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Code des marchés publics : La grande désillusion

mercredi 20 octobre 2010

Le décret n° 2007-545 du 25 avril 2007 portant Code des marchés publics (Cmp) a été accueilli par les différents acteurs [1] comme une avancée permettant de transcrire, dans les textes législatifs et réglementaires, l’attachement du Sénégal ‘... à la transparence dans la conduite et la gestion des affaires publiques’ (Préambule de la Constitution). Contexte du Cmp de 2007

En effet, le reproche essentiel fait aux Codes antérieurs était l’absence de transparence. Pour rappel, le décret n° 82-690 du 7 septembre 1982 portant Code des marchés publics avait institué une Commission nationale des contrats de l’administration (Cnca), qui exerçait ses activités de contrôle de manière quasi-clandestine. Le décret n° 2002-550 du 30 mai 2002 n’a pas fait mieux dans ce domaine. Après plusieurs mois de gestation, le Code de 2007 a été enfin adopté. Certains observateurs avaient vu dans le retard apporté à son adoption, des manœuvres inavouées.

Avancées du Cmp de 2007

Le Cmp de 2007 a non seulement enclenché le processus de modernisation du droit de la commande publique, mais a facilité la saine concurrence entre les candidats en s’inscrivant dans une perspective communautaire. Le système de contrôle a priori et a postériori qui a commencé à fonctionner à partir de janvier 2008, a notamment permis à l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) de rendre 75 décisions en 2008, 111 en 2009 et 137 au 24 septembre 2010 (Voir site de l’Armp http://www.armp.sn/documents.php?in... consulté le 10 octobre 2010). A ces décisions qui ont permis d’exclure certaines personnes de la commande publique, l’Armp a aussi sanctionné différentes irrégularités, émis des avis et engagé des audits, conformément aux dispositions du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant organisation et fonctionnement dudit organisme. Les poursuites sont toujours attendues suite à certaines pratiques constatées par les auditeurs et rendues publiques dans un souci de transparence.

Le nouveau Cmp a notamment réduit comme une peau de chagrin, les marchés ‘de gré à gré’ que l’on a préféré nommer de manière plus civilisée ‘marchés par entente directe’. En effet, selon le Directeur général de l’Armp, ‘il y a eu 290 plans de pas¬sa¬tion de mar¬chés pu¬blics pu¬bliés en 2009 et seuls 125 mar¬chés, soit 8 % de l’en¬semble, ont été pas¬sés par en¬tente di-recte’ (http://www.afriqueavenir.org/2010/0...). On peut, avec de tels résultats aussi positifs, se demander pourquoi réformer un tel texte qui a apporté beaucoup de satisfaction ?

Réformer, oui, mais...

Dans un tel contexte, la démarche la plus sage est celle qui aurait dû consister à raffiner le système national de passation des marchés publics qui était sur le point d’atteindre sa maturité. C’est ce à quoi l’Armp s’est attelée en mettant en place un Comité de lecture pour le toilettage du Cmp et en confiant un tel travail à un consultant. Car, elle est chargée ‘d’identifier les faiblesses éventuelles du Code des marchés et (de) proposer, sous forme d’avis, de proposition ou de recommandation, toute mesure législative, réglementaire, de nature à améliorer le système, dans un souci d’économie, de transparence et d’efficacité’ (article 2.1 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007). La voie choisie par les autorités est malheureusement aux antipodes d’un système correspondant aux principes contemporains de la commande publique. C’est la procédure de passation du contrat où l’obligation de transparence est la plus pesante qui vient d’être largement remise en cause.

Le désossement des organes de contrôle

Ce n’est qu’avec consternation que l’on peut accueillir les nouvelles modifications du Code des marchés publics. En réalité, il aurait été préférable de parler d’un nouveau Code des marchés publics.

C’est la troisième modification du Cmp après moins de deux ans de mise en œuvre [2]. Si les deux premières étaient essentiellement techniques, la troisième porte sur la substance du Cmp et résulte du décret n° 2010-188 du 13 septembre 2010, publié au journal officiel, le même jour. Elle crée un déséquilibre dans le dispositif mis en place à partir de 2007.

