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Développement des industries créatives et culturelles : Les acteurs entre informel, souci de financements et éclosion numérique

dimanche 28 juin 2020

Défaut de formalisation, d’organisation, difficultés d’accès au financement, etc. Ce sont, entre autres, les écueils auxquels font face les acteurs sénégalais des industries créatives et culturelles, face à l’expansion des outils de diffusion numérique. Des challenges qui font que le secteur peine à être un levier de développement économique du pays et notamment pour la relance post-Covid-19.

La culture peut être considérée comme un vrai levier de développement, si elle est bien organisée, structurée, avec les financements qu’il faut. En Afrique, sa contribution au produit intérieur brut (PIB) est à peine de 3 %. Au Nigeria, même avec Nollywood qui est le deuxième employeur du pays, qui génère entre 500 et 800 millions de dollars par an en production cinématographique, la contribution des industries créatives au PIB n’est que de 2 %. Mais au Sénégal, il est difficile, jusque-là, d’établir des statistiques sur la part du secteur dans l’économie nationale. ‘’Un peu partout en Afrique, la musique bouillonne, de même que l’industrie audiovisuelle. Mais nous avons remarqué que le secteur est gangrené par l’informel. La plupart des acteurs ne sont pas dans des structures formelles. C’est la raison pour laquelle les gens retrouvent difficilement les statistiques sur la culture. Mais il y en a qui s’en sortent. Il y a des gens qui savent que pour participer au développement d’un pays, il faut être formel, s’organiser et que les choses se fassent dans les règles de l’art, pour qu’on puisse développer un business durable’’, explique la patronne de Prince Arts, Ngoné Ndour, jointe au téléphone d’EnQuête.

D’après cette productrice de musique, de jeunes talents sortent des œuvres tout le temps. ‘’Mais cela s’arrête là. Peut-être au bout d’une année, ces artistes-là n’auront pas assez de moyens pour pouvoir continuer leur carrière. Mais quand on est dans une structure formelle, on est obligé de mettre une stratégie pour que l’entreprise puisse exister et perdurer’’, témoigne-t-elle.

Comme Ngoné Ndour, le réalisateur de ‘’Tundu Wundu’’ et de ‘’Dérapages’’ soutient que la culture est un moyen pour promouvoir le Sénégal. ‘’Pour les séries télévisées, l’offre n’était pas adéquate par rapport au public. On a des consommateurs qui sont friands d’un certain type de produit. Il y a quelques années, les productions n’étaient pas destinées à la consommation de masse. C’était des productions de prestige. Mais depuis ces dernières années, on a constaté qu’il y a des productions qui intéressent les populations’’, dit Lahad Wone.

Pour le réalisateur, Il n’y a pas de secret. Si le produit est en ‘’adéquation avec la demande’’, il y aura des millions d’entrées. ‘’Si on donne au public quelque chose qui l’intéresse, le secteur peut se développer rapidement d’ici quelques années. Le problème est plus éditorial que structurel. Tout le monde ne peut pas faire des films qui sont à la hauteur, pour des festivals. Un produit audiovisuel ou cinématographique, comme tout autre produit, doit satisfaire une certaine demande’’, ajoute-t-il. Toutefois, M. Wone est optimiste et assure que le secteur est sur la ‘’bonne voie’’. Et, croit-il, l’expérience de certaines boites montre que c’est peut-être la voie à suivre, comme le Nigeria l’a fait. Pour lui, le problème n’est pas seulement lié aux infrastructures. ‘’Au début, on disait qu’il n’y avait pas de salle de cinéma. Maintenant, on en a au moins trois et ce n’est pas pour autant que les choses ont évolué. Donc, le souci se trouve ailleurs. Est-ce que les gens sont en train de produire des films ou séries pour attirer un public qui paie 1 000, 1 500 F CFA pour les voir ?’’, se demande-t-il.

