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Blaise Ahouantchédé : « Le prochain défi, être leader des systèmes de paiement intégrés en Afrique… »

lundi 29 juin 2015

Blaise Ahouantchédé est un vrai passionné. Quand il parle de monétique, d’économie numérique et des opportunités d’émergence pour nos Etats, il ne s’arrête pas. Le patron du GIM UEMOA estime que si on interconnecte tous les réseaux régionaux, on pourrait réaliser l’inclusion financière des populations non bancarisées et propulser le décollage de l’Afrique grâce à l’épargne locale. Entretien.

Quelle est le rôle du GIM UEMOA ?

Le Groupement Interbancaire Monétique de l’UEMOA (GIM UEMOA) est né en 2000 de la volonté des Chefs d’Etats. Une décision, confiée à la BCEAO, institution supranationale, qui est l’institut d’émission de la monnaie fiduciaire et qui a pour rôle de moderniser les systèmes de paiement dans la zone. C’est un chantier comportant 3 composantes essentielles dont les deux premières (STAR et SICA UEMOA) sont gérées par la BCEAO. La troisième, connue sous le vocable de monétique interbancaire, est gérée par le GIM UEMOA, avec les banques comme principaux acteurs.

Notre mission est d’assurer la gouvernance et la régulation de la monétique. En clair, ce sont tous les lois et règlements régissant les interactions interbancaires et les préoccupations liées à la tarification et l’opérationnalité. En effet, le GIM compte 110 banques membres au sens large du terme. Il y a évidemment les banques et aussi deux établissements de monnaie électronique et quelques structures de microfinance. Certes, le GIM est une institution, mais il promeut aussi des produits avec le label GIM-UEMOA. Précisons que le GIM n’est pas émetteur de cartes, comme les banques mais nous les accompagnons dans cette initiative. La plateforme unique de la zone, dotée par le GIM, sert à appliquer cette réglementation en termes de processing (traitement) et de compensation bancaire des opérations monétiques à travers la zone. Aussi, nos premiers clients sont les banques.

L’autre volet de la mission du GIM est la dimension promotion et éducation des usagers. Nous avons aussi des services d’accès aux émetteurs internationaux que sont Visa et MasterCard. Grâce au GIM, d’ailleurs membre principal de Visa et MasterCard, nous sponsorisons les banques souhaitant aller vers ses émetteurs internationaux pour pouvoir mutualiser les coûts et réduire les charges… Ils sont, aujourd’hui, une quarantaine de banques auprès de Visa et moins d’une trentaine auprès de MasterCard.

La BCEAO joue un rôle de facilitateur pour mettre en œuvre une interopérabilité et une interbancarité opérationnelle à l’échelle régionale. Nous, le GIM, sommes un groupement d’intérêt économique même si nous sommes dotés d’un capital pour répondre à la nécessité d’offrir des services.

Comment se porte la monétique dans la zone UEMOA ?

Elle se porte assez bien. Depuis 12 ans que le GIM existe, le chemin parcouru ne laisse pas la place au doute. Les indicateurs sont au vert. Je suis bien placé pour en parler, car je suis là depuis le démarrage de ce chantier. Quand on voit aujourd’hui, le taux d’utilisation comparé au désert du début, on comprend beaucoup mieux. On est à 3 millions de cartes GIM contre zéro, il y a 12 ans. Faîtes la comparaison… On voit une progression exponentielle du volume de flux traités en 2014, soit environ 315 milliards de flux contre 10 millions au démarrage de la partie technique en 2007. (Une croissance exponentielle). Nous sommes toutefois dans un environnement où les gens sont très attachés à l’argent liquide, dans leurs poches. Dès qu’on parle de dématérialisation, de virtualisation, ce n’est pas évident. Mais l’avenir, c’est le paiement électronique.

Quelles ont été les difficultés rencontrées au début, chez les populations, les États, les banques ?

