L’adoption annoncée d’une loi sur la sécurité intérieure, révélée par le chef de l’Etat pour faire face aux menaces terroristes, trouble l’Association des utilisateurs des Tic, qui redoutent une extension des pouvoirs du ministère de l’Intérieur.
L’annonce de l’adoption d’une loi sur la sécurité intérieure inquiète l’Association des utilisateurs des Tic (Asutic). Même si elle reconnait que le Sénégal, « comme beaucoup de pays en Afrique, n’est pas à l’abri du terrorisme, la situation dans le Sahel étant plus que préoccupante » et qu’il « est du devoir des pouvoirs publics de protéger la population et d’apporter des réponses concrètes et efficaces pour assurer sa sécurité », elle redoute que « le projet de loi portant sur la sécurité intérieure pourrait aller dans le sens d’introduire dans le dispositif légal de lutte antiterrorisme de nouvelles normes, inspirées pour la plupart de la loi n°1969/29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège au Sénégal ». « Cette loi de 1969, qui ne cadre plus avec les normes régissant les libertés fondamentales au plan international, diminue les libertés publiques et accentue les pouvoirs de l’autorité administrative », dit l’Asutic. Elle prévient : « Au nom de la lutte contre le terrorisme, le gouvernement du Sénégal serait tenté, à travers la loi portant sur la sécurité intérieure, de s’arroger des mesures prévues dans le cadre du régime dérogatoire de circonstances exceptionnelles, conçu comme une suspension temporaire des droits et libertés garantis par la Constitution. Elles seraient ainsi inscrites dans le droit commun, pérennisées et permanentes. » Quelles seraient les conséquences redoutées ? « Ce projet de loi pourrait ainsi permettre au pouvoir exécutif d’écarter le droit pénal, avec ses garanties associées au pouvoir judiciaire, au profit d’un droit administratif étendu qui déliera ses mains des attaches qui le retenaient de l’arbitraire. Ce serait, un transfert des pouvoirs du judiciaire vers l’exécutif, sans garantie d’indépendance. En somme, un affaiblissement du pouvoir judiciaire au profit du pouvoir exécutif mais pire encore, une atteinte grave au régime Sénégalais des droits humains et libertés fondamentales (…) Déjà, nous voyons une des utilisations qui pourrait être faite de ces pouvoirs exceptionnels accordés aux autorités administratives, le ministère de l’Intérieur en particulier. Celle qui consistera à étouffer les dynamiques de contestation politique, sociale et syndicale impliquant des rassemblements sur la voie publique », dit l’association.
Face à cette situation, l’Association des utilisateurs des Tic demande « solennellement au gouvernement, de ne pas s’inspirer des dispositions de la loi n°1969/29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège et souligne que l’état d’exception doit demeurer provisoire et ne doit pas contaminer de manière permanente le droit commun » et appelle « à la vigilance les organisations de la Société civile, les défenseurs des droits humains en particulier, afin que l’Etat de droit soit préservé ». Pourquoi ? « Au vu de ces éléments, le projet de loi sur la sécurité intérieure pourrait se traduire par un renforcement considérable des pouvoirs attentatoires aux droits et libertés fondamentales attribués aux autorités administratives, en particulier au ministère de l’Intérieur, en se fondant sur une conception extensive de la menace terroriste », prévient l’organisation.
Mmae Fatou Kébé et Abdoulaye Barry
(Source : Le Quotidien, 23 janvier 2020)
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