A la fin du mois août 2019, l’approche de l’échéance pour le remplacement des permis de conduire papiers par des permis de conduire biométriques au format carte de crédit a créé un rush extraordinaire dans le principal centre d’enregistrement ce qui a conduit les autorités à prolonger l’opération jusqu’à la fin de l’année 2019. Le processus de remplacement des permis de conduire par des permis de conduire biométriques prend place avant le processus à venir de remplacement des cartes crises et des plaques d’immatriculation des véhicules et vient après la mise en circulation des cartes d’électeurs biométriques, des cartes nationales d’identité biométriques et des passeports biométriques. Lors du lancement de chacune de ces opérations de modernisation des pièces d’identification, l’argument massue qui a été régulièrement mis en avant par les autorités a été celui de la fiabilisation et de la sécurisation de ces différents types de documents du fait de l’impossibilité de leur falsification et/ou de leur reproduction. Cependant, personne ne semble s’être posé la question de savoir à partir de quel type de document de base on établissait la majeure partie de ces documents officiels sensées devenir infalsifiables. Le fichier de base qui permet à tout nouveau-né de devenir un citoyen, avec des droits et des devoirs, n’est rien d’autre que le fichier de l’Etat civil. Paradoxalement, personne ne semble se préoccuper sérieusement de la fiabilité de ce fichier, où plutôt de cet ensemble de fichiers, que constitue l’Etat civil. Or, chacun sait qu’au Sénégal en partie et en Afrique d’une manière générale, c’est un des dispositifs qui est le moins sérieusement géré et contrôlé et qu’il n’est pas compliqué de « renaitre » plusieurs fois, notamment pour diminuer son âge réel, afin de remplir les conditions pour s’inscrire à l’école, passer un examen scolaire, passer un concours administratif, jouer dans une catégorie sportive, tenter de faire une carrière sportive internationale, etc. La véritable question qui mérite d’être posée est de savoir comment peut-on continuer à laisser les collectivités locales, globalement dépourvues de moyens humains, matériels et financiers, gérer un fichier aussi critique pour la Nation que l’Etat civil ? La gestion actuelle de l’Etat civil, pleine d’amateurisme et de laxisme, a pour conséquence que chaque année des milliers d’enfants font face à des problèmes à la veille de passer un examen parce qu’ils n’ont pas été enregistrés à l’Etat civil ou pire parce qu’ils sont nés une seconde fois entre deux examens, sans parler des milliers de sénégalais et sénégalaises qui doivent recourir à la justice afin d’obtenir des jugements rectificatifs afin de corriger les erreurs relatives à leur lieu de naissance, à leur prénom, à leur nom de famille où à leur filiation. Et pourtant tout cela aurait pu être évité si l’Etat avait sérieusement pris ce chantier à bras le corps en décidant de créer un fichier national de l’Etat civil hautement sécurisé qui aurait fait des collectivités locales des utilisatrices de ce fichier ayant la responsabilité d’y entrer les données. Une fois renseigné, ce fichier aurait permis la délivrance de documents d’Etat civil quel que soit le lieu où l’on se retrouve, sur le territoire national ou à l’étranger. Afin d’éviter les erreurs que l’on retrouve le plus souvent dans les actes d’Etat civil, celui-ci aurait pu reposer sur une série de listes d’autorité comportant une série de transcriptions homologuées. Qu’il s’agisse des appellations de l’ensemble des localités du Sénégal et des différents niveaux de découpages administratifs auxquels elles sont rattachées (région, département et arrondissement), les prénoms les plus usités ainsi que les noms de famille. Ce fichier national de l’Etat civil, fiabilisé et sécurisé avec notamment l’utilisation de la technologie blockchain, serait accessible par l’ensemble des centres d’Etat civil du pays ainsi que le réseau des représentations diplomatiques sénégalaises à l’étranger, afin que ces structures soient à même de délivrer des actes d’Etat civil aux intéressés à travers un service de proximité. Si des frais de délivrance devaient être perçus, afin de ne pas priver certaines collectivités locales dépourvues de moyens de cette source de revenus, ceux-ci pourraient être reversés, selon une clé de répartition à définir, entre le centre d’Etat civil où la naissance du demandeur aurait été enregistrée et la structure qui aurait délivré l’acte d’Etat civil. Une fois cet instrument en place, nous pourrions enfin avoir des garanties quant à la fiabilité de l’ensemble des documents d’identification dont la production dépend, en amont, de l’Etat civil. Comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, il urge de doter le pays d’un fichier national d’Etat civil digne de ce nom.
Amadou Top
Président d’OSIRIS
Bande passante internationale : 172 Gbps
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