Le casse-tête de l’accès aux financements

Au-delà de l’équation de l’organisation du secteur, de la qualité des produits mis sur le marché, Ngoné Ndour a, par ailleurs, fait comprendre que le plus gros souci pour les acteurs évoluant dans les industries culturelles et créatives, est le manque de ressources financières. ‘’Au niveau des institutions financières, il y a un manque de confiance vis-à-vis des entreprises culturelles. Même au niveau de Prince Arts, c’est vraiment exceptionnel de trouver un financement auprès de ces dernières. C’est un secteur instable et elles ne prennent pas de risque. Cet écueil retarde le développement de ce secteur. Donc, beaucoup de structures qui existent en Afrique travaillent sur fonds propres’’, confie-t-elle.

Ainsi, pour avoir ces fonds, ces entreprises essaient de sortir des œuvres qu’elles vendent. Et aujourd’hui, pour y arriver, la patronne de Prince Arts souligne qu’il faut ‘’oublier’’ tout ce qui est analogique. Car les cassettes et les CD n’existent plus. ‘’Les gens se rabattent sur le numérique et là, on ne peut pas jauger ce qu’on va avoir. On sort son produit et le paiement n’est pas rentable’’, soutient-elle.

Beaucoup des problèmes du secteur culturel découlent de son manque d’organisation. Ngoné Ndour trouve que si un secteur est ‘’très bien organisé’’, c’est parce que les gens qui le constituent sont ‘’très bien formés’’. Or, elle rappelle que dans le secteur de la musique au Sénégal, la majeure partie des artistes ‘’ne sont pas formés’’. ‘’Ils ne sont pas instruits. Mais vu les dernières évolutions, cela bouillonne. Et pour promouvoir le secteur, il faut que les gens prennent le risque et que l’Etat aussi puisse mettre des mécanismes nécessaires tels que les fonds de garantie afin que les institutions financières puissent mettre à la disposition des artistes des crédits et qu’ils en profitent pour mieux investir et développer leur business’’, suggère-t-elle.

En réalité, si les banques n’accordent pas de financement à ces acteurs des industries créatives, le réalisateur de ‘’Tundu Wundu’’ estime que c’est parce qu’elles ne connaissent pas encore les acteurs. ‘’Pour avoir un crédit, c’est presque impossible au Sénégal. J’ai eu à le tenter plusieurs fois. Mais, d’un côté, je comprends les banques, parce qu’ils n’ont pas de chiffres réels pour pouvoir nous juger. On ne peut pas dire qu’on prête de l’argent à quelqu’un pour faire un film sans être sûr que le film sera vendu après et qu’il sera rentable’’, argue Lahad Wone. Selon lui, dès qu’ils arriveront à une ‘’transparence’’, ou à attirer des publics avec des éléments concrets, les institutions financières pourront leur prêter de l’argent. ‘’C’est un secteur un peu aléatoire pour l’instant. Donc, c’est à notre niveau qu’on doit s’organiser pour donner des chiffres aux banquiers pour qu’ils soient rassurés. Ce qui peut être des preuves par rapport à notre rentabilité. D’ici quelque temps, les banquiers vont comprendre avec les séries, car c’était nouveau pour eux’’, prédit-il.

Ainsi, M. Wone relève que le seul circuit de financement qui existe maintenant, pour eux, ce sont les subventions, les fonds étrangers, le Fopica, la Francophonie, etc. ‘’Même si c’est le parcours du combattant, parce que cela prend énormément de temps pour l’avoir. Nous, nous sommes adaptés au contexte. Le sponsoring nous permet également de financer nos productions’’, dit-il.