Un des freins entravant notre développement est l’accès aux services financiers. Il a fallu innover et montrer l’intérêt que le GIM a pour les populations. Prenons l’exemple du vieux retraité, habitant à Saint-Louis, qui n’a plus besoin de venir jusqu’à Dakar pour retirer sa pension avec tous les risques que cela comporte. Il n’a qu’à aller dans la banque la plus proche. Même si ce n’est pas sa banque, avec 500 FCFA, il peut disposer de son argent avec une carte GIM. C’est ce type d’avantages qui ont été déterminants dans la croissance du GIM et qu’on continue à mettre en avant. L’autre volet qui nous paraît important, c’est l’interbancarité. C’est un socle de performance qui sous-tend le développement des services de proximité. Aujourd’hui, les banques, prises individuellement, sont incapables de couvrir tout le territoire national voire régional. Une banque, à elle seule, ne peut déployer un réseau à la mesure de l’espace. Donc, il faut une coopération et le GIM s’inscrit dans cette optique de densification et de partage d’infrastructures financières. C’est toute cette dimension pédagogique, que nous avons utilisée, pour amener les banques à adopter les solutions du GIM avec une justification économique, à comprendre les enjeux de l’interbancarité. Et maintenant à elle de convaincre leurs clients, les citoyens de ce qu’ils peuvent tirer de l’interbancarité : la proximité, l’accessibilité et le coût. Ces éléments ont permis de lever certaines difficultés.

Aujourd’hui, ce qu’il faut faire, c’est convaincre les États à utiliser les solutions du GIM-UEMOA pour le règlement des impôts, taxes et droits de douanes. Je demeure convaincu que cela va aller en s’améliorant…

Peut-on avoir le taux de progression de la monétique dans chaque pays et les raisons qui expliquent certaines différences ?

Globalement, nous avons une croissance de +100%, d’année en année. Il y a des années où le taux est monté jusqu’à 112%, entre 2012 à 2014. On est passé de 150 milliards à 315 milliards de francs CFA. C’est un bon indicateur. Il illustre assez bien le fait que les gens commencent à utiliser les moyens de paiement, à comprendre le rôle et l’importance du GIM dans la société. Ces estimations sont quasiment identiques dans tous les pays de la zone. Sans trop m’avancer, je pense que d’ici 3 à 5 ans, le GIM sera capable de traiter mille milliards FCFA de flux. On pourra même être à la hauteur des budgets des États membres. Donc, les enjeux deviennent très importants. D’ailleurs, la BCEAO surveille ce que nous faisons. Il y a la question de la sécurité et de la maîtrise du risque systémique car on demande aux populations de confier leur argent aux banques et d’y accéder avec des moyens de paiement tels que la carte GIM, de faire confiance au système de paiement électronique.

Pour les chiffres du Sénégal ?

Le Sénégal, sur les dernières années, se comporte très bien. Sur les 315 milliards de flux, le Sénégal en est à 60 milliards en gros. C’est très bien. Maintenant, la position peut varier, selon les segments, entre la 2ème et la 3ème place, derrière la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina Faso.

Quelles sont les dispositions communautaires qui peuvent être prises pour favoriser l’inclusion financière des populations à faibles revenus ?

Le GIM doit réfléchir à son positionnement et à la stratégie à mener pour les 10 prochaines années, selon l’évolution du marché sur des intervalles de 3 à 5 ans. Nous sommes assez avant-gardistes, donc je ne me fais pas de souci. Aussi, la BCEAO doit revoir la réglementation en matière d’exercice et d’offre de services de paiement électronique. Le marché évolue plus vite que la réglementation et il faut s’adapter à cette donne. On peut voir ce qu’on doit améliorer pour favoriser une rapide croissance de l’inclusion financière par exemple les services sur le téléphone portable ou la biométrie. Comment inclure les exclus du système financier normal, soit la grande majorité des habitants de la zone ?

Il faut des statistiques fiables et les dispositions communautaires qui doivent aller dans le sens du renforcer de la réglementation avec une stratégie d’identification des personnes dans la zone par la biométrie et l’adoption des normes communes de codification qui pourront garantir l’interopérabilité à l’échelle régionale. Le Sénégal, c’est 14 millions d’habitants, l’UEMOA, 100 millions et la CEDEAO, 300 millions, c’est un gros marché mais qui méritent d’être organisé afin que les acteurs publics comme privés en tirent le meilleur. Ensuite, les décisions communautaires doivent être transposées au plan national.

Quel peut-être l’apport du GIM-UEMOA dans le développement de nos États, surtout en termes de financements ?

En regardant les mécanismes sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour émerger, on se demande : qu’est-ce que l’État recherche ? Des recettes fiscales et douanières ? Ou comment collecter efficacement les recettes ? Puisque le GIM est une émanation des Etats, il est important qu’ils utilisent les solutions du GIM. Pour collecter les impôts, le GIM a la solution et pour des raisons évidentes, les Etats doivent s’intéresser à ces solutions. Aujourd’hui, avec notre plateforme de cartes prépayées et de paiement en ligne, on est capable de gérer la plupart des engagements de nos Etats. Pour nos parents de la Diaspora, au lieu d’envoyer l’argent à des parents, ils peuvent payer directement à distance sans que le destinataire ait besoin de toucher cet argent, il suffit de déployer des sites de commerce électronique. Par exemple, quand la maman au village est malade, pour ses soins, on peut payer le médecin et le pharmacien directement depuis Dakar et on est certain qu’elle sera soignée.