L’article premier précise que 53 articles ont été modifiés. Il faut aussi tenir compte du fait que l’appel d’offres sur concours a été introduit à côté des autres types d’appel d’offres (articles 74 bis et 74 ter) et que les conditions applicables aux appels à manifestation d’intérêt ont été précisées (articles 80 bis et 80 ter). Ce qui fait un total de 57 articles pour un texte qui en comporte 152.

Dans notre propos, il ne s’agira pas de mettre l’accent sur l’apport de cette modification au regard du travail important de dépoussiérage effectué par l’Armp. Il s’agit simplement de voir comment, à travers la modification de certaines dispositions du Cmp, le processus de commande publique risque de redevenir arbitraire.

Le rapport de présentation du décret est très clair sur l’intention des autorités. Un motif déterminant est évoqué et un second qui aurait dû être le principal, mais qui est noyé dans le désir des autorités de distraire les marchés sensibles du champ d’application du Cmp. Pour les autorités, il s’agit de ‘soustraire les marchés de la présidence de la République et des ministères de souveraineté du champ du Code des marchés publics....’ et, subsidiairement, ‘de clarifier les modalités d’application de certaines dispositions du Code des marchés publics. Dans notre démarche aussi bien la lettre que l’esprit du texte coïncident’. C’est ce qui a été confirmé par le Premier ministre, suite à l’interpellation du Représentant de l’Union européenne au Sénégal [3].

Désormais, rien n’empêche de faire la distinction entre les ‘marchés du chef de l’Etat’ et ‘les marchés du Premier ministre’.

Marchés à la discrétion du chef de l’Etat

Si les deux premiers paragraphes de l’article 2 relatifs au champ d’application du Code permettent une meilleure mise en forme du Code, l’article 2.3 annonce les intentions des autorités et le ‘détournement de pouvoir’ opéré dans le cadre de la refonte du Cmp. Le Cmp a créé une typologie à travers les marchés ‘Sécurité Etat’, ‘Secret Défense’ et ‘Secrets’.

En associant les marchés ‘Sécurité Etat’ à ceux qui doivent être exécutés dans l’espace de la présidence, la marge de manœuvre accordée aux autorités s’élargit (article 3.1), le décret ayant une conception extensive de la notion de sphère présidentielle. Les marchés secrets défense sont mieux définis. Au passage, comme on est dans le domaine du culte du secret, les autorités auraient même pu citer dans les visas, le décret n° 2003-512 du 12 juillet 2003 relatif à l’organisation de la protection des secrets et des informations concernant la Défense. Quant aux marchés secrets, le décret est resté secret sur la définition. En dehors de cette question définitionnelle, c’est surtout deux autres questions qui heurtent le bon sens et la transparence.

L’article 3.2 en son paragraphe 2 in fine ajoute que le chef de l’Etat est la seule autorité habilitée à qualifier ces différents types de marchés. Au lieu d’être dans le cadre d’un pouvoir discrétionnaire, on est en face d’un véritable pouvoir arbitraire. Le pouvoir discrétionnaire ne doit être exercé que selon des motifs valables et ce n’est pas le cas en l’espèce. L’article 76 a) du Cmp qui vient d’être modifié, offrait toutes les garanties pour la passation par la procédure de l’entente directe des marchés ‘considérés comme secrets ou dont l’exécution doit s’accompagner des mesures particulières de sécurité lorsque la protection de l’intérêt supérieur de l’Etat l’exige’.

Le second élément concerne l’article 3.2 paragraphe 3 par lequel on se demande si on est encore dans un Etat de droit, à moins de parler d’Etat légal. En effet, chaque année, le Premier ministre et les autres ministres adressent un rapport des marchés dérogatoires au président de la République avec indication de l’état d’exécution. Dans ce cas, qui va adresser au chef de l’Etat le rapport portant sur les marchés de la sphère présidentielle ? Ce qui est grave, c’est que la seule autorité de contrôle est le chef de l’Etat qui sera sollicité en permanence afin de faire bénéficier à certains marchés, un régime plus qu’exorbitant de droit commun.