Une musique qui s’exporte difficilement

Pour participer au rayonnement de l’économie nationale, les produits des industries créatives ont également besoin d’être consommés au-delà de leur pays. Cependant, d’après Ngoné Ndour, la musique sénégalaise a ‘’des difficultés pour s’exporter’’, quand on la compare avec la musique nigériane. ‘’La musique sénégalaise se vend plus autour de la communauté sénégalaise qui est à l’étranger. Maintenant, chaque chose en son temps. On a notre mbalax, notre musique pure qui est notre identité et qu’on ne peut pas juste prendre pour dire que la musique sénégalaise n’est pas exportable. Je pense qu’il faut la travailler et peut-être que ce n’est pas encore le moment, pour amener certaines communautés à la consommer’’, regrette la productrice. Or, elle signale qu’il y a plein d’artistes qui essaient de toucher d’autres sonorités pour un public beaucoup plus large. ‘’La génération qu’on a aujourd’hui, aime les sonorités diversifiées autres que le mbalax. C’est vrai aussi qu’il y a beaucoup de déchets et du n’importe quoi qui sort. Mais il faut y travailler sérieusement et il y a des professionnels qui peuvent ouvrir de bons canaux pour que notre musique puisse être consommée à l’étranger. Parce que c’est un problème de consommation. On a une musique un peu brouillon qui est, malgré tout, populaire au Sénégal’’, poursuit-elle.

Pour ceux qui ont pu réussir des choses à l’étranger, d’après elle, c’est parce qu’ils ont pu faire beaucoup de collaborations. ‘’C’est comme cela qu’on touche tout le monde. Malheureusement, actuellement, ce qui est un peu dommage, c’est que les jeunes artistes manquent de collaboration. Par exemple, avec la musique nigériane, il y a beaucoup de duos, de reprises, les musiciens collaborent beaucoup. A ce niveau, au Sénégal, il reste énormément de choses à faire. Il y a une méfiance qui est là autour des artistes. Or, cela ne fait pas progresser la musique. Chacun est dans son coin essayant de faire quelque chose. Même à partir d’une collaboration, on peut faire exploser sa carrière. D’autres peuvent faire des collaborations locales qui peuvent être intéressantes’’, analyse Ngoné Ndour.

Saisir les opportunités du numérique

Malgré ces difficultés, ces acteurs peuvent cependant se rabattre sur le numérique pour vendre leur art. Et M. Wone trouve que c’est un outil ‘’extraordinaire’’ qui démocratise leur travail. ‘’Quand je commençais, il y avait une salle de montage et cela coûtait excessivement cher. Là maintenant, les maisons de production, les réalisateurs peuvent rester plus de temps en montage. On peut acheter moins cher une caméra et on n’a pas besoin de faire des pellicules ou d’envoyer cela en France. Donc, le numérique nous permet de nous exprimer. Et tous les jours, beaucoup de gens sont en train de produire du contenu’’, note le réalisateur.

Mai, il relève qu’il y a aussi des inconvénients. D’après lui, tout le monde peut ‘’se penser réalisateur, producteur’’. Car l’outil est accessible. ‘’Cependant, à la fin, pour faire un bon produit, il faudra la même rigueur, le même professionnalisme, quel que soit le matériel ou la technologie. Cela facilite les choses, mais ne garantit pas la qualité. Si le scénario est mal écrit, il n’y a rien à faire. On n’aura pas un bon rendu. Si on atteint un certain nombre de vues, la diffusion en ligne peut être rentable. Le problème qu’on a le plus avec les séries, c’est les diffuseurs. Quand les diffuseurs n’achètent pas les droits, les producteurs sont laissés à eux-mêmes’’, déplore Lahad Wone. Qui souligne que dans les autres pays où les choses fonctionnement normalement, les gens procèdent par préachat. Ils donnent de l’argent au producteur pour faire un film. ‘’Au Sénégal, il n’y a pas de chaine qui participe à la production. Il faut adapter, en fonction du contexte, le niveau de production. Mais avec la concurrence, les gens mettent de plus en plus d’argent’’, dit-il.

Mariama Diémé

(Source : Enquête, 28 juin 2020)

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