Après 12 ans, comment jugez-vous l’interopérabilité entre les banques ?

Le GIM a pratiquement interconnecté toutes les banques de l’Union. Le GIM est une vraie opportunité pour les banques, en termes d’offres de services de proximité sur un réseau vaste fort de 5000 points interconnectés, de mutualisation des charges d’investissement et d’économie d’échelle. Avec une carte GIM, on peut retirer de l’argent dans n’importe quelle banque de la sous-région ou payer ses achats auprès des commerçants ou sur Internet et aussi avec son téléphone…C’est une réussite aujourd’hui et nous sommes en train d’intégrer les opérateurs de mobile money comme Orange et Tigo qui doivent rentrer dans l’écosystème, tout en respectant la réglementation. Au niveau du GIM, nous sommes très regardants sur la sécurité des transactions financières monétiques car nous gérons des accords interbancaires. Nous nous réjouissons de l’entrée de Google et Apple sur le marché. Il reste à résoudre le pari de la barrière linguistique pour proposer des produits en langues locales qui pourront être utilisés par tous ceux qui ne sont pas alphabétisés. C’est ça, la révolution ! Apporter des solutions qui vont nous permettre, demain, de réussir le défi de l’inclusion financière et sociale.

Peut-on espérer une intégration des systèmes monétiques des différentes régions de l’Afrique ?

C’est mon rêve et toutes les semaines, j’en parle. J’espère que les États et la BCEAO vont nous suivre. On parle d’intégration quand la Sénégalaise Fatou peut aller au Mali, en Afrique Centrale, dans n’importe quel pays de la CEDEAO, au Maroc, etc. sans songer à des restrictions sur ses dépenses parce qu’elle a une carte GIM valable dans tous les points de vente. C’est mon rêve ! Si on le réussit, je serai un homme heureux et fier d’avoir contribué à une véritable et concrète intégration financière et économique régionale. Je parle d’un marché africain de 2 milliards d’habitants à l’horizon 2020. Plus nous nous intégrons aux plans technologique et monétaire, mieux nous allons construire des stratégies durables. Nous y travaillons pour que demain, le GIM puisse s’intégrer aux systèmes des autres de la CEDEAO, du Maroc, de l’Afrique Centrale. Le défi de demain est là. Les Etats-Unis d’Amérique sont forts parce qu’ils sont unis. Même si je ne parle pas des États-Unis d’Afrique, unissons-nous pour offrir un développement durable. Il nous faut une varie politique de mutualisation et d’harmonisation. Moi, je suis dans la vision. Les programmes d’émergence sur 20 ou 25 ans, dans nos pays, sont un pas vers une vision orientée dans l’éducation, la productivité, la production, les stratégies financières… Et le GIM a un rôle important à y jouer. Une fois qu’on a réussi cette intégration, on peut être tranquille. Nous avons notre petite idée, aujourd’hui, c’est de nous ouvrir…

Quel est le prochain chantier du GIM UEMOA ?

D’un point de vue macroscopique, le prochain défi du GIM, c’est d’être le leader des systèmes intégrés en Afrique. D’accompagner ce mouvement d’intégration pour que chaque citoyen, détenteur de moyens de paiement électronique (carte, mobile…), puisse faire ses transactions, où qu’il se trouve en Afrique. Le défi, pour nous, c’est garantir, à tout moment, la qualité de service. Nous allons mettre en place un système d’évaluation de tous les acteurs. Le défi, c’est aussi le développement via des solutions nouvelles comme le paiement mobile, le mobile banking, les prépayés… Le défi, c’est aussi la sécurité. Le GIM, étant le gendarme de la monétique dans la zone UEMOA, nous devons faire en sorte que les citoyens soient sereins. Nous travaillons avec la Gendarmerie et la Police pour les former, pour que demain, s’il y a fraude, ils puissent traquer les fraudeurs. Donc, le défi, c’est la sécurité et la formation des acteurs. Ce qui est important, c’est l’éducation et la communication, notamment financière. Nous avons un vaste programme d’éducation financière, qu’est notre centre de formation GIM-Academy, une plateforme de formation permanente qui vise l’excellence. Grâce à l’éducation, les gens vont assimiler et préférer les produits proposés par les banques.

Amayi Badji

(Source : Réussir Business, 29 juin 2015)

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