiels (88,01%)
- 45 904 professionnels (11,99%)
- Taux de pénétration : 1,67%

(ARTP, 30 septembre 2023)

Téléphonie mobile

- 3 opérateurs (Orange, Free et Expresso)
- 21 889 688 abonnés
- Taux de pénétration : 123,34%

(ARTP, 30 septembre 2023)

FACEBOOK

3 050 000 utilisateurs

Taux de pénétration : 17,4%

- Facebook : 2 600 000

- Facebook Messenger : 675 200

- Instagram : 931 500

- LinkedIn : 930 000

- Twitter : 300 000

(Datareportal, Janvier 2023)

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