La Direction centrale des marchés publics (Dcmp) qui exerce le contrôle a priori est composée de fonctionnaires compétents dont le seul souci est le respect de la légalité. L’Armp, chargée du contrôle a posteriori, exerce ses activités en toute indépendance, comme elle l’a prouvé avec l’affaire Global Voice. Il ne faut pas oublier que les agents d’enquête agissant sous l’autorité de l’Armp prêtent serment devant le Tribunal régional après leur nomination. Ce qui constitue une formalité substantielle et aussi un gage de leur honnêteté présumée.

Marchés à la discrétion du Premier ministre

L’article 76 d) constitue la seconde entorse à la règle de la transparence. En effet, les marchés classés pompeusement de ‘priorité urgence absolue’ par le Premier ministre échappent à l’obligation d’appel à concurrence. Ils font seulement l’objet d’une autorisation expresse du Premier ministre et font l’objet d’un timide contrôle a posteriori. L’organe de contrôle devant se limiter à faire des observations sans avoir la possibilité de suspendre lesdits marchés et, pour finir, se contenter d’un compte rendu détaillé. Le Premier ministre devant simplement informer le président le République. Cette disposition était inutile, étant donné que l’article 63 avait été modifié avec le décret n° 2008-1165 du 16 octobre 2008, en réduisant de manière raisonnable le délai de consultation en cas de catastrophe naturelle.

La question des délais qui a été soulevée est en réalité un faux problème. Il est tout à fait normal que l’on prévoit un délai de principe et un délai dérogatoire dans certains cas et c’est ce qui a été fait dans le cadre du Cmp de 2007. Les différentes phases préalables à la passation des marchés publics sont nécessaires dans un Etat. Gouverner, c’est prévoir et le plan de passation des marchés, au même titre que l’avis général requis des autorités, permet la traçabilité de certaines opérations. Il ne s’agit nullement de goulot d’étranglement. Certaines sociétés anonymes à participation publique majoritaire ou encore des sociétés nationales étaient peut-être mieux placées pour demander un assouplissement de la législation sur cette question.

Le contrôle permet au public de connaître et de suivre la manière dont les ressources publiques sont utilisées. Le Premier ministre estime qu’il est nécessaire de revoir la composition des organes de l’Armp. Mais cette question devient inopérante avec une autorité de régulation qui ne peut plus contrôler certains marchés publics. Il faut simplement plaindre le prochain Directeur de l’Armp qui aura à contrôler essentiellement des personnes morales autres que l’Etat. C’est ce qui, peut-être, justifie secrètement le désir de M. Youssou Sakho de ne pas se présenter à nouveau. On ne peut que souhaiter une bonne chance au prochain Dg.

Nous ne pensons pas que ce nouveau texte puisse faciliter la célérité dans la passation des marchés publics. Dans un tel domaine, il y a des exigences qu’il faut savoir concilier et non mettre de côté, celles qui sont pesantes. Il s’agit des deniers publics et il est important que chacun, quel que soit son niveau de responsabilité, puisse rendre compte de cette utilisation.

Moustapha Ngaïdé, Chargé d’Enseignement en Droit Public (FSJP/UCAD)
Spécialiste en Passation des Marchés Publics

(Source : Wal Fadjri, 20 octobre 2010)

[1] http://www.lesafriques.com/droit-af...

[2] La première est issue du décret n° 2007-1590 du 31 décembre 2007 avait pour objet de permettre au Ministre chargé des Finances d’approuver certains marchés, la seconde opérée par le décret n° 2008-1165 du 16 octobre 2008 avait pour objet de réduire les délais de passation des marchés publics dans certains cas.

[3] http://www.lesoleil.sn/article.php3... (consulté le 10 octobre 2010